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09/10/2008 | FRANCE | N°08DA00515

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 09 octobre 2008, 08DA00515


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

21 mars 2008 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 25 mars 2008, présentée pour M. Aymen X, demeurant ..., par la SELARL Eden Avocats ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800365, en date du 11 février 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2008 du préfet de la Seine-Maritime décidant sa reconduite à

la frontière et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de la Seine-Ma...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

21 mars 2008 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 25 mars 2008, présentée pour M. Aymen X, demeurant ..., par la SELARL Eden Avocats ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800365, en date du 11 février 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2008 du préfet de la Seine-Maritime décidant sa reconduite à la frontière et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de résident valable dix ans ;

2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de résident valable dix ans, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. X soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, l'exposant avait retiré auprès de la sous-préfecture de Châlons-sur-Saône un dossier de demande de renouvellement de son titre de séjour ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pu, sans entacher son arrêté de détournement de procédure, prononcer une mesure de reconduite à la frontière à l'égard de l'exposant, alors que sa demande de titre de séjour n'avait pas été préalablement instruite et que seule une obligation de quitter le territoire français pouvait être prise à son égard, sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par ailleurs, le jugement attaqué, qui retient à tort que la compagne de l'exposant aurait formulé contre lui des plaintes répétées pour violences, est entaché d'inexactitude matérielle des faits, dès lors que celle-ci n'a déposé qu'une seule plainte ; que, contrairement à ce qu'a estimé à tort le premier juge, ces violences, à en supposer la réalité établie, n'étaient pas à elles seules de nature à permettre d'écarter l'application au profit de l'exposant du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il remplit d'ailleurs les conditions posées par cet article pour bénéficier de la protection qu'il institue à l'égard de l'étranger qui est père d'un enfant français ; qu'il a reconnu l'enfant de sa compagne, de nationalité française, qu'il vit avec cette dernière, de sorte qu'il doit être regardé comme contribuant à l'entretien de celui-ci, d'autant qu'il occupait un emploi salarié ; qu'il remplit les conditions posées par l'article 10-1-c de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 pour prétendre à la délivrance d'une carte de résident ; qu'enfin, l'arrêté attaqué a, dans ces circonstances, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'exposant va, en outre, épouser sa compagne le 4 avril prochain à la mairie de Rouen ; que l'intention qu'aurait eu cette dernière de mettre fin à leur union n'était donc pas sérieuse ; que le premier juge a dénaturé les faits de l'espèce sur ce point ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance, en date du 3 avril 2008, fixant la clôture de l'instruction au 7 mai 2008 ;

Vu la décision, en date du 10 avril 2008, du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant à M. X l'aide juridictionnelle totale pour la présente procédure ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 16 juin 2008 et régularisé le 24 juin 2008, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance, en date du 24 juin 2008, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2008, présenté par le préfet de la Seine-Maritime ; le préfet conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient que M. X n'apporte pas la preuve d'un véritable rendez-vous à la sous-préfecture de Châlons-sur-Saône ; qu'il n'est pas davantage établi qu'il ait déposé de dossier auprès de la préfecture de la Seine-Maritime ; qu'il se trouvait donc en situation irrégulière au jour de son interpellation ; que l'intéressé se trouvait donc, dans ces conditions, dans le cas prévu au 4° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de décider qu'il serait reconduit à la frontière ; que le jugement attaqué n'est entaché d'aucune erreur de fait, dès lors que la compagne de M. X avait déjà déposé une plainte pour violences le 14 janvier 2008 et déclaré à cette occasion avoir précédemment plusieurs fois été victime de violences de la part de son concubin ; que M. X, qui se borne à affirmer que sa seule vie commune avec sa compagne et leur enfant lui permet de se prévaloir de la protection posée par le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'apporte pas de preuve matérielle d'une contribution effective à l'éducation et à l'entretien de son enfant ; que la vie commune alléguée par l'intéressé est d'ailleurs contredite par les déclarations faites aux services de police par sa compagne le 28 février 2008 ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la réalité de la vie commune alléguée n'est pas établie et ne revêt en aucun cas un caractère stable et durable ; que M. X n'apporte pas la preuve qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine ; que la mesure de reconduite à la frontière prise à son égard ne lui interdit nullement de revenir sur le territoire en respectant les règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, ni méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2008 :

- le rapport de M. André Schilte, président de la Cour ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêté en date du 7 février 2008, le préfet de la Seine-Maritime a décidé de reconduire M. X, ressortissant tunisien, né le 13 mai 1986 et entré en France le 11 juillet 2002, à la frontière, en se fondant sur les dispositions du 4° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. X forme appel du jugement, en date du 11 février 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre (...) » ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X, qui s'est maintenu au-delà d'un délai d'un mois après l'expiration de la carte de séjour temporaire qui lui avait été précédemment délivrée, ait demandé le renouvellement de ce titre, ni une admission au séjour à un autre titre ; que si M. X justifie à cet égard s'être procuré auprès de la sous-préfecture de Châlons-sur-Saône et de la préfecture de la Seine-Maritime les formulaires de demande de renouvellement de sa carte de séjour temporaire et de délivrance d'une carte de résident valable dix ans, il n'établit pas avoir déposé ces documents dûment complétés auprès de l'administration, ce que le préfet a, d'ailleurs, démenti devant le premier juge ; que, de même, les allégations de l'intéressé selon lesquelles un rendez-vous était pris à la préfecture de la Seine-Maritime le jour même de la signature de l'arrêté attaqué afin de déposer un dossier de demande de titre de séjour ne sont pas corroborées par les documents produits en première instance par le préfet et sont expressément contestées ; que M. X entrait ainsi dans le cas visé par les dispositions précitées autorisant le préfet de la Seine-Maritime à décider, par l'arrêté attaqué, qu'il serait reconduit à la frontière ; que, dès lors, le moyen articulé par l'intéressé et tiré de ce qu'il ne pouvait faire l'objet, sous peine de détournement de procédure, que d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des

procès-verbaux dressés par les services de police et versés au dossier de première instance par le préfet que la compagne de M. X a déposé plainte à deux reprises, les 14 janvier et 5 février 2008, à l'encontre de son compagnon pour violences volontaires par conjoint et a déclaré à cette occasion aux enquêteurs qu'elle ne souhaitait plus que M. X demeure à son domicile ; que, dans ces conditions, en retenant, pour écarter le moyen tiré du détournement de procédure dont aurait été entaché l'arrêté attaqué, que M. X avait été l'objet, à la date à laquelle ledit arrêté a été pris, de plaintes répétées déposées par sa compagne pour des faits de violence et, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la compagne de l'intéressé avait exprimé son intention de mettre fin à leur relation, le premier juge n'a pas fondé son jugement sur des faits matériellement inexacts ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien, modifié, susvisé : «1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : (...) c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) » ; que si M. X fait valoir qu'il a reconnu la paternité de l'enfant de sa compagne, né le 11 juin 2006, de nationalité française, les copies de bulletins de salaires et de contrats d'intérim qu'il a versées au dossier, qui révèlent que l'intéressé percevait des revenus modestes et irréguliers, sont insuffisantes à établir qu'il subvenait de façon effective, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, aux besoins de son enfant, ni qu'il contribuait à son entretien ; que le seul fait, pour M. X, de vivre avec la mère de l'enfant, avec laquelle il n'était alors pas marié et ne vivait pas en concubinage déclaré, est insuffisant à apporter une telle preuve, alors, au demeurant, que la réalité de la vie commune à cette date n'est pas suffisamment établie, la compagne de M. X ayant, lors de l'audition par les services de police à l'occasion des deux plaintes qu'elle avait déposées à l'encontre de son compagnon, fait part de son intention de mettre fin à leur relation ; que la circonstance que M. X a épousé, le 4 avril 2008, sa compagne est sans incidence sur la légalité dudit arrêté, qui s'apprécie à la date à laquelle celui-ci a été pris ; que, dès lors, M. X n'est fondé à soutenir, ni qu'il aurait été, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, en situation de prétendre de plein droit à la délivrance de la carte de résident valable dix ans prévue par les stipulations précitées de l'article 10 de l'accord franco-tunisien, modifié, ni qu'il aurait figuré, à cette même date, parmi les étrangers visés au 6° précité de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que si M. X fait valoir qu'il vivait avec une ressortissante française et qu'un enfant est né de cette union le 11 juin 2006, l'intéressé n'a produit, ainsi qu'il a été dit, aucun élément de nature à établir la réalité, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, de la vie commune alléguée, ni une contribution effective de sa part à l'éducation ni même à l'entretien de son enfant ; qu'il ne ressort, en outre, pas des pièces du dossier que M. X serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, dans ces circonstances, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction assortie d'astreinte qu'il présente doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SELARL Eden Avocats demande au titre de ces dispositions et de celles de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du

10 juillet 1991, modifiée ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Aymen X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

N°08DA00515 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 08DA00515
Date de la décision : 09/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. André Schilte
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-10-09;08da00515 ?
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