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14/10/2008 | FRANCE | N°05DA01134

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 14 octobre 2008, 05DA01134


Vu la requête, enregistrée le 1er septembre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société LADOË, dont le siège est situé 3 avenue Masurel, BP 145 à Tourcoing Cedex (59333), par la CMS Bureau Francis Lefebvre ; la société LADOË demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301666 du 30 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer en réparation la somme de 16 773,67 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2003, eux-mê

mes capitalisés pour produire intérêts ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser ...

Vu la requête, enregistrée le 1er septembre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société LADOË, dont le siège est situé 3 avenue Masurel, BP 145 à Tourcoing Cedex (59333), par la CMS Bureau Francis Lefebvre ; la société LADOË demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301666 du 30 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer en réparation la somme de 16 773,67 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2003, eux-mêmes capitalisés pour produire intérêts ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 17 733,21 euros arrêtée au 31 décembre 2004 augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2005, les intérêts devant être eux-mêmes capitalisés à compter de la même date ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) d'une question préjudicielle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dont le montant sera précisé avant l'audience ;

Elle soutient que le dispositif prévu par la France pour supprimer le décalage d'un mois a eu pour objet de priver les redevables d'un montant de droits à déduction qui ne saurait être qualifié d'excédent de taxe et de rembourser la taxe ainsi retenue de manière échelonnée dans le temps ; que la France ne pouvait pas prévoir un remboursement de la créance de TVA sans tenir compte des principes communautaires qui gouvernent l'exercice du droit à déduction ; que le remboursement de la TVA correspondante à la déduction de référence n'a pas été effectué en liquidités ou de façon équivalente et n'a pas été prévu dans un délai raisonnable ; qu'en outre le mode de remboursement adopté ne peut être regardé comme n'ayant fait courir aucun risque financier à l'assujetti ; qu'à ce titre aucun dispositif n'a été mis en place pour remédier aux conséquences d'une probable érosion par l'inflation du montant en capital de la créance au cours de la longue période prévue pour le remboursement ; que les taux d'intérêts qui ont été fixés pour rémunérer la créance n'étaient pas de nature à neutraliser les effets financiers du système de remboursement adopté ; que le système de remboursement de la créance de TVA qui a été retenu par la France n'est pas, en tant que tel, conforme aux prescriptions de l'article 18 paragraphe 4 de la sixième directive ; que l'analyse du tribunal qui a recherché également si les conditions de la responsabilité sans faute de l'Etat pour rupture de l'égalité devant les charges publiques étaient réunies devra également être censurée, un tel moyen n'ayant pas été soulevé par l'exposante et le tribunal ne l'ayant pas relevé d'office du moins de façon modeste ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient que pour mettre un terme au régime dérogatoire, le législateur a décidé de supprimer la règle du décalage d'un mois en définissant simultanément les modalités de cette suppression ; que la France a informé très précisément la Commission européenne dès juin 1993 de l'ensemble des modalités de la suppression de la règle du décalage d'un mois et que celle-ci n'a, en retour, jamais émis la moindre réserve sur ce dispositif ; que la jurisprudence de la Cour de justice issue de l'arrêt du 25 octobre 2001 n'est pas transposable au cas particulier ; que la requérante ne peut donc prétendre que le dispositif mis en oeuvre a eu pour effet d'empêcher l'exercice du droit à déduction puisque les redevables, devenus titulaires d'une créance sur le Trésor au titre de la « déduction de référence » n'étaient pas précédemment titulaires d'un crédit de taxe à la valeur ajoutée de même montant résultant de l'application des règles du droit à déduction prévues à l'article 18 paragraphe 4 de la sixième directive ; que la réglementation française en cause est couverte par la dérogation prévue à l'article 28 paragraphe 3 de la directive et n'enfreint pas son article 17 paragraphe 2 ; qu'en supprimant la règle du décalage d'un mois tout en accompagnant cette mesure du dispositif de déduction de référence, la France n'a pas manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire ; que le tribunal n'a fait aucunement allusion aux conditions d'engagement de la responsabilité sans faute pour rupture de l'égalité devant les charges publiques ; qu'en tout état de cause, s'il était envisagé de faire droit à la demande, le litige devrait être limité aux années 1998 à 2002, les années 1993 à 1997 étant prescrites ;

Vu l'ordonnance en date du 10 juillet 2006 fixant la clôture d'instruction au 30 septembre 2006, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 20 juillet 2006, présenté pour la société LADOË qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la somme dont elle demande le versement en réparation du préjudice qu'elle a subi s'élevait au 31 décembre 2005 à 18 101,79 euros, augmentée des intérêts légaux à compter du 1er janvier 2006, intérêts portant eux-mêmes intérêts ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 13 mars 2007, présenté par le ministre l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; il soutient en outre qu'il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse qui sera apportée par la Cour de Justice des Communautés Européennes à la question de droit posée par le Tribunal administratif de Lyon le 8 septembre 2006 ;

Vu l'ordonnance en date du 15 mars 2007 portant réouverture de l'instruction ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 31 mars 2008, présenté pour la société LBD Ménage venant aux droits de la société LADOË ; la société LBD Ménage conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la question de la responsabilité de l'Etat reste posée ; que l'interprétation donnée par la Cour de Justice des Communautés Européennes n'a pas épuisé l'office du juge et que le recours est recevable ; que la créance de TVA n'a pas été remboursée dans un délai raisonnable et n'a pas été assortie d'un taux d'intérêt suffisant ; qu'il y a eu inégalité de traitement et atteinte au droit de propriété disproportionnée par rapport à l'intérêt général ; que l'on note une violation des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel, une discrimination entre les contribuables et les autres créanciers de l'Etat ; que la faiblesse du taux d'intérêt est constitutif d'une fraude à la loi ; qu'il n'y a pas de prescription quadriennale ; que la créance n'était pas certaine avant le décret de 2002 ; que l'Etat a, de plus, établi un certain nombre d'actes interruptifs de prescription et l'exposante ne pouvait agir utilement avant la publication du décret du 13 février 2002 ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 6 juin 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; il soutient en outre que le moyen selon lequel l'Etat aurait méconnu les dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être déclaré irrecevable ; qu'aucune incompatibilité ne peut être reprochée à la France ; que, dès lors que la créance que détiennent les autres créanciers trouve son origine dans une situation distincte, ces créanciers ne peuvent pas être considérés comme placés dans une situation analogue à celle des titulaires d'une créance sur le Trésor consécutives à la suppression de la règle du décalage d'un mois ; que l'intervention de la puissance publique dans le cadre de l'intérêt général peut légitimement limiter la portée du droit de propriété au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le nouveau dispositif a placé la requérante dans une situation plus favorable que l'ancien dispositif ; que, outre le fait que le moyen tiré de la fraude à la loi revêt un caractère nouveau et doit être déclaré irrecevable, la requérante n'apporte aucun élément pertinent tendant à démonter l'illégalité desdits décrets ; que, s'agissant de la prescription quadriennale, la créance était certaine, liquide et exigible dès 1993 ; qu'elle ne peut, en tout état de cause, lier la connaissance de la créance alléguée à la publication du décret du 13 février 2002 dès lors que ce décret fixe les modalités de remboursement du solde de la créance détenue sur le Trésor, et non le taux d'intérêt destiné à rémunérer ladite créance ; que, contrairement à ce qui est soutenu, l'administration n'a jamais reconnu que celle-ci était titulaire d'une créance d'intérêts au sens de l'indemnisation d'un quelconque dommage ; que la société commet une erreur d'analyse en confondant la créance sur le Trésor détenue par les entreprises à la suite de la suppression de la règle du décalage d'un mois avec la prétendue créance indemnitaire qu'elle invoque aujourd'hui ; qu'elle affirme à tort que la créance alléguée ne serait devenue certaine, liquide et exigible qu'à compter de la date de publication du décret du 13 février 2002 ;

Vu l'ordonnance en date du 13 juin 2008 portant clôture de l'instruction au 21 juillet 2008 à 16 heures 30 ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 16 juillet 2008, présenté pour la société LBD Ménage venant aux droits de la société LADOË, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que les moyens tirés de la violation des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole ainsi que ceux tirés de la méconnaissance de l'article 271 du code général des impôts ne peuvent en aucun cas être jugés irrecevables ; que, s'agissant de l'illégalité des arrêtés ministériels pour méconnaissance de l'article 271 du code général des impôts, il n'est pas contestable que le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant les taux de 1 % et de 0,1 % ; que l'exception d'autorité de chose jugée opposée par le ministre ne peut être accueillie ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré par télécopie le 21 juillet 2008 et confirmé par la production de l'original le 25 juillet 2008, présenté par le ministre du budget, de la fonction publique et des comptes publics qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; il soutient en outre que la légalité des arrêtés contestés n'est pas contestable sans qu'il y ait lieu de distinguer, d'une part, la légalité au regard de la délégation de compétence conférée au ministre du budget et, d'autre part, la légalité au regard de la loi ; que la jurisprudence citée par la requérante n'est pas transposable à la présente instance ;

Vu l'ordonnance en date du 22 juillet 2008 portant report de la clôture de l'instruction au 25 août 2008 à 16 heures 30 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité du 25 mars 1957 modifié instituant la Communauté économique européenne ;

Vu la sixième directive n° 77-388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention, notamment son article 1er ;

Vu la loi n° 93-859 du 22 juin 1993 portant loi de finances rectificative pour 1993 ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société LADOË relève appel du jugement du Tribunal administratif de Lille en date du 30 juin 2005 qui a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 16 773,67 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du 1er septembre 1993 au 31 décembre 2002 à la suite de la suppression de la règle dite du décalage d'un mois en matière de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur le bien-fondé de la demande et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

Considérant que par l'article 2 de la loi de finances rectificative pour 1993 du

22 juin 1993, la France a mis fin à la règle dite du « décalage d'un mois » qu'elle appliquait en vertu de la dérogation prévue par l'article 28 de la 6ème directive susvisée et au terme de laquelle la déduction de la taxe ayant grevé les biens ne constituant pas des immobilisations et les services ne pouvait être déduite qu'au titre du mois suivant celui au cours duquel la taxe était devenue exigible ; que, par le même texte, la France a institué pour les redevables ayant commencé leur activité avant le 1er juillet 1993, un régime transitoire selon lequel une partie de la taxe déductible constituait une créance sur le Trésor, remboursable sur une période initialement fixée à vingt ans, la totalité des créances ayant été finalement remboursées de façon anticipée en 2002 ; que, pour demander à être indemnisée du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait de l'application de ce régime transitoire, la société requérante soutient que ce dispositif est contraire au droit communautaire, qu'il méconnaît les articles 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 14 de ladite convention et, enfin, invoque l'illégalité des arrêtés des 15 avril 1994, 17 août 1995 et 15 mars 1996 qui ont successivement fixé à 4,5 %, 1 % puis 0,1 %, le taux de l'intérêt afférent au remboursement de la créance fiscale ;

Considérant, en premier lieu, que selon l'article 17, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires applicable au présent litige, le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible et que selon l'article 18, paragraphe 2, de la même directive, la déduction est opérée par imputation sur le montant de la taxe due pour une période de déclaration, du montant de la taxe pour laquelle le droit à déduction a pris naissance au cours de la même période ; que l'article 28, paragraphe 3, sous d) a toutefois prévu que les Etats membres pourraient pendant une période transitoire, continuer à appliquer des dispositions dérogeant au principe de la déduction immédiate prévue par l'article 18, paragraphe 2 ;

Considérant que le dispositif transitoire prévu par les articles 271 et suivants du code général des impôts vise à accompagner dans des conditions acceptables pour le budget de l'Etat, la suppression de la règle du décalage d'un mois et par suite, à réduire la portée de la dérogation autorisée par le paragraphe 3 d) de l'article 28, au principe posé par le paragraphe 2 de l'article 18 de la directive, de la déduction immédiate de TVA ; que ce dispositif, contrairement à celui qui préexistait avec la règle du décalage d'un mois, permet désormais à un nombre non négligeable de redevables, notamment ceux commençant leur activité après le 1er juillet 1993 et ceux ayant une créance ne dépassant pas 10 000 francs, de se prévaloir à partir du 1er juillet 1993 et sans limitation quelconque, du principe de la déduction immédiate ; que, par ailleurs, les droits à déduction dont le gel est prononcé sont limités au seul montant de la déduction de référence égale à la moyenne mensuelle de ces droits pour la période d'août 1992 à juillet 1993, qui est convertie en une créance sur le Trésor assortie d'une rémunération dont le remboursement était prévu sur une durée de vingt ans et a par ailleurs entièrement été réalisé par anticipation en 2002 ; que, dans ces conditions, eu égard à ce que ce dispositif a permis de réduire les effets de la dérogation au principe de la déduction immédiate que constituait la règle du décalage d'un mois, et alors même qu'il serait moins favorable que l'application pure et simple de ce principe, la société LADOË n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 271 A sont incompatibles avec les articles 17 et 18 de la sixième directive ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou tout autre situation. » ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite convention : « Toute personne physique a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. » ;

Considérant que, d'une part, si le niveau de rémunération de la créance sur l'Etat prévu par le régime instauré à titre exceptionnel et transitoire par la France était inférieur à celui d'autres créances sur l'Etat ou aux taux du marché et pouvait conduire, avec l'incessibilité de la créance, à une diminution de la valeur de ce bien, ce dispositif ne méconnaissait pas pour autant les stipulations de l'article 1er du premier protocole précité eu égard à l'intérêt général qui s'attachait à la conciliation de l'instauration d'un régime de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée se rapprochant des règles européennes avec la nécessité de limiter l'impact budgétaire de cette mesure ; que, d'autre part, si seules les créances de taxe sur la valeur ajoutée nées de l'instauration d'un régime de déduction immédiate supérieures à un certain montant ont fait l'objet d'un remboursement différé, cette distinction, qui n'aboutit pas à des effets disproportionnés et qui est pertinente au regard des buts poursuivis, ne peut être regardée comme une discrimination prohibée par les stipulations combinées des articles 14 de la convention et 1er du premier protocole ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa du 3 de l'article 271 A du code général des impôts issu de la loi n°93-859 du 22 juin 1993 : « La créance porte intérêt à un taux fixé par arrêté du ministre du budget sans que ce taux puisse excéder 4,5 % (...). » ; que le taux d'intérêt de la créance d'abord fixé à 4,5 %, par arrêté du 15 avril 1994, pour les intérêts échus en 1993, a été ramené à 1 %, par arrêté du 17 août 1995, pour les intérêts échus au 1er janvier 1994 et à 0,1 %, par arrêté du 15 mars 1996, pour les intérêts échus au 1er janvier 1995 ; que si la société requérante soutient que la réduction du taux d'intérêt est contraire aux engagements qui avaient été pris par le Gouvernement devant les parlementaires, lors des travaux préparatoires de la loi du 22 juin 1993, de garantir une rémunération correcte de la créance, cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder les arrêtés susmentionnés comme étant entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la société requérante n'est donc pas fondée à se prévaloir, à l'appui de sa demande d'indemnisation, de l'illégalité des arrêtés du ministre du budget en date des 15 avril 1994, 17 août 1995 et 15 mars 1996 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle, que la société LADOË n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que si la société LADOË demande le remboursement des frais exposés, cette demande non chiffrée est irrecevable et doit, en tout état de cause, être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société LBD MENAGE venant aux droits de la société LADOË est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société LBD MENAGE et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

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N°05DA01134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05DA01134
Date de la décision : 14/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: M. Christian Bauzerand
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : C M S BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-10-14;05da01134 ?
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