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18/09/2008 | FRANCE | N°07DA01817

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 18 septembre 2008, 07DA01817


Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2007 par télécopie et régularisée par la réception de l'original le 4 décembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Nadiya X épouse Y, demeurant ..., par la SELARL Eden Avocats ; elle demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0702220, en date du 30 octobre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du

20 juillet 2007, par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de sé

jour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destinati...

Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2007 par télécopie et régularisée par la réception de l'original le 4 décembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Nadiya X épouse Y, demeurant ..., par la SELARL Eden Avocats ; elle demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0702220, en date du 30 octobre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du

20 juillet 2007, par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en cas de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) de condamner l'Etat à verser à la SELARL Eden Avocats une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ladite condamnation valant renonciation de la SELARL au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur de droit ; que depuis la précédente décision de refus de séjour dont elle a fait l'objet en 2006, elle n'a présenté personnellement aucune demande de titre de séjour et ne s'est pas présentée à cette fin aux services préfectoraux ; que l'intervention du collectif n'a pour objet qu'un examen collectif des dossiers sans examen des situations individuelles ; que cette intervention ne peut donc être considérée comme une demande personnelle présentée en son nom ; qu'elle a en France l'essentiel de sa famille et ne dispose plus d'aucun lien significatif en Ukraine ; que la situation de son mari ne peut être appréciée indépendamment de la sienne ; qu'ils séjournent en France depuis plus de quatre ans et sont insérés socialement ; que la décision portant refus de séjour a été prise en violation du 7° de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle dispose du soutien de la population locale, des élus locaux et nationaux ainsi que d'associations locales ; qu'elle a participé à de multiples formations en langue française et en informatique ; qu'elle dispose de réelles perspectives professionnelles et d'une promesse d'embauche pour un poste d'animatrice et d'auxiliaire périscolaire d'aides aux devoirs ; qu'elle est titulaire d'un diplôme universitaire en littérature acquis en Ukraine et a été admise pour suivre les cours du baccalauréat professionnel mention « commerce » ; qu'elle respecte ses obligations fiscales ; que la décision portant refus de séjour est donc entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, celle-ci ne rappelant pas les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ; que l'illégalité de la décision portant refus de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français ; que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ; que le maintien en France d'un des deux époux justifiera celui de l'autre ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance, en date du 21 décembre 2007, portant clôture de l'instruction au

31 janvier 2008 ;

Vu la décision, en date du 18 mars 2008, du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme Y ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2008, présenté par le préfet de la

Seine-Maritime, qui demande à la Cour de rejeter la requête ; il soutient que c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Rouen a rejeté le moyen soulevé par Mme Y tiré de l'erreur de droit ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont également écarté les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il convient de confirmer le raisonnement du Tribunal concernant le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée compte tenu des dispositions alors en vigueur ; que cette décision n'est pas privée de base légale ; que la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée ; qu'il convient de confirmer le raisonnement des premiers juges concernant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soulevé concernant la décision fixant le pays de renvoi ;

Vu l'ordonnance, en date du 5 mai 2008, portant réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Albert Lequien, président-assesseur et

M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller :

- le rapport de M. Albert Lequien, président-assesseur ;

- les observations de Me Falacho, pour Mme Y ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme Y, ressortissante ukrainienne, née en 1981, qui déclare être entrée en France accompagnée de son mari, M. Volodymyr Y, en août 2003, s'est vu refuser sa demande d'admission au statut de réfugié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 19 décembre 2003, ainsi que par la Commission des recours des réfugiés, le

15 septembre 2004 ; que, par une décision du 6 février 2006, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de l'admettre au séjour en qualité d'accompagnant d'étranger malade, son époux s'étant vu délivrer une carte de séjour temporaire pour raisons de santé valable du 10 août 2005 au 9 août 2006, et a invité l'intéressée à quitter le territoire français ; que, par un arrêté en date du 20 juillet 2007, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en cas de renvoi ; que Mme Y relève appel du jugement, en date du 30 octobre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté ;

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la décision de refus de titre de séjour ci-dessus mentionnée du 6 février 2006, Mme Y a, par un courrier en date du

5 juin 2007, demandé au préfet de la Seine-Maritime que lui soit délivré un titre de séjour ; que, dès lors, en se prononçant sur le droit au séjour de la requérante, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée / (...) / » ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au

bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que si Mme Y soutient que son époux réside avec elle en France, il est constant que M. Y fait également l'objet d'une décision portant refus de séjour et n'a donc pas vocation à y demeurer ; que les pièces produites au dossier ne permettent pas de vérifier les allégations de la requérante selon lesquelles des membres de leurs familles respectives résideraient en France ; qu'elle n'établit pas davantage être dépourvue d'attaches personnelles et familiales en Ukraine, pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, et nonobstant le soutien apporté par le mouvement associatif ainsi que par certains élus, la décision attaquée n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le préfet de la

Seine-Maritime n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, nonobstant l'intégration sociale et professionnelle de la requérante, qui disposerait d'une promesse d'embauche, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme Y ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant que si la motivation de la décision prescrivant l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que le refus est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, l'administration demeure toutefois tenue de rappeler les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ; qu'en l'espèce, l'arrêté préfectoral attaqué, s'il est suffisamment motivé en fait, se borne à viser, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans rappeler les dispositions de ce code permettant de fonder cette mesure d'éloignement ; que, dès lors, Mme Y est fondée, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'illégalité et doit, par suite, être annulé ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens présentés à l'appui des conclusions de la requérante, la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Y n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en tant qu'elle tend à l'annulation de la décision du préfet de la Seine-Maritime, en date du 20 juillet 2007, lui refusant un titre de séjour ; qu'en revanche, l'intéressée est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions prises le même jour par lesquelles le préfet de la Seine-Maritime l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination en cas de renvoi ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'annulation par le juge de la décision portant obligation de quitter le territoire français implique qu'il soit mis fin au placement en rétention administrative de l'intéressée et que lui soit délivrée une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son droit au séjour ; qu'en dehors de cette mesure, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, lorsqu'elle n'est pas la conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, n'implique aucune mesure d'exécution particulière ;

Considérant qu'au cas d'espèce, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme Y n'est pas la conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour ; que, par suite, en application de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une telle annulation implique que lui soit délivrée une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son droit au séjour ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que Mme Y a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle devant la Cour administrative d'appel de Douai ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rouly, avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de condamner l'Etat à lui payer la somme de 750 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0702220, en date du 30 octobre 2007, du Tribunal administratif de Rouen, en tant qu'il a rejeté les conclusions présentées par Mme Y tendant à l'annulation des décisions, en date du 20 juillet 2007, par lesquelles le préfet de la Seine-Maritime l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en cas de renvoi, et ces décisions sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime ou à l'autorité administrative compétente de délivrer à Mme Y une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur son droit au séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Rouly une somme de 750 euros, sous réserve de la renonciation de ce dernier au bénéfice de la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions présenté par Mme Y est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nadiya X épouse Y et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

N°07DA01817 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Estève
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Date de la décision : 18/09/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07DA01817
Numéro NOR : CETATEXT000020165881 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-09-18;07da01817 ?
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