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09/10/2008 | FRANCE | N°08DA00459

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 09 octobre 2008, 08DA00459


Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Selami X, demeurant ..., par Me Gryner, membre de la SELARL Gryner, Lévy ; M. X demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0800253, en date du 4 février 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2008 du préfet des Yvelines prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière et désignant la Turquie comme pay

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2°) d'annuler pour excès de pouvoir led...

Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Selami X, demeurant ..., par Me Gryner, membre de la SELARL Gryner, Lévy ; M. X demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0800253, en date du 4 février 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2008 du préfet des Yvelines prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière et désignant la Turquie comme pays de destination de cette mesure ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » ;

M. X soutient :

- que le premier juge a estimé à tort que le fait que les visas de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué mentionnent un article « L. 511-I-2° » du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est inexistant, constituait une erreur purement matérielle insusceptible d'entacher la légalité dudit arrêté ; que, pourtant, il devait être constaté que ledit arrêté se trouvait privé de tout fondement juridique et qu'il avait été nécessairement porté atteinte aux droits de la défense ; que le jugement attaqué est, par suite, lui-même entaché d'erreur de droit ;

- que le premier juge a retenu à tort que, compte tenu du caractère récent du mariage de l'exposant, contracté le 7 janvier 2008 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident, l'arrêté attaqué n'avait pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, cependant, l'exposant, qui est entré en France en 2002, justifie d'un séjour ininterrompu sur le territoire national de près de six ans ; que, souhaitant travailler, il bénéficie d'une promesse d'embauche ; que l'ensemble de ses attaches privées et familiales se situe en France ; que l'arrêté attaqué a donc méconnu tant les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont l'exposant remplissait les conditions lui permettant de prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire, que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- qu'alors que l'exposant était en situation d'obtenir la délivrance d'un titre de séjour en application de l'article 40 de la loi du 21 novembre 2007, ayant bénéficié d'une promesse d'embauche de la part d'une société exerçant ses activités dans le secteur du bâtiment et dont les recherches de main d'oeuvre se sont avérées infructueuses, le premier juge a estimé à tort que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'était pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa situation personnelle ;

- qu'étant d'origine kurde et ayant milité en faveur des droits et des libertés de ce peuple, l'exposant risque d'être en proie à des persécutions et d'être emprisonné en cas de retour en Turquie ; que le premier juge a écarté à tort comme non probantes les pièces qu'il avait produites, sans d'ailleurs préciser les raisons pour lesquelles celles-ci devaient être regardées comme telles ; qu'il a pourtant démontré avoir fait l'objet d'une condamnation prononcée le 30 mai 2007 par la deuxième chambre de la Cour d'assises d'Erzurum et de l'émission d'un mandat d'amener ; qu'en conséquence, la décision désignant le pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prononcée à son égard doit être annulée pour méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance, en date du 28 mars 2008, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 30 avril 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2008 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 22 mai 2008, présenté par le préfet des Yvelines ; le préfet conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient :

- qu'alors qu'il ressort clairement des motifs de l'arrêté attaqué que celui-ci a été pris sur le fondement du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'erreur matérielle affectant les visas de cet arrêté ne saurait entacher la légalité de celui-ci ;

- que, compte tenu du caractère récent du mariage de M. X, de la possibilité offerte à son épouse de solliciter à son profit le regroupement familial et de la circonstance que M. X n'établit, ni même n'allègue, être isolé dans son pays d'origine où il a résidé jusqu'à l'âge de 28 ans, l'arrêté attaqué n'a pas porté, compte tenu des conditions irrégulières de son séjour, au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que M. X ne pouvait donc prétendre à une admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui exclut expressément de son champ d'application les étrangers qui peuvent bénéficier du regroupement familial ; que l'arrêté attaqué n'a donc méconnu ni ces dispositions, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- qu'alors qu'il ne ressort pas des éléments du dossier que M. X ait sollicité une admission au séjour dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la circonstance que l'intéressé a la possibilité d'être embauché en qualité de chef d'équipe au sein d'une entreprise du bâtiment, c'est-à-dire sur un emploi qui ne correspond à aucun des métiers dits en tension dont la liste est annexée à l'arrêté du

18 janvier 2008, il n'est pas apparu que la situation de M. X justifiait une admission au séjour à titre exceptionnel ou humanitaire ;

- qu'enfin, le requérant, dont les demandes de reconnaissance du statut de réfugié ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il serait personnellement menacé en cas de retour dans son pays d'origine ; que l'authenticité du jugement et du mandat d'arrêt produits par M. X n'est pas démontrée ; que la décision désignant le pays de renvoi n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance, en date du 2 juin 2008, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 11 juin 2008 par télécopie, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 et notamment son article 40 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2008 :

- le rapport de M. André Schilte, président de la Cour ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêté en date du 31 janvier 2008, le préfet des Yvelines a décidé de reconduire M. X, ressortissant turc, né le 20 mai 1974 et entré en France le 1er décembre 2002, à la frontière et a désigné la Turquie comme pays de destination de cette mesure ; que M. X, qui a été placé au centre de rétention administrative d'Oissel (Seine-Maritime) forme appel du jugement, en date du 4 février 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande dirigée contre ledit arrêté ;

Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) » ; qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que si M. X est entré en France le 1er décembre 2002 sous couvert d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa de court séjour, il s'est maintenu sur le territoire national au-delà de la durée de validité de ce visa et n'était titulaire d'aucun titre de séjour ; qu'il entrait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées et permettant au préfet des Yvelines de décider, par l'arrêté attaqué, sa reconduite à la frontière ; qu'alors que les motifs de l'arrêté attaqué renvoient explicitement aux dispositions susrappelées dont ils reprennent les termes et font apparaître que le préfet des Yvelines a entendu fonder la mesure de reconduite à la frontière prise à l'égard de M. X sur celles-ci, la seule circonstance que les visas dudit arrêté mentionnent, à la suite d'une simple erreur de plume, un article « L. 511-I-2° » du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est inexistant, n'est pas de nature à entacher, ainsi que l'a estimé à bon droit le premier juge, la légalité dudit arrêté ; que, par ailleurs, cette seule circonstance ne suffit pas davantage à établir que les droits de la défense auraient été, en l'espèce, méconnus ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article

L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) » ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

« 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que si M. X, qui est entré en France, ainsi qu'il a été dit, le 1er décembre 2002, fait état de ce qu'il a épousé le 7 janvier 2008 une compatriote titulaire d'une carte de résident, ledit mariage revêtait, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, un caractère très récent, puisque ne datant que de moins d'un mois ; que M. X n'établit, en outre, ni même n'allègue, être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans ; que, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, eu égard aux conditions du séjour de M. X et à la possibilité qui lui est ouverte de bénéficier du regroupement familial, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé, malgré la promesse d'embauche dont il a bénéficié, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été en situation, à la date à laquelle ledit arrêté a été pris, de se voir délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ladite mesure n'a ainsi méconnu ni ces dispositions, ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 40 de la loi susvisée du

20 novembre 2007 : « La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) » ; que la circonstance que M. X bénéficie d'une promesse d'embauche de la part d'une entreprise exerçant son activité dans le secteur du bâtiment et dont les recherches de main-d'oeuvre auraient été infructueuses est insuffisante à elle seule à établir que le préfet des Yvelines, en ne procédant pas à la régularisation, à titre exceptionnel, de la situation administrative de M. X au regard du droit au séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait entaché l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la légalité de la décision distincte désignant le pays de destination de cette mesure :

Considérant que si M. X fait état de ses craintes de subir des persécutions en raison de ses origines kurdes et d'être emprisonné en cas de retour en Turquie, les documents qu'il produit, à savoir la copie d'un jugement rendu par la Cour d'assises d'Erzurum le 30 mai 2007 et d'un mandat d'interpellation émis le même jour par la même juridiction, qui ne présentent pas de garanties suffisantes d'authenticité, ne sont pas à eux seuls de nature à établir que l'intéressé, auquel le statut de réfugié a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à deux reprises et par la Commission des recours des réfugiés, encourrait effectivement et personnellement des risques en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, ladite décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction assortie d'astreinte qu'il présente doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Selami X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet des Yvelines.

N°08DA00459 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 08DA00459
Date de la décision : 09/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. André Schilte
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SELARL GRYNER LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-10-09;08da00459 ?
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