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01/07/2008 | FRANCE | N°07DA00980

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 01 juillet 2008, 07DA00980


Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2007 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par l'envoi de l'original le 3 juillet 2007, présentée pour Mme Fatima épouse , demeurant ...), par Me Hurel ;

Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700564 du 24 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du

31 janvier 2007 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande d'admission au séjour, pris à son encontre une obligation

de quitter le territoire français et fixé le pays dont elle a la nationalité ou tout...

Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2007 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par l'envoi de l'original le 3 juillet 2007, présentée pour Mme Fatima épouse , demeurant ...), par Me Hurel ;

Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700564 du 24 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du

31 janvier 2007 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande d'admission au séjour, pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français et fixé le pays dont elle a la nationalité ou tout autre pays où elle serait légalement admissible comme pays de destination ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de lui établir une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir et, passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les décisions attaquées ne sont pas motivées en ce que le préfet ne fait pas référence aux dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne fait nulle référence aux violences dont l'exposante a été victime et qui l'autorisent, à titre dérogatoire, à bénéficier d'un titre de séjour ; que le préfet se devait de saisir la commission du titre de séjour compte tenu de la situation dans laquelle elle se trouvait et que la procédure est donc irrégulière ; que le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation et notamment des circonstances qui étaient à l'origine de la séparation des époux ; que les premiers juges n'ont pas fait une exacte appréciation de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'exposante souffre de pathologies chroniques justifiant un suivi définitif ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 12 juillet 2007 fixant la clôture de l'instruction au

17 septembre 2007 à 16 heures 30 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2007, présenté par le préfet de la Seine-Maritime ; le préfet conclut au rejet de la requête ; il soutient que la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement

juridique ; que la requérante n'entrait dans aucun des cas prévu à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquant la consultation de la commission du titre de séjour ; que sa situation a été correctement appréciée ; qu'il n'est ni établi que la communauté de vie aurait été rompue à l'initiative de la requérante, ni qu'elle a été victime de violences conjugales ; qu'enfin, la requérante n'avait nullement formulé de demande de titre de séjour à titre médical à la date du jour du refus de séjour ; qu'elle n'établit pas ni l'exceptionnelle gravité de sa pathologie, ni l'impossibilité se suivre un traitement dans son pays d'origine ;

Vu l'ordonnance en date du 15 octobre 2007 ordonnant la réouverture de l'instruction ;

Vu la décision du 17 juin 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai constatant la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,

président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme , qui s'est mariée le 31 mars 2004 au Maroc avec

M. René , ressortissant français, et dont le mariage a été transcrit sur les registres de l'état-civil le 8 juillet 2004, est entrée en France le 22 juillet 2004 et a bénéficié en qualité de conjoint de français d'un titre de séjour pour la période du 19 mai 2005 au 18 mai 2006 ; qu'elle relève appel du jugement du 24 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2007 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui renouveler son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant comme pays de destination le pays dont elle a la nationalité ou celui pour lequel elle établirait qu'elle serait légalement admissible ;

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué, qui rejette la demande de renouvellement de titre de séjour qu'a présentée Mme sur le fondement de l'article L. 313-11-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que la communauté de vie avec son époux a cessé depuis le 21 juillet 2006, est régulièrement motivé ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de l'intéressée avant de prendre sa décision ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : - (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée en France ait été régulière, que la communauté de vie n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : « (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article

L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative peut accorder le renouvellement du titre. (...) » ;

Considérant qu'il est constant qu'à la date à laquelle le préfet de la Seine-Maritime a pris l'arrêté attaqué, Mme ne remplissait plus la condition de communauté de vie entre époux lui ouvrant droit au renouvellement de sa carte de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français ; que si l'intéressée soutient que la communauté de vie a été rompue en raison des violences qu'elle a subies de la part de son mari, cette circonstance n'est pas de nature à la faire bénéficier de plein droit du renouvellement de son titre de séjour ; que

Mme , en se bornant à faire état, sans la produire, de la requête en divorce, n'établit pas, au surplus, que c'est à son initiative que la communauté de vie a été rompue alors qu'il est constant que c'est son mari qui a quitté le domicile conjugal ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet a rejeté la demande de titre de séjour qu'elle a présentée sur le fondement de l'article L. 313-11-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, que si Mme , dont la demande de titre de séjour a été présentée sur le fondement des dispositions du 4°, et non du 11°, de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait valoir qu'elle souffrirait de diverses pathologies chroniques, elle n'établit pas que ce suivi ne pourrait être assuré dans son pays d'origine ; que le certificat médical versé au dossier, rédigé au demeurant postérieurement à la date à laquelle la décision attaquée a été prise, et qui fait seulement état de ce que Mme nécessiterait un suivi médical définitif, n'est pas de nature à démontrer que l'état de santé de l'intéressée justifierait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur sa situation personnelle ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) » ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la situation personnelle et familiale de Mme ne lui permettait pas, à la date à laquelle ledit refus de séjour lui a été opposé, de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour ; que, dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime a pu prononcer, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le refus de séjour dont s'agit sans avoir soumis préalablement le cas de l'intéressée à la commission du titre de séjour, l'autorité préfectorale n'étant tenue de consulter la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions de fond pour se voir délivrer le titre qu'ils sollicitent ;

Sur la légalité de la décision d'éloignement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ;

Considérant que si la motivation de la décision prescrivant l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus du titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que le refus est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, l'administration demeure, toutefois, tenue de rappeler les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ; qu'en l'espèce, l'arrêté préfectoral attaqué, s'il est suffisamment motivé en fait, se borne à viser, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans rappeler dans ses visas, ses motifs ou même son dispositif, les dispositions de ce code permettant de fonder cette mesure d'éloignement ; que Mme est, dans cette mesure, fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d'irrégularité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 janvier 2007 en tant qu'elle l'invite à quitter le territoire français et fixe le pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à Mme une somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0700564 en date du 24 mai 2007 du Tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme en ce qu'elle concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination.

Article 2 : La décision du 31 janvier 2007 du préfet de la Seine-Maritime est annulée en tant qu'elle fait obligation à Mme de quitter le territoire français et fixe le pays de destination.

Article 3 : L'Etat versera à Mme la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Fatima épouse et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

N°07DA00980 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 07DA00980
Date de la décision : 01/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: M. Christian Bauzerand
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : HUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-07-01;07da00980 ?
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