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03/07/2008 | FRANCE | N°07DA01189

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 03 juillet 2008, 07DA01189


Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Jacques Y, demeurant ..., par la SCP Lefranc, Bavencoffe, Meillier ; il demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0601700, en date du 13 juin 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 1er décembre 2005, par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a refusé de l'autoriser à exploiter une surface supplémentaire de 14 ha 37 a de terres sises sur le territoire de la commune de >
Sus-Saint-Léger, ensemble la décision implicite du ministre de l'agr...

Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Jacques Y, demeurant ..., par la SCP Lefranc, Bavencoffe, Meillier ; il demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0601700, en date du 13 juin 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 1er décembre 2005, par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a refusé de l'autoriser à exploiter une surface supplémentaire de 14 ha 37 a de terres sises sur le territoire de la commune de

Sus-Saint-Léger, ensemble la décision implicite du ministre de l'agriculture et de la pêche rejetant son recours hiérarchique du 30 décembre 2005 ;

2°) d'annuler les décisions attaquées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que son âge ne pouvait à lui seul fonder la décision attaquée ; que le préfet du

Pas-de-Calais devait prendre en considération ses déclarations relatives à sa volonté de renoncer au bénéfice de sa retraite agricole et de cesser son activité de pilote libéral ; que rien n'interdisait au préfet de lui délivrer une autorisation conditionnée par la réalisation de ces déclarations ; qu'il n'est pas démontré que la reprise des terres litigieuses aurait pour conséquence de démembrer une exploitation viable ; que le préfet du Pas-de-Calais ne pouvait se référer aux priorités définies par l'article 7 du schéma directeur départemental des structures agricoles du Pas-de-Calais ; que la situation de M. Z ne relève pas de la 1ère orientation dudit schéma mais de la 4ème orientation ; que le préfet du Pas-de-Calais aurait dû lui accorder l'autorisation sollicitée, sa demande relevant de la 2ème orientation du schéma directeur, qui est d'un rang supérieur à celui dont relève la situation de M. Z ; que la prise en compte de l'atteinte à une structure parcellaire résultant d'aménagements réalisés avec l'aide de fonds public ne peut être retenue dès lors que M. Z n'est pas propriétaire des parcelles litigieuses ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu l'ordonnance, en date du 7 août 2007, portant clôture de l'instruction au 8 novembre 2007 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2007, présenté pour M. Arnaud Z, demeurant ..., par la SCP Lamoril, Robiquet, Delevacque ; il demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de M. Y la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que M. Y est exclusivement aviateur ; qu'il ne justifie pas être titulaire d'un diplôme agricole ou de l'expérience professionnelle requise par les articles L. 311-1 et suivants du code rural ; qu'il est impossible de s'assurer du projet réel de M. Y ; que ce projet ne relève d'aucune des orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles du Pas-de-Calais, ni des critères définis aux articles 8 et 9 du même schéma ; que, par la décision attaquée, le préfet du Pas-de-Calais a procédé à une analyse de la situation personnelle du requérant et du preneur en place et s'est référé à la structure parcellaire, à la viabilité et à l'impact de la reprise sollicitée sur les exploitations concernées ; que la prise en compte des orientations du schéma directeur ne constitue qu'un des critères énumérés par l'article L. 331-3 du code rural ; que les orientations définies par l'article 1er dudit schéma ne sont pas hiérarchisées ; que la décision attaquée n'a pas méconnu l'article L. 331-3 du code rural ; que la reprise envisagée entrainera un démembrement de l'unité de production et une aggravation de ses conditions d'exploitation ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2007 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 6 novembre 2007, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche qui demande à la Cour de rejeter la requête de M. Y ; il soutient que le préfet du Pas-de-Calais n'a pas retenu que l'âge de M. Y pour fonder sa décision ; que c'est à bon droit que le préfet n'a pas tenu compte des intentions du requérant ; que la circonstance selon laquelle le préfet a la possibilité de délivrer une autorisation conditionnelle est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; que M. Y ne développe, en cause d'appel, aucun argument ni preuve au soutien du moyen tiré de ce que la reprise envisagée n'aurait pas pour conséquence de démembrer l'exploitation viable de M. Z ; que c'est à bon droit que le préfet du Pas-de-Calais a estimé que cette reprise aurait une telle conséquence ; que les références à l'article 5 du schéma directeur département des structures agricoles du Pas-de-Calais ainsi qu'à l'article L. 123-1 du code rural, sont inopérantes ; qu'il ne ressort pas du schéma directeur que la première orientation ne peut s'appliquer qu'en cas de reprise de la globalité d'une exploitation ; que les orientations définies par le schéma directeur ne sont pas hiérarchisées ; que le préfet du Pas-de-Calais n'a pas statué en tenant compte des priorités définies par l'article 7 du schéma directeur ; que c'est à bon droit que le préfet du Pas-de-Calais a pris en compte la structure parcellaire de l'exploitation de M. Z telle qu'elle aurait résulté de la reprise envisagée afin d'éviter le démembrement de son exploitation et alors même qu'il n'est pas propriétaire des terres remembrées ;

Vu l'ordonnance, en date du 6 novembre 2007, portant report de la clôture de l'instruction au 14 décembre 2007 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 novembre 2007, présenté pour M. Y qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il fait valoir, en outre, que M. Z exploite les parcelles litigieuses en trois blocs distincts ; que, pour apprécier la situation de M. Z, il convient de se référer aux superficies mises en culture par le GAEC Henry ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2007, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche qui conclut aux mêmes fins que le mémoire en défense par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et Mme Agnès Eliot, premier conseiller :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le préfet du Pas-de-Calais, par une décision en date du 1er décembre 2005, a refusé d'autoriser M. Y, âgé de 60 ans, mettant en valeur à titre d'activité professionnelle complémentaire une surface de 2 ha 38, à exploiter deux parcelles cadastrées ZB nos 84 et 85 d'une superficie de 14 ha 37 a, sises sur le territoire de la commune de Sus-Saint-Léger, lui appartenant et louées à M. Z, ce dernier les mettant à disposition du GAEC Z qui met en valeur une surface de 103 ha 98 a ; que M. Y relève appel du jugement, en date du 13 juin 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 1er décembre 2005, ensemble la décision implicite du ministre de l'agriculture et de la pêche rejetant son recours hiérarchique du 30 décembre 2005 ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 331-3 du code rural dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment :

/ 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; /(...)/ 3° Prendre en compte les références de production ou droits à aide dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; / 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; /(...)/ 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; /(...)/ L'autorisation peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres candidatures prioritaires. Elle peut également être conditionnelle ou temporaire » ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 3 juillet 2003 portant schéma directeur départemental des structures agricoles du Pas-de-Calais : « Orientations pour les structures des exploitations agricoles / 1 Maintenir le plus grand nombre d'exploitations de type familial, et pour cela : / Favoriser la première installation d'agriculteurs sur des structures viables (...) / Conforter les exploitations dont le revenu par actif est insuffisant / Eviter le démembrement d'exploitations viables, notamment par leur inscription au répertoire à l'installation / Limiter les agrandissements excessifs / 2 Maintenir le plus grand nombre d'actifs agricoles en favorisant des systèmes de production diversifiés, et notamment : / Permettre l'installation ou conforter l'exploitation d'agriculteurs pluri-actifs, dans la limite d'un seuil de revenus /(...)/ 4 De façon générale, nonobstant les orientations précédentes, améliorer le parcellaire des exploitations (...) » ;

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée repose sur une pluralité de motifs fondés tant sur les dispositions des 4° et 7° de l'article L. 313-3 du code rural que sur les orientations définies au 1 de l'article 1er du schéma directeur départemental des structures agricoles du

Pas-de-Calais ; que l'arrêté du 1er décembre 2005 retient, en particulier, que la reprise envisagée serait, au regard des dispositions précitées du code rural, de nature à démembrer un ensemble bien structuré et viable, qu'elle aurait pour effet d'aggraver les conditions d'exploitation de M. Z et que l'opération serait contraire aux objectifs du contrôle des structures et aux orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles du Pas-de-Calais ; qu'il suit de là que le préfet du Pas-de-Calais n'a pas pris exclusivement en compte l'âge de M. Y pour fonder sa décision ; qu'en revanche, l'autorité préfectorale a pu, sans commettre d'erreur de droit, prendre notamment en compte cet élément pour apprécier la situation du demandeur au regard de celle du preneur en place ; qu'il ne ressort pas davantage de la décision attaquée que le préfet du Pas-de-Calais a fondé sa décision sur les priorités définies à l'article 7 du schéma directeur départemental des structures agricoles du Pas-de-Calais ;

Considérant, en deuxième lieu, que, pour contester les motifs tirés de ce que la reprise envisagée par M. Y serait contraire à l'orientation visant à éviter le démembrement d'une exploitation viable, l'appelant fait valoir que cette orientation ne peut être prise en compte qu'en cas d'abandon de la totalité des terres exploitées par le preneur en place ; que, toutefois, les dispositions du schéma directeur départemental des structures agricoles du Pas-de-Calais n'imposent pas une telle condition exclusive ; que, dès lors, M. Y n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet du Pas-de-Calais a examiné sa demande au regard de cette orientation ; qu'en tout état de cause et contrairement à ce qu'elles prévoient pour les priorités, les dispositions précitées de l'article L. 331-3 du code rural ne prescrivent pas d'établir une hiérarchie entre les orientations définies par les schémas directeurs ; qu'ainsi la circonstance, à la supposer même établie, selon laquelle la reprise envisagée par M. Y relèverait d'une orientation citée avant celle dont relèverait la situation de M. Z, preneur en place, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant, en troisième lieu, que pour critiquer les motifs tirés de ce que la reprise aurait pour effet d'aggraver les conditions d'exploitation de M. Z et entrainerait le démembrement d'un ensemble bien structuré et viable, M. Y fait valoir, d'une part, qu'il n'est pas établi que la reprise envisagée entraînerait le démembrement de l'exploitation de M. Z, et, d'autre part, que le motif retenu par le préfet selon lequel les parcelles demandées font partie d'un bloc de culture remembré d'environ 16 ha, reposerait sur une erreur de droit dès lors que le remembrement qui correspond à un aménagement réalisé sur fonds public ne concerne que les propriétaires et non les locataires de terres comme en l'espèce M. Z ; qu'en tout état de cause, le préfet du

Pas-de-Calais ne s'est principalement fondé ni sur le démembrement de l'exploitation, ni sur la remise en cause d'aménagements réalisés sur fonds publics mais sur les inconvénients qui résulteraient pour les conditions d'exploitation de M. Z de la reprise des parcelles en cause, sans que ces inconvénients soient d'ailleurs compensés par les avantages attendus et susceptibles d'en être retirés par l'exploitation de M. Y, compte tenu des autres critères pris en compte dans le cadre de la comparaison des situations du demandeur et du preneur en place ;

Considérant, en quatrième lieu, que les éléments de nature à justifier l'octroi ou le refus d'une autorisation d'exploiter doivent être appréciés à la date à laquelle la décision préfectorale intervient ; qu'il ressort des pièces du dossier que, pour fonder sa décision du 1er décembre 2005, le préfet du Pas-de-Calais ne pouvait prendre en considération les éléments éventuels, postérieurs à la date de sa décision, selon lesquels M. Y renoncerait au bénéfice de sa retraite agricole ainsi qu'à son activité de pilote libéral ; qu'ainsi, ces circonstances, à les supposer établies, sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant, en dernier lieu, que si, en application du dernier alinéa de l'article L. 331-3 du code rural, l'autorité préfectorale a la faculté de délivrer une autorisation conditionnelle, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'elle prenne, le cas échéant, une décision de rejet sur le fondement des premiers alinéas du même article ; que le requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le préfet aurait dû lui accorder une telle autorisation conditionnelle ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais n'a pas, en prenant la décision attaquée, commis une erreur de fait, de droit ou d'appréciation ; que, par suite, M. Y n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. Y demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de M. Y le paiement à M. Z de la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Y est rejetée.

Article 2 : M. Y versera à M. Z la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jacques Y, à M. Arnaud Z ainsi qu'au ministre de l'agriculture et de la pêche.

Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.

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N°07DA01189


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA01189
Date de la décision : 03/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Estève
Rapporteur ?: M. Olivier (AC) Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP LEFRANC- BAVENCOFFE-MEILLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-07-03;07da01189 ?
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