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24/07/2008 | FRANCE | N°08DA00265

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 24 juillet 2008, 08DA00265


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

13 février 2008, présentée pour M. Mandeep X, demeurant 20 rue de la Gare à

Ribemont-sur-Ancre (80113), par la SCP Hache, Moreau ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800007, en date du 8 janvier 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Somme du 4 janvier 2008 décidant sa reconduite à la frontière et désignant l'Inde c

omme pays de destination de cette mesure ;

2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de p...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

13 février 2008, présentée pour M. Mandeep X, demeurant 20 rue de la Gare à

Ribemont-sur-Ancre (80113), par la SCP Hache, Moreau ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800007, en date du 8 janvier 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Somme du 4 janvier 2008 décidant sa reconduite à la frontière et désignant l'Inde comme pays de destination de cette mesure ;

2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;

M. X soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué lui a été irrégulièrement notifié, dès lors que cette notification a été effectuée sans l'assistance d'un interprète, alors qu'il ne possède pas une maîtrise suffisante de la langue française lui permettant de comprendre les mentions contenues dans le procès-verbal de notification ; que plusieurs incohérences apparaissant dans les pièces de la procédure administrative, de même que la circonstance que l'exposant aurait renoncé à son droit de se faire assister par un avocat ainsi qu'à celui d'introduire un recours, alors qu'il a ensuite exercé ces droits, démontrent que l'assistance d'un interprète était en l'espèce indispensable ; que le juge des libertés et de la détention a d'ailleurs reconnu la nullité de la procédure et refusé pour ce motif de faire droit à la demande du préfet tendant à la prolongation de la mesure de rétention dont l'exposant a fait l'objet ; que, dès lors et contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'arrêté attaqué a été pris sur une procédure irrégulière ; que, par ailleurs au fond, il est établi qu'un retour de l'exposant dans son pays d'origine le mettrait en proie à des menaces pour sa vie ou sa liberté ou à des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, alors qu'il s'était engagé dans l'armée indienne, il a déserté, puis, de retour dans son village natal, a dû se cacher pour échapper à la police et, en raison de son appartenance à une caste aisée minoritaire, a subi des violences de la part de membres des castes dominantes ; qu'il s'est ensuite résolu à quitter son pays, dès lors qu'aucun membre de sa famille ou ami n'était en mesure de le protéger ; qu'avec le soutien d'une association, il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée le 14 septembre 2007 puis a formé un recours contre ce rejet ; qu'il n'a pas été statué à ce jour sur ce recours ; que l'autorité administrative n'est pas liée par l'appréciation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, dans ces conditions et contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ; qu'enfin, l'exposant a fait la connaissance d'une ressortissante française, en mars 2007, avec laquelle il entretient depuis lors une relation sentimentale et s'est installé ; qu'ils souhaitent se marier ; que l'exposant s'entend très bien avec les enfants de sa compagne ; que, nonobstant la courte durée de son séjour, il s'est donc construit en France une véritable vie familiale et y a fixé tous ses centres d'intérêt ; qu'il est dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, ses parents étant tous deux décédés, et sa soeur, qui l'a élevé, étant désormais mariée ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a ainsi méconnu tant les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cet arrêté est, en outre et contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 3 mars 2008 par laquelle le président de la 3ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 25 mars 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2008 par télécopie et confirmé le

26 mars 2008 par courrier original, présenté par le préfet de la Somme ; le préfet conclut au rejet de la requête ; il soutient que, dès lors que M. X avait déclaré, lors de son audition, parler, comprendre, lire et écrire le français, qu'il a répondu aux questions des gendarmes et a signé le procès-verbal de notification de l'arrêté attaqué sans hésitation, l'intéressé ne saurait à présent prétendre qu'il n'aurait pas compris la nature de la procédure mise en oeuvre à son égard, alors au demeurant qu'il avait précédemment fait l'objet d'une procédure similaire ; qu'au fond, le recours formé par M. X contre le rejet de sa demande d'asile n'a aucun caractère suspensif ; que le récit de l'intéressé quant aux circonstances l'ayant conduit à quitter son pays a évolué depuis sa première interpellation ; que M. X n'a produit aucun élément de nature à permettre de tenir pour établies les craintes alléguées ; que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a, dès lors, pas été méconnu ; qu'enfin, le projet de mariage de M. X avec une ressortissante française n'est pas établi dans sa réalité ; que l'existence d'une communauté de vie stable et ancienne entre M. X et cette personne, qui s'est opposée à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière précédemment prise à l'égard de l'intéressé, n'est pas davantage établie ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Vu l'ordonnance en date du 27 mars 2008 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu la décision en date du 1er avril 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant à M. X l'aide juridictionnelle totale pour la présente procédure ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 15 octobre 2007 prise en vertu de l'article

R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juillet 2008 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêté en date du 4 janvier 2008, le préfet de la Somme a décidé de reconduire M. X, ressortissant indien, né le 18 janvier 1981, à la frontière et a désigné l'Inde comme pays de destination de cette mesure ; que M. X forme appel du jugement, en date du

8 janvier 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne : a) S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du même code : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants :

1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X est entré en France, selon ses déclarations, le 14 mars 2005, alors qu'il était en possession d'un passeport revêtu d'un visa « Schengen » de court séjour qu'il a avoué lors de son interpellation s'être procuré frauduleusement dans son pays d'origine ; que l'intéressé n'est donc pas en mesure de justifier d'une entrée régulière sur le territoire français et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il entrait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées et permettant au préfet de la Somme de décider, par l'arrêté attaqué, sa reconduite à la frontière ;

Considérant, en premier lieu, que les conditions dans lesquelles un arrêté de reconduite à la frontière est notifié au ressortissant étranger à l'égard duquel il est pris sont sans incidence sur la légalité de cet arrêté ; qu'ainsi, M. X, qui avait au demeurant indiqué au cours de l'audition qui a suivi son interpellation, comprendre la langue française et qui a répondu aux questions des enquêteurs, ne saurait utilement invoquer les circonstances que ledit arrêté ne lui a pas été notifié avec le concours d'un interprète, alors même que le juge des libertés et de la détention a refusé pour ce motif de prolonger la mesure de rétention administrative dont l'intéressé faisait l'objet ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité (...) d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet (...) » ; que si M. X fait valoir qu'il a saisi la Cour nationale du droit d'asile d'un recours contre le rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 14 septembre 2007 de sa demande de nouvel examen de sa situation au regard du droit d'asile et sur lequel il n'aurait pas été statué, l'intéressé, qui a la nationalité d'un pays qui a été inscrit le 30 juin 2005 sur la liste des pays d'origine sûrs établie par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ne pouvait légalement séjourner sur le territoire national, en application des dispositions susrappelées de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que jusqu'à ce que l'Office lui ait notifié sa décision ; que, dans ces conditions, ledit moyen, qui est inopérant, doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article

L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) » ; que si M. X, qui serait entré en France en mars 2005, fait état de ce qu'il vit avec une ressortissante française avec laquelle il envisage de se marier, cette relation, à en supposer la réalité suffisamment établie, présentait, à la date à laquelle l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été pris, un caractère récent, puisque ne datant, aux dires mêmes de l'intéressé, que de mars 2007, soit de dix mois au plus ; que M. X n'établit pas, par ailleurs, contribuer à l'éducation, ni même à l'entretien des enfants de sa compagne, avec lesquels il indique avoir des liens privilégiés ; qu'il n'est, par ailleurs, pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a laissé au moins une soeur, qui l'a élevé après le décès de leurs parents ; que, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances et eu égard à la durée et aux conditions du séjour de M. X, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, dès lors, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce même arrêté n'est pas davantage, pour les mêmes motifs, entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de M. X ;

Sur la légalité de la désignation du pays de destination de cette mesure :

Considérant que M. X fait état de ce que sa vie ou sa liberté seraient menacées en cas de retour dans son pays d'origine et invoque à cet égard les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce moyen doit être regardé comme dirigé contre la décision désignant le pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière dont l'intéressé a fait l'objet ; que, toutefois, M. X, dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, n'a assorti le récit, au demeurant fluctuant et peu convaincant, des circonstances l'ayant conduit à quitter l'Inde d'aucun élément de nature à établir qu'il encourrait effectivement et à titre personnel des risques en cas de retour dans ce pays, qui figure d'ailleurs sur la liste des pays d'origine sûrs publiée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, dès lors, la décision attaquée n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette même décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur la situation personnelle de M. X ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif d'Amiens, qui n'a omis de statuer sur aucun de ses moyens, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 janvier 2008 du préfet de la Somme décidant sa reconduite à la frontière et désigné l'Inde comme pays de destination de cette mesure ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mandeep X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera adressée au préfet de la Somme.

N°08DA00265 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 08DA00265
Date de la décision : 24/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP HACHE MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-07-24;08da00265 ?
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