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30/10/2008 | FRANCE | N°06DA01320

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 30 octobre 2008, 06DA01320


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

22 septembre 2006 par télécopie et confirmée le 27 septembre 2006 par la production de l'original, présentée pour l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES GRANDES CULTURES (ONIGC), venant aux droits de l'Office National Interprofessionnel des Céréales (ONIC), dont le siège est situé 21 avenue Bosquet à Paris (75341) Cedex 07, par la SCP Cordelier ; l'ONIGC demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0403144 du 22 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille, à la de

mande de la société Cargill France, a annulé, d'une part, la décision impl...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

22 septembre 2006 par télécopie et confirmée le 27 septembre 2006 par la production de l'original, présentée pour l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES GRANDES CULTURES (ONIGC), venant aux droits de l'Office National Interprofessionnel des Céréales (ONIC), dont le siège est situé 21 avenue Bosquet à Paris (75341) Cedex 07, par la SCP Cordelier ; l'ONIGC demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0403144 du 22 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille, à la demande de la société Cargill France, a annulé, d'une part, la décision implicite du directeur de l'ONIC rejetant son recours gracieux contre le titre de perception émis à son encontre le 5 avril 2003 d'un montant de 75 964,16 euros, portant sur le reversement de restitutions à l'exportation perçues sous forme d'avances, d'autre part, le titre de perception émis par l'ONIC à son encontre le 5 avril 2003, enfin l'a condamnée à verser à la société Cargill France 1 500 euros au titre des frais exposés ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Cargill France en première instance ;

3°) de condamner la société Cargill France à lui verser une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le Tribunal administratif de Lille a soulevé d'office un moyen tiré du défaut de proportionnalité de la sanction par rapport aux faits constatés sans en informer les parties et a ainsi méconnu les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; que, dès lors que les dispositions du règlement 800/1999 n'étaient pas respectées, l'ONIC était fondé à remettre en cause les restitutions octroyées à tort à la société Cargill France et à faire application des sanctions et pénalités prévues expressément par ce même règlement dans une telle situation en émettant un titre de perception ; que la rupture des scellés douaniers constitue bien une violation d'une disposition du droit communautaire, quand bien même les produits ne se seraient trouvés hors contrôle douanier que pendant une durée limitée ; que l'existence d'un excédent de céréales n'est pas nié par le responsable du silo ; que, ce qui est en cause, c'est un mélange entre des produits de statuts différents, qui, mélangés, ne peuvent plus être différenciés ; que, contrairement à ce qu'à retenu le tribunal administratif, il n'y a pas eu variation de la quantité stockée en fonction des conditions climatiques et de stockage ; que la décision attaquée est fondée sur les irrégularités avec cette conséquence que 1 398,45 tonnes sont sorties du contrôle douanier tel qu'il est organisé par les dispositions du règlement 800/99 du 5 avril 1999 ; que c'est à tort que, pour conclure à un défaut de proportionnalité de la sanction par rapport aux faits constatés, le tribunal administratif a considéré que l'irrégularité commise par la société Cargill était justifiée par un risque de surchauffe et en tout cas n'avait pas duré suffisamment longtemps ; que, dans le cas d'espèce, la société Cargill n'a pas été considérée de mauvaise foi et le titre de perception contesté qui a fait application de la sanction la plus faible était donc proportionné eu égard aux faits constatés ; que, concernant le reversement des restitutions à l'exportation lorsque a été commise une irrégularité, l'article 51 du règlement 899 qui est la seule disposition applicable, ne prévoit qu'une alternative entre une sanction pleine et la demi sanction ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2006, présenté pour la société Cargill France, dont le siège est situé 18-20 rue des Gaudines à Saint-Germain-en-Laye (78100), par le Cabinet Gide Loyrette Nouel, qui conclut au rejet de la requête de l'ONIGC et à sa condamnation à lui payer la somme de 8 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'aucune lettre de l'ONIC, antérieure ou concomitante au titre de perception ne vise le prétendu mélange entre des produits de statuts différents invoqué en cours d'instance par l'ONIC devant les premiers juges et le tribunal administratif ne pouvait considérer, au regard de la jurisprudence Hallal, que ce motif figurait déjà dans le titre de perception et que la décision aurait été la même si elle avait été prise uniquement sur ce motif ; que le titre de perception encourt l'annulation dans la mesure où, d'une part, les « bases de liquidation » n'ont pas été totalement communiquées à Cargill France au cours de la procédure contradictoire, d'autre part, la société n'a pas été mise à même de présenter ses observations concernant le « mélange » allégué qui constitue une contestation justifiant le reversement au sens de la jurisprudence ; qu'il n'y a eu aucun mélange de céréales expliquant la différence entre le contenu réel de la cellule (1 524 tonnes) et le contenu mentionné sur la déclaration COM7 de placement sous le régime de l'entrepôt de préfinancement

(1 398 tonnes) ; que cette différence constituait un excédent imputable uniquement à un étalonnage de la cellule imprécis et à une estimation défectueuse du volume ; qu'il y a absence de violation de la réglementation communautaire en cas d'un excédent de céréales dans la cellule ; que la réglementation communautaire fonde l'action en répétition de l'indu des fonds communautaires (FEOGA) versés par un organisme d'intervention national sur la constatation d'une irrégularité ; que la réglementation communautaire en la matière n'imposait pas de peser physiquement les céréales placées en entrepôt de préfinancement en l'état ; que la douane n'exigeait donc pas une pesée des céréales avant la constitution de l'entrepôt ; que les faits permettent d'établir qu'il ne s'agit que d'un excédent imputable à l'étalonnage de la cellule ; qu'un excédent résultant d'une erreur de volumétrie imputable à des causes naturelles ne peut pas constituer une irrégularité rendant le solde de la quantité en entrepôt inéligible aux restitutions ; qu'en cas de déficit imputable à des causes non naturelles, la quantité déficitaire, mais seulement elle, donne lieu au reversement des restitutions, puisque l'objectif de la mesure n'a pas pu être atteint ; qu'il est constant que la quantité excédentaire n'a donné lieu à la demande et à la perception d'aucune restitution ; que l'excédent de 126 tonnes n'a pu contaminer les 1 398 tonnes, alors que celles ci ont été exportées dans les formes et les délais requis ; que la sévérité de la mesure est sans commune mesure avec l'irrégularité alléguée ; que les contrôles douaniers pratiqués lors de la constitution de la cellule en entrepôt étaient encore applicables lors de la sortie de l'orge, puisque aucun mouvement physique de ce stock n'a eu lieu avant ou après ces contrôles, sauf pour charger le premier navire ; qu'en acceptant le COM7, la douane est réputée avoir obtenu sur contrôles une qualité de l'orge parfaitement homogène ; que l'ONIGC et le tribunal administratif ne pouvaient pas présumer que l'orge avait cessé d'être sous contrôle douanier, aussi longtemps que cette marchandise se trouvait dans les installations de la SICA, fût-ce en cours de transilage entre deux cellules ; que le Tribunal a considéré à tort que la SICA n'était pas autorisée par la convention de préfinancement du 17 décembre 1999, prévoyant une dispense de plombage, à procéder à l'ouverture de la cellule, dès lors que la douane avait apposé un scellé ; que la rupture du scellé ne constituait pas une violation d'une réglementation communautaire et elle est fondée à se prévaloir du principe fondamental du droit communautaire de sécurité juridique pour l'application d'une réglementation communautaire par les Etats membres ; qu'aucun préjudice n'a pu résulter pour le budget communautaire du descellement de la cellule ; que l'opération de transilage est une manipulation usuelle qui suppose une autorisation préalable du service, mais non pas une assistance de celui-ci aux opérations elles mêmes ; que la présence des agents de douanes n'était pas nécessaire mais elle était inopinée et dépendante de l'appréciation du service au cas par cas ; que le silo avait un intérêt légitime à commencer le transilage, qui devait durer toute la nuit, sans tarder ; que le calcul de l'assiette de reversement ne pouvait concerner que la quantité qui avait été sortie de la cellule 53 avant l'arrivée des douaniers, soit 19,80 tonnes ; que le Conseil d'Etat fait prévaloir la présomption de maintien du contrôle douanier en l'absence de tout détournement de marchandise ; que la même présomption doit s'appliquer à l'ouverture d'un scellé et à un transilage interne ; qu'elle s'est fondée dès le début de la procédure sur l'atteinte au principe de proportionnalité et a contesté la disproportion existant entre les faits et la demande de l'ONIGC et ainsi le moyen n'a pas été soulevé d'office par le Tribunal ; que la sanction administrative de

22 018 euros ne pouvait pas être infligée dès lors qu'il existe une différence de méthode de pesage entre celle pratiquée par le silo avec l'accord de la douane (conversion de la hauteur en volume, puis en poids) et la méthode dont la demande de reversement procède (une pesée physique) ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 mars 2007 par télécopie et confirmé le 21 mars 2007 par la production de l'original, présenté pour l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES GRANDES CULTURES (ONIGC), qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et soutient en outre que le retrait d'une cellule de 1 524,825 tonnes d'orge, alors qu'il aurait dû en être extrait 1 398,455 tonnes, démontre un mélange de produits de statuts différents et il n'y a pas eu de substitution de motif au sens de la jurisprudence Allal ; que contrairement à ce que soutient la société Cargill, elle a été mise à même par l'ONIC de présenter ses observations sur les constatations justifiant le reversement demandé et qui a fait ultérieurement l'objet d'un titre exécutoire ; qu'il est établi que les 1 398 tonnes qui restaient dans la cellule n° 53 au 27 juin 2000 ont fait l'objet d'un mélange avec d'autres céréales pour un tonnage indéterminé mais à tout le moins de 126 tonnes ; que le principe est l'apposition systématique des scellés douaniers et c'est seulement de manière exceptionnelle, en cas de trafic journalier, qu'il peut être passé outre à cette obligation ; qu'en l'espèce, la société Cargill ne démontre pas que la cellule n° 53 ait fait l'objet d'un trafic journalier nécessitant de se passer des scellés douaniers ; que le principe de proportionnalité est écarté quand les sanctions sont clairement prévues par la réglementation communautaire, comme c'est le cas en l'espèce ; qu'il n'est pas reproché à la société Cargill d'avoir exporté une quantité de marchandise supérieure à celle prévue mais le fait que les 1 398 tonnes qu'elle devait exporter se sont retrouvées hors contrôle douanier et ont été mélangées avec des céréales autres que d'intervention ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 11 mai 2007, présenté pour la société Cargill France qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes motifs et soutient en outre que contrairement à ce que soutient l'ONIGC les produits litigieux ne sont pas des produits d'intervention dès lors que l'orge était placé sous le régime du préfinancement des restitutions ; que la date précise de la rupture du scellé et du début des opérations et le poids en excédent (126 tonnes, soit 2,5 % du tonnage initial) sont incontestables et acquis aux débats ; que le scellé ne constituait pas le moyen de contrôle de l'exécution du régime souscrit par la société Cargill, lequel s'effectuait dans la comptabilité matières et la rupture du scellé ne constituait pas ipso facto une soustraction au contrôle douanier ; que le calcul de l'indu ne doit inclure que les quantités sur lesquelles l'irrégularité alléguée a porté ; qu'en l'absence de soustraction de la totalité des 1 398 tonnes au contrôle douanier, le titre de recette ne pouvait pas porter sur cette quantité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CEE) n° 565/80 du Conseil du 4 mars 1980 modifié relatif au paiement à l'avance des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles ;

Vu le règlement (CE) n° 800/1999 modifié, portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles ;

Vu le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaires ;

Vu le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Albert Lequien, président-assesseur et

M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller :

- le rapport de M. Albert Lequien, président-assesseur ;

- les observations de Me Blangy, pour l'ONIGC et de Me Le Roy, pour la société Cargill ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société Cargill France a déclaré le 31 mai 2000, en application des dispositions du règlement n° 800/1999 de la Commission du 15 avril 1999 susvisé, portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles, la mise en entrepôt de préfinancement de 5 000 tonnes d'orge destinées à l'exportation ; que 3 601,550 tonnes ont fait l'objet d'une déclaration d'exportation vers l'Arabie Saoudite le

5 juin 2000 ; que le 31 juillet 2000, l'entreposeur mandaté par la société SICA Nord céréales a dû, en raison d'un problème de surchauffe, transférer les quantités restantes d'orge, qui étaient entreposées sous scellés douaniers, dans une autre cellule ; que cette société a demandé et reçu l'autorisation des douanes de procéder à ce transilage le même jour à 22 heures ; que, cependant, les agents des douanes ont constaté, lors de leur arrivée sur les lieux à 21 h 50 dans le cadre du contrôle de cette opération, que les scellés avaient été rompus et que le transilage avait commencé à 21 h 45 en dehors de leur présence ; qu'alors même qu'il devait rester 1 398,450 tonnes à l'issue de l'exportation du

5 juin 2000 dans la cellule n° 53, les douaniers ont interrompu le transilage à 4 h 10 du matin alors qu'une quantité de 1 524,825 tonnes d'orge avait déjà été retirée de cette cellule ; que constatant ces faits, la direction générale des douanes et des droits indirects a dressé le 3 août 2000 un

procès-verbal à l'encontre de la société SICA Nord céréales, retenant des infractions au code des douanes pour la rupture des scellés non autorisée, le non-respect des engagements souscrits par l'intéressée dans la convention de procédure de préfinancement et une manoeuvre ayant pour effet d'obtenir un avantage indu à l'exportation en ce qui concerne l'excédent constaté par rapport à la quantité de céréales déclarée ; que, sur le fondement de ces constats, l'Office National Interprofessionnel des Céréales (ONIC) a émis un titre de perception à l'encontre de la société Cargill France le 5 avril 2003, d'un montant de 75 964,16 euros, portant sur le reversement de restitutions à l'exportation perçues sous forme d'avances ; que la requête de l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES GRANDES CULTURES (ONIGC), venant aux droits de l'Office National Interprofessionnel des Céréales (ONIC), est dirigée contre le jugement du 22 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille, à la demande de la société Cargill France, a annulé, d'une part, la décision implicite du directeur de l'ONIC rejetant son recours gracieux contre le titre de perception émis à son encontre le 5 avril 2003 d'un montant de 75 964,16 euros, portant sur le reversement de restitutions à l'exportation perçues sous forme d'avances, d'autre part, le titre de perception émis par l'ONIC à son encontre le 5 avril 2003 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que contrairement à ce que soutient l'ONIGC, le moyen tiré du défaut de proportionnalité de la sanction par rapport aux faits constatés n'a pas été soulevé d'office par le tribunal administratif sans information préalable des parties, mais par la société Cargill France dans ses écritures ; qu'ainsi, le jugement du Tribunal administratif de Lille qui n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative n'est pas entaché d'irrégularité ;

Sur le motif retenu par les premiers juges :

Considérant que les premiers juges ont prononcé l'annulation des décisions attaquées au motif que la sanction appliquée par l'office requérant à la société Cargill France était disproportionnée à la gravité des agissements reprochés à cette dernière, et notamment à la seule infraction retenue par le tribunal administratif, constituant en une soustraction de quelques minutes au contrôle douanier d'une marchandise destinée à être exportée hors communauté et pour laquelle la restitution a été pré-financée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 51 du règlement n° 800/1999 : « 1. Lorsqu'il est constaté que, en vue de l'octroi d'une restitution à l'exportation, un exportateur a demandé une restitution supérieure à la restitution applicable, la restitution due pour l'exportation en question est la restitution applicable à l'exportation effectivement réalisée, diminuée d'un montant correspondant : / a) à la moitié de la différence entre la restitution demandée et la restitution applicable à l'exportation effectivement réalisée ; / b) au double de la différence entre la restitution demandée et la restitution applicable si l'exportateur a fourni intentionnellement des données fausses. ... / 3. La sanction prévue au paragraphe 1, point a), n'est pas applicable : / a) en cas de force majeure ; ... / e) en cas d'ajustement du poids, pour autant que la différence de poids soit due à une méthode de pesage différente. » ;

Considérant que la sanction infligée en application de l'article 51 du règlement

n° 800/1999 n'a pas pour objet de punir une infraction aux règles du contrôle douanier, mais de sanctionner une demande de restitution à l'exportation supérieure à la restitution effectivement due ; que la sanction est proportionnelle à la différence entre la restitution réclamée et la restitution due et modulée de la moitié au double de la différence entre ces deux termes suivant que l'exportateur a, ou non, fourni intentionnellement des données fausses ; que ledit article 51 prévoit l'exonération de la sanction en cas de force majeure ou en cas d'ajustement du poids à la suite de méthodes de pesages différentes ; que le juge dispose d'un contrôle normal sur la détermination des sommes et des quantités concernées, sur l'appréciation de l'existence ou non de déclaration intentionnelle de données fausses, ou de l'existence d'une force majeure ; qu'ainsi, la sanction appliquée en application de ces dispositions ne méconnaissait pas le principe de proportionnalité ; qu'il y a donc lieu pour la Cour de censurer le motif retenu par le Tribunal administratif de Lille et, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens de la demande ;

Sur le fondement de la sanction :

Considérant que le droit à restitution a été refusé à la société Cargill à hauteur des

1 398,45 tonnes qui auraient dû rester dans l'entrepôt après l'exportation de 3 601,55 tonnes en Arabie Saoudite, au double motif d'une irrégularité tenant à la conformité des produits révélée par l'existence d'un excédent dans l'entrepôt après transilage de 1 524,825 tonnes d'orge et de l'interruption au mépris des dispositions du règlement n° 800/1999 du 15 avril 1999, du contrôle douanier résultant du bris des scellés de l'entrepôt ;

Sur l'excèdent constaté des céréales :

Considérant qu'aux termes de l'article 27 relatif au préfinancement de la restitution, du règlement n° 800/1999 du 15 avril 1999 : « 1. Lors de l'acceptation de la déclaration de paiement, les produits sont placés sous contrôle douanier, conformément à l'article 4, points 13 et 14) du règlement (CEE) n° 2913/92, jusqu'à ce qu'ils quittent le territoire douanier de la Communauté ou atteignent une destination prévue. » ; qu'aux termes de l'article 4 du règlement 2913/92 : « Aux fins du présent code, on entend par : ... / 13 surveillance des autorités douanières : l'action menée au plan général par ces autorités en vue d'assurer le respect de la réglementation douanière et, le cas échéant, des autres dispositions applicables aux marchandises sous surveillance douanière ; / 14) contrôle des autorités douanières : l'accomplissement d'actes spécifiques, tels que la vérification des marchandises, le contrôle de l'existence et de l'authenticité des documents, l'examen de la comptabilité des entreprises et autres écritures, le contrôle des moyens de transport, le contrôle des bagages et des autres marchandises transportées par ou sur des personnes, l'exécution d'enquêtes administratives et autres actes similaires, en vue d'assurer le respect de la réglementation douanière et, le cas échéant, des autres dispositions applicables aux marchandises sous surveillance douanière » ;

Considérant qu'aux termes de l'article premier du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995 susvisé, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, : « 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue. » ;

Considérant que la société Cargill France, se prévalant des dispositions précitées, soutient que l'ONIC ne démontre pas qu'il y a eu violation du droit communautaire, aucune disposition du règlement n° 800/1999 ne mentionnant le cas de mélange de produit ; que le règlement précité prévoit cependant l'identification des produits et la vérification de la conformité des produits effectivement exportés avec la déclaration de paiement ; qu'en conséquence, il ne peut être ajouté des produits qui n'auraient pas fait l'objet d'une déclaration de paiement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 29 du règlement n° 800/1999 : « En ce qui concerne les produits à exporter après avoir été mis sous le régime douanier de l'entrepôt ou de la zone France, le résultat de l'examen de la déclaration de paiement et des produits est utilisé pour le calcul de la restitution. ... / 3. Les pertes de masse intervenues durant le séjour en entrepôt douanier ou en zone franche, dues à la diminution naturelle du poids des produits, n'entraînent pas l'acquisition de la garantie visée à l'article 35. ... / 4. Les produits mis sous le régime douanier de l'entrepôt ou de la zone franche peuvent y faire l'objet, dans les conditions fixées par les autorités compétentes, des manipulations suivantes : ... / e) aération ; / La restitution applicable aux produits ayant fait l'objet des manipulations visées ci-dessus est déterminée d'après la quantité, la nature et les caractéristiques des produits existant à la date retenue pour le calcul de la restitution, conformément aux dispositions de l'article 27. » ; qu'il résulte de l'économie générale des dispositions du règlement n° 800/1999 et en particulier de l'article 29 précité que des variations de poids des céréales entreposées, notamment dues aux conditions de stockage ou aux manipulations effectuées, sont admises ;

Considérant que si le service des douanes ainsi que l'ONIC ont estimé que la différence de quantité provenait d'un ajout de céréales à la quantité initiale contenue dans la cellule, l'ONIC n'établit toutefois pas qu'il y a eu mélange de produits ; que l'entreposeur a expliqué la différence entre la quantité de céréales déclarée et celle relevée après transilage, lors de son audition par le service des douanes, par une mesure incertaine par étalonnage de la quantité présente dans la cellule initiale ; que par ailleurs les conditions climatiques et de stockage ont pu faire varier le poids des céréales entreposées ; que le motif tiré d'un ajout frauduleux de céréales ne pouvait donc fonder la décision contestée ;

Sur l'interruption du contrôle douanier :

Considérant, s'agissant du bris de scellé avant même l'arrivée des agents des douanes, que cette formalité ne résulte pas du règlement communautaire du 12 octobre 1992 portant code des douanes communautaires, lequel, étant d'effet direct et immédiat n'a pas à être complété par des dispositions normatives nationales ; que ledit règlement ne prévoit en la matière, en son article

109 §1, qu'un régime d'entrepôt où les marchandises peuvent faire l'objet de manipulations usuelles, destinées notamment à assurer leur conservation, ce qui a été le cas en l'espèce ; que s'agissant d'un entrepôt de type A, le régime de contrôle douanier est effectif dans le cadre d'une convention établie sur la base d'une convention type, qui a, en l'espèce été passée le 17 décembre 1999 entre le service des douanes, l'entreposeur et la société Cargill ; que cette convention ne prévoyait pas la pose de scellés, mais seulement la possibilité, à l'initiative du service, de contrôles inopinés lors des manipulations et au moment de l'apurement, l'exportateur étant seulement assujetti à la tenue d'une comptabilité matière individualisée par site de stockage et en temps réel ; qu'il n'est pas allégué que la société Cargill ou l'entreposeur ne se seraient pas soumis à ces obligations ; que, dès lors, l'ONIGC ne peut fonder son refus d'accorder des restitutions à l'exportateur à hauteur de

1 398,45 tonnes sur la circonstance qu'il y aurait eu interruption momentanée du contrôle douanier du fait d'un bris de scellés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la société Cargill France que la restitution demandée et pré-financée n'était pas supérieure à la restitution applicable ; qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par l'office requérant que la totalité de l'orge dont la restitution a été pré-financée a été exportée hors union européenne ; que, dans ces conditions, l'ONIGC n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a annulé les décisions attaquées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Cargill France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'ONIGC au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, au titre de ces mêmes dispositions de mettre à la charge de l'ONIGC une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société

Cargill France et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'ONIGC est rejetée.

Article 2 : L'ONIGC versera à la société Cargill France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Cargill France est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES GRANDES CULTURES (ONIGC), venant aux droits de l'Office National Interprofessionnel des Céréales (ONIC) et à la société Cargill France.

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N°06DA01320


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA01320
Date de la décision : 30/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Estève
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP CORDELIER JOURDAN DELCOURT-POUDENX AUBERY-DURIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-10-30;06da01320 ?
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