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24/07/2008 | FRANCE | N°08DA00674

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 24 juillet 2008, 08DA00674


Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE L'AISNE ; le préfet demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0800788, en date du 25 mars 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif d'Amiens a décidé que l'exécution de son arrêté en date du 17 mars 2008 prononçant la reconduite à la frontière de M. Veysel X, ressortissant turc, et désignant la Turquie comme pays de destination de cette mesure serait différée jusqu'à la notification

à l'intéressé de la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur le r...

Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE L'AISNE ; le préfet demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0800788, en date du 25 mars 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif d'Amiens a décidé que l'exécution de son arrêté en date du 17 mars 2008 prononçant la reconduite à la frontière de M. Veysel X, ressortissant turc, et désignant la Turquie comme pays de destination de cette mesure serait différée jusqu'à la notification à l'intéressé de la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur le recours qu'il avait formé contre le rejet de sa demande d'asile ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif d'Amiens ;

Le préfet soutient qu'après avoir vu les deux demandes d'asile, qu'il avait successivement formées, rejetées par des décisions définitives et fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière prononcé par le préfet du Val-d'Oise, M. X a sollicité une nouvelle fois, le 22 août 2007, le réexamen de sa demande d'asile ; que cette demande, qui a pu à bon droit être regardée comme constituant une manoeuvre dilatoire destinée à faire échec aux mesures d'éloignement prononcées à son égard, a été instruite par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le cadre de la procédure d'examen prioritaire et rejetée le 24 août 2007 ; que, dans ces conditions, le premier juge a retenu à tort, pour différer l'exécution de l'arrêté attaqué, que le recours formé par M. X faisait obstacle à l'exécution dudit arrêté et que l'intéressé bénéficiait d'un droit au séjour en France jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 5 mai 2008 par laquelle le président de la Cour fixe la clôture de l'instruction au 5 juin 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 15 octobre 2007 prise en vertu de l'article

R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juillet 2008 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour décider, par un jugement en date du 25 mars 2008, que l'exécution de l'arrêté du 17 mars 2008 par lequel le PREFET DE L'AISNE a prononcé la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant turc, né le 1er janvier 1980, serait différée jusqu'à la notification à l'intéressé de la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur le recours qu'il avait formé, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif d'Amiens a estimé que M. X bénéficiait d'un droit au maintien sur le territoire français jusqu'à la date de cette notification ; que le PREFET DE L'AISNE forme appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande entre dans l'un des cas visés au 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. (...) » ; que si M. X, qui avait fait l'objet, le 2 août 2005, d'un premier arrêté de reconduite à la frontière prononcé par le préfet du Val-d'Oise, a saisi, le

26 septembre 2007, la Cour nationale du droit d'asile d'un recours contre le rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de sa seconde demande de nouvel examen de sa situation au regard du droit d'asile, l'intéressé, dont il ne ressort d'aucun des éléments du dossier qu'il ait bénéficié de la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour pour saisir de nouveau l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et dont ladite demande de réexamen a pu à bon droit être regardée par le préfet comme n'ayant été présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement, ne pouvait légalement séjourner sur le territoire national, en application des dispositions susrappelées de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que jusqu'à ce que l'Office ait statué sur cette demande ; que, dès lors, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif d'Amiens a estimé à tort que l'existence d'un recours pendant devant la Cour nationale du droit d'asile faisait obstacle, dans les conditions susrappelées, à l'exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué ;

Considérant qu'il appartient, toutefois, au juge d'appel des reconduites à la frontière, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par

M. X devant le président du Tribunal administratif d'Amiens ;

Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière :

Considérant, au préalable, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ; que M. X, qui a déclaré être arrivé en France le 9 février 2001, n'a toutefois pas été en mesure de justifier d'une entrée régulière et n'était titulaire d'aucun titre de séjour ; qu'il entrait ainsi dans le cas visé par les dispositions précitées autorisant le PREFET DE L'AISNE à décider qu'il serait reconduit à la frontière ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été signé par Mme Simone Y, sous-préfet, secrétaire général de la préfecture de l'Aisne, qui bénéficiait d'une délégation de signature qui lui avait été donnée par un arrêté du PREFET DE L'AISNE en date du 4 mars 2008, régulièrement publié le 7 mars 2008 au recueil des actes administratifs de la préfecture ; que cette délégation de signature habilitait Mme Y à signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué, qui manque en fait, doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la mesure de reconduite à la frontière prise à l'égard de M. X ; qu'ainsi et alors même que ces motifs ne mentionnent pas que l'intéressé a déposé un recours pendant devant la Cour nationale du droit d'asile, ledit arrêté répond aux exigences de motivation posées tant par les dispositions précitées de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que par celles de la loi susvisée du 11 juillet 1979, modifiée ; qu'il ne ressort, dans ces conditions, d'aucun des éléments du dossier que le PREFET DE L'AISNE n'ait pas procédé à un examen suffisant de la situation particulière de M. X avant de prendre l'arrêté attaqué ;

Sur la légalité de la désignation du pays de destination de cette mesure :

Considérant que si M. X soutient qu'il craint d'être soumis à des traitements inhumains et dégradants prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, compte tenu de ses origines kurdes, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il encourrait effectivement et à titre personnel des risques en Turquie ; qu'ainsi, ni les correspondances de proches restés au pays, ni le mandat d'arrêt, qui aurait été émis le 17 août 2005 par le procureur de la République d'Izmir à la suite d'une condamnation pénale de l'intéressé et qui a été, au demeurant, écarté par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides comme dépourvu de garantie d'authenticité, que M. X a versés au dossier, ne sont suffisants à apporter une telle preuve ; que, dès lors, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'AISNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif d'Amiens a décidé que l'exécution de son arrêté en date du 17 mars 2008 prononçant la reconduite à la frontière de M. X et désignant la Turquie comme pays de destination de cette mesure serait différée jusqu'à la notification à l'intéressé de la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur le recours qu'il avait formé contre le rejet de sa demande d'asile ; que, dès lors, la demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif d'Amiens, tendant à l'annulation dudit arrêté et à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0800788 en date du 25 mars 2008 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif d'Amiens est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Veysel X ainsi.

Copie sera transmise au PREFET DE L'AISNE.

N°08DA00674 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 08DA00674
Date de la décision : 24/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-07-24;08da00674 ?
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