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09/10/2008 | FRANCE | N°08DA00692

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 09 octobre 2008, 08DA00692


Vu, I sous le n° 08DA00692, la requête enregistrée le 6 mai 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 9 mai 2008 par courrier original, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800958, en date du 7 avril 2008, du vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a annulé sa décision du 31 mars 2008 désignant le pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prononcée le même jour à l'é

gard de M. Fesih X ;

2°) de rejeter les conclusions dirigées contre ladite dé...

Vu, I sous le n° 08DA00692, la requête enregistrée le 6 mai 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 9 mai 2008 par courrier original, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800958, en date du 7 avril 2008, du vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a annulé sa décision du 31 mars 2008 désignant le pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prononcée le même jour à l'égard de M. Fesih X ;

2°) de rejeter les conclusions dirigées contre ladite décision de la demande présentée par

M. X devant le président du Tribunal administratif de Rouen ;

Le préfet soutient que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une mesure de reconduite qui ne détermine pas précisément le pays vers lequel l'intéressé sera éloigné ; qu'en l'espèce, le premier juge a regardé à tort comme de nature à établir la réalité des risques que M. X allègue encourir en cas de retour en Turquie un mandat d'arrêt émis le 24 août 2005 et produit par l'intéressé à l'audience ; qu'il s'avère, au terme d'une enquête réalisée par le service de coopération technique internationale de police de l'ambassade de France à Ankara, que l'intéressé, qui a d'ailleurs pu obtenir le 1er août 2007 en Turquie la délivrance d'une carte d'identité sans être inquiété, n'est pas connu des services de la police turque ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance, en date du 23 mai 2008, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 7 juillet 2008 ;

Vu les pièces du dossier desquelles il ressort que M. X a reçu communication de la requête susvisée et n'a pas produit de mémoire ;

Vu, II sous le n° 08DA00766, la requête enregistrée le 8 mai 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 29 mai 2008 par courrier original, présentée pour M. Fesih , demeurant ..., par Me Guillot ; M. demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800958, en date du 7 avril 2008, du vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mars 2008 du préfet de la Seine-Maritime décidant sa reconduite à la frontière et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Maritime de procéder à un nouvel examen de sa situation après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour ;

2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder à un nouvel examen de sa situation après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué est entaché d'une erreur de base légale ; qu'en effet, la seule circonstance qu'un refus de séjour avait été notifié à l'exposant avant le 1er janvier 2007 n'était pas suffisante à le faire entrer dans le champ d'application de l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à permettre, par suite, au préfet de la Seine-Maritime de prononcer légalement à son égard une mesure de reconduite à la frontière ; que l'exposant ne pouvait, en réalité, plus faire l'objet, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, que d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance, en date du 29 mai 2008, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 15 juillet 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2008 par télécopie et confirmé le

5 août 2008 par courrier original, présenté par le préfet de la Seine-Maritime ; le préfet conclut au rejet de la requête ; le préfet soutient, à titre principal, que la requête d'appel est irrecevable comme tardive ; à titre subsidiaire, au fond, que la mesure de reconduite à la frontière contestée a été prononcée à bon droit ;

Vu l'ordonnance, en date du 7 août 2008, par laquelle le président délégué par le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 ;

Vu le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2008 :

- le rapport de M. André Schilte, président de la Cour ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêté en date du 31 mars 2008, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a prononcé la reconduite à la frontière de M. , ressortissant turc, né le 1er janvier 1968, en se fondant sur les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a désigné la Turquie comme pays de destination de cette mesure ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, par la requête enregistrée sous le n° 08DA00692, forme appel du jugement, en date du 7 avril 2008, du vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a annulé la désignation du pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prise à l'égard de M. ; que ce dernier, par la requête enregistrée sous le n° 08DA00766, forme appel de ce même jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre ladite mesure d'éloignement prise à son égard ;

Considérant que les deux requêtes susvisées, présentées respectivement par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME et par M. , sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ;

Considérant que l'article 52 de la loi du 24 juillet 2006 a introduit à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un I qui prévoit que « L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français (...) » et précise que l'étranger dispose, pour satisfaire à cette obligation d'un délai d'un mois ; que ce même article abroge les 3° et 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, dans leur rédaction antérieure à la loi du 24 juillet 2006, prévoyaient qu'un étranger pouvait être reconduit à la frontière s'il s'était maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant une décision qui, soit avait refusé de lui délivrer un titre de séjour, de renouveler un tel titre ou qui avait retiré le titre dont il bénéficiait, soit avait retiré ou refusé de renouveler un récépissé de demande de carte de séjour ou une autorisation provisoire de séjour précédemment délivrés ; que, conformément à l'article 118 de la loi du 24 juillet 2006, ces dispositions sont entrées en vigueur le

29 décembre 2006, jour de la publication du décret en Conseil d'Etat pris pour leur application ;

Considérant qu'à compter du 1er janvier 2007 la nouvelle procédure d'obligation de quitter le territoire français est seule applicable lorsque l'autorité administrative refuse à un étranger, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte ou son autorisation provisoire de séjour ; que, pour les étrangers qui avaient fait l'objet de telles mesures avant la publication du décret du 23 décembre 2006, un arrêté de reconduite frontière peut toutefois être pris s'ils entrent, par ailleurs, dans le champ d'application du 1° ou du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction issue de la loi du

24 juillet 2006 ;

Considérant qu'il ressort, en l'espèce, des pièces du dossier et n'est pas contesté que

M. , qui a déclaré être arrivé en France au cours de l'année 1999, n'a toutefois pas été en mesure de justifier d'une entrée régulière et n'était titulaire d'aucun titre de séjour ; qu'il entrait, ainsi, alors même qu'il avait fait l'objet le 26 août 2005 d'un refus de séjour qui lui avait été opposé par le préfet des Yvelines, dans le cas visé par les dispositions précitées autorisant le PREFET DE LA SEINE-MARITIME à décider, par l'arrêté attaqué, qu'il serait reconduit à la frontière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait dépourvu de base légale doit être écarté ;

Sur la légalité de la désignation du pays de destination de cette mesure :

Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière pris le 31 mars 2008 à l'égard de

M. précise en son article 2 que l'intéressé sera éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou d'un pays qui lui aurait délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible ; que cette mention doit être regardée, ainsi que l'a estimé à juste titre le premier juge, comme révélant l'existence d'une décision désignant notamment la Turquie comme pays de renvoi ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'égard de M. n'aurait pas comporté de décision désignant la Turquie comme pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

Considérant que, pour annuler, par le jugement attaqué, la décision du 31 mars 2008 désignant le pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prise le même jour à l'égard de M. , le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé que le mandat d'arrêt produit par l'intéressé au cours de l'audience, qui avait été rédigé à une date postérieure à celle de la dernière décision de la Commission des recours des réfugiés statuant sur le cas de M. , était de nature à établir la réalité des risques encourus par ce dernier en cas de retour en Turquie ; que, toutefois, au soutien de sa requête, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, se prévaut des résultats d'une enquête réalisée par le service de coopération technique internationale de police de l'ambassade de France à Ankara, qui révèlent que l'intéressé, qui a d'ailleurs pu obtenir le 1er août 2007 en Turquie la délivrance d'une carte d'identité sans être inquiété, n'est pas connu des services de la police turque ; que ces éléments permettent de mettre en doute l'authenticité du mandat d'arrêt invoqué par M. , dont les deux demandes d'asile successives ont été rejetées par des décisions définitives, et qui n'explique pas les raisons pour lesquelles il n'a pas été en mesure de produire précédemment ce document, sur le fondement duquel il n'a d'ailleurs pas formulé dans les formes requises de demande de nouvel examen de sa situation au regard du droit d'asile ; que, dans ces conditions, M. , qui n'a produit aucun autre document au soutien de ses allégations, ne peut être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce qu'il risquerait de subir des peines ou des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il suit de là que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé pour ce motif sa décision du 31 mars 2008 désignant la Turquie comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prononcée le même jour à l'égard de M. ;

Considérant qu'il appartient, toutefois, au président de la Cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen articulé par M. devant le président du Tribunal administratif de Rouen au soutien des conclusions qu'il a dirigées à l'encontre de la décision désignant le pays de destination de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son égard ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, ni les allégations de M. , ni la seule pièce qu'il verse au dossier ne sont suffisantes à établir qu'il encourrait effectivement et à titre personnel des risques en cas de retour en Turquie ; que, dès lors, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'a pas entaché la décision attaquée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, que M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-MARITIME du 31 mars 2008 décidant qu'il serait reconduit à la frontière et, d'autre part, que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé sa décision du même jour désignant la Turquie comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prise à l'égard de M. ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction que ce dernier présente doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0800958 du vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en date du 7 avril 2008 est annulé en tant qu'il prononce l'annulation de la décision du PREFET DE LA SEINE-MARITIME en date du 31 mars 2008 désignant la Turquie comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prise le même jour à l'égard de M. .

Article 2 : Les conclusions dirigées contre la décision susmentionnée de la demande présentée par M. devant le président du Tribunal administratif de Rouen et la requête de M. sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Fesih .

Copie sera adressée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

Nos08DA00692,08DA00766 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. André Schilte
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : GUILLOT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 09/10/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08DA00692
Numéro NOR : CETATEXT000020165935 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-10-09;08da00692 ?
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