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01/07/2008 | FRANCE | N°08DA00164

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 01 juillet 2008, 08DA00164


Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Kiyasettin X, demeurant ..., par Me Doller ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0706393 du 20 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2007 du préfet du Pas-de-Calais refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant la Turquie comme pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté du pré

fet du Pas-de-Calais ;

3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre d...

Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Kiyasettin X, demeurant ..., par Me Doller ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0706393 du 20 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2007 du préfet du Pas-de-Calais refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant la Turquie comme pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté du préfet du Pas-de-Calais ;

3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision attaquée est entachée d'incompétence rationae temporis ; que le préfet, qui a communiqué l'arrêté en cause à toutes les autorités locales, ne justifie pas le fondement légal de cette notification qui est préjudiciable à M. X ; que l'arrêté du préfet du

Pas-de-Calais méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il mène une vie affective avec sa concubine depuis le 1er novembre 2006 et qu'il s'est marié le 19 janvier 2008 ; qu'ainsi, le préfet ne peut soutenir que cette relation sentimentale serait trop récente ; que l'arrêté litigieux viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'un retour en Turquie l'exposerait à une incarcération et des traitements inhumains et dégradants comme l'atteste le jugement le condamnant à une peine de prison pour activités de militantisme en faveur du PKK et du HADEP ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2008, présenté par le préfet du Pas-de-Calais, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la décision attaquée n'est pas entachée d'incompétence dès lors que le signataire de la décision a reçu délégation de signature à ce titre ; que sa décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la vie commune dont se prévaut M. X, qui n'est que d'une année, est trop récente ; que la communauté de vie ne peut être établie par la production d'attestations des proches du requérant ; que l'attestation établie par le maire de la commune a été rédigée sur la base des seules déclarations de l'intéressé ; que la circonstance que M. X se soit marié le 19 janvier 2008 n'a aucune incidence sur la légalité de l'arrêté contesté ; que le requérant a demandé un titre de séjour en qualité de réfugié et non au titre de sa relation avec une ressortissante française ; que M. X, qui a la possibilité de retourner en Turquie pour solliciter un visa de long séjour et demander un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissante française, n'est pas isolé dans son pays d'origine où résident notamment ses quatre enfants ; qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; que M. X n'établit pas être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Turquie dès lors que ses demandes d'asile ont toutes été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Commission des recours des réfugiés qui ont considéré que les pièces produites ne présentaient pas de garanties d'authenticité suffisantes pour établir un tel risque ;

Vu la décision du 26 mai 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2008 à laquelle siégeaient

M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et

M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, ressortissant turc entré en France le 26 septembre 2001 à l'âge de 29 ans, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 février 2003, décision confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 11 décembre 2003 ; que le 17 août 2007, l'intéressé a sollicité le réexamen de sa demande d'asile ; que, par décision du 21 août 2007 prise sur le fondement de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de l'admettre provisoirement au séjour et a transmis sa demande à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui a rejeté sa demande de réexamen le 30 août 2007 ; que, par la décision attaquée du

11 septembre 2007, le préfet a refusé la délivrance à M. X du titre de séjour en qualité de réfugié, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé la Turquie comme pays de destination ;

Considérant, en premier lieu, que, par arrêté du 30 juillet 2007 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, M. Patrick Y, secrétaire général de la préfecture, a reçu délégation du préfet du Pas-de-Calais, nommé par décret du 9 juillet 2007, à l'effet de signer la décision litigieuse ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que l'arrêté litigieux ait été notifié à plusieurs organismes publics et au maire de la commune où M. X réside est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; qu'ainsi le préfet n'était pas tenu de préciser le fondement légal d'une telle notification ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que M. X fait valoir qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française et les enfants de celle-ci depuis le 1er novembre 2006 et qu'il est bien intégré à la vie locale et fait état de son mariage le 19 janvier 2008 ; que, toutefois, ce mariage, postérieur à la décision attaquée, est sans incidence sur sa légalité ; qu'à la date de la décision attaquée, compte tenu de la faible durée de sa relation avec sa future femme et des conditions de séjour en France de M. X et alors qu'il ressort des pièces du dossier que les quatre enfants du requérant, âgés respectivement de 14, 11, 9 et 6 ans, vivent en Turquie, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que M. X soutient que sa vie serait menacée en cas de retour en Turquie en raison de sa participation aux mouvements indépendantistes du PKK et du HADEP ; que l'intéressé, dont les demandes d'admission au statut de réfugié ont été rejetées à deux reprises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Commission des recours des réfugiés, produit à l'appui de ce moyen un jugement du 27 juin 2007 de la Cour d'assises d'Istanbul le condamnant à 4 ans et 6 mois de prison pour participation à des activités de militantisme au sein du PKK et du HADEP et le mandat d'arrêt pris sur ce fondement ; que ces pièces, dont la valeur probante a d'ailleurs été écartée par une décision du 19 février 2008 de la Cour nationale du droit d'asile confirmant le rejet de sa demande de réexamen de sa situation, ne sont pas suffisantes, en l'absence de tout autre élément, pour établir la réalité des risques encourus ; que le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision fixant la Turquie comme pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Kiyasettin X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.

N°08DA00164 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: Mme Brigitte (AC) Phémolant
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SCM DELARUE-CHIROLA-DOLLER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 01/07/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08DA00164
Numéro NOR : CETATEXT000019802089 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-07-01;08da00164 ?
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