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30/10/2008 | FRANCE | N°08DA00863

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Formation plénière, 30 octobre 2008, 08DA00863


Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2008 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original le 2 juin 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour

M. Yaya X, demeurant ..., par la SELARL Eden Avocats ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800153 du 15 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du

13 décembre 2007 du préfet de la Seine-Maritime refusant de l'admettre au séjour, l'obligeant à quitter le territoire françai

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Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2008 par télécopie et régularisée par l'envoi de l'original le 2 juin 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour

M. Yaya X, demeurant ..., par la SELARL Eden Avocats ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800153 du 15 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du

13 décembre 2007 du préfet de la Seine-Maritime refusant de l'admettre au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination, d'autre part, à ce que le Tribunal enjoigne audit préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire, valable un an, portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, enfin, à la condamnation de l'Etat au paiement de la somme de 1 000 euros à la SELARL Eden Avocats, en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, ladite condamnation valant renonciation de la SELARL Eden Avocats au versement de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) de condamner l'Etat à verser la somme de 1 500 euros à la SELARL Eden Avocats en application des dispositions du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ladite condamnation valant renonciation de la SELARL Eden Avocats au versement de l'aide juridictionnelle ;

Il soutient que la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ; que l'illégalité de la décision portant refus de séjour entraîne celle de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; que la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ; qu'enfin, elle méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu la décision du 1er septembre 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant à M. X l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le

26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique plénière du 27 octobre 2008 à laquelle siégeaient M. André Schilte, président de la Cour, M. Marc Estève, président de chambre, M. Antoine Mendras, président de chambre, M. Gérard Gayet, président de chambre et M. Albert Lequien, président-assesseur :

- le rapport de M. Albert Lequien, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X relève appel du jugement du 15 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2007 du préfet de la Seine-Maritime refusant de l'admettre au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

Sur la légalité de l'arrêté portant refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il est présent en France depuis 2000, qu'il vit, depuis 2004, en concubinage avec une compatriote sénégalaise, Mlle Y, titulaire d'une carte de résident et présente en France depuis 16 ans, que la réalité de leur communauté de vie est établie, qu'un enfant est né le 7 juillet 2005 de cette union, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que la communauté de vie entre les concubins est établie, les intéressés n'étant présumés résider ensemble que depuis une période très récente ; qu'en outre, l'intéressé n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, en refusant le titre de séjour sollicité, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de séjour sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que M. X soutient que son enfant ne pourra l'accompagner au Sénégal sans être séparé de sa mère qui ne pourra le suivre, toute sa famille résidant en France ; que, toutefois, les attestations produites par l'intéressé ne sont pas suffisantes pour établir la réalité et l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec sa fille ; que, dans ces conditions, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'intérêt supérieur de son enfant n'aurait pas été suffisamment pris en compte ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la décision du préfet de la Seine-Maritime refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. X n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour soulevé à l'appui de la contestation de l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée :

I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du même code : L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné :

1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Considérant que la décision par laquelle le préfet fixe le pays de destination auprès duquel sera reconduit l'étranger s'il ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en fait comme en droit en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 susrappelés ; que le législateur ayant décidé par l'article 41 de la loi du 20 novembre 2007 de dispenser l'administration de viser la disposition législative qui fonde l'obligation de quitter le territoire, cette dispense s'attache, dans la même mesure, à la décision fixant le pays de destination fondée sur la même disposition législative ; qu'ainsi, le requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée en droit, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant pas, quant à elles, à être visées dès lors qu'elles ne s'attachent qu'aux modalités d'exécution de la mesure ;

Considérant qu'en estimant que la décision ne contrevient pas aux dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet a nécessairement procédé à un examen particulier de la situation de

M. X ;

Considérant que le moyen tiré de la violation des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant est inopérant à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2007 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Yaya X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

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N°08DA00863 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335335-01-03-03 - DÉCISION REFUSANT L'ADMISSION AU SÉJOUR, OBLIGEANT À QUITTER LE TERRITOIRE FRANÇAIS ET FIXANT LE PAYS DE DESTINATION (ART. L. 511-1 DU CESEDA) - A) NATURE - MESURES DE POLICE - CONSÉQUENCE - MOTIVATION OBLIGATOIRE (ART. 1ER DE LA LOI DU 11 JUILLET 1979) - B) MOTIVATION - CONTENU.

z335z335-01-03-03z a) En vertu des dispositions de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, la décision par laquelle le préfet fixe, à la suite d'un refus de séjour, le pays de destination auprès duquel sera reconduit l'étranger s'il ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français doit en principe être motivée. b) La motivation en fait de la décision fixant le pays de destination et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne se confond pas nécessairement. En revanche, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). L'administration ayant été dispensée, par l'article 41 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, de viser la disposition législative qui fonde l'obligation de quitter le territoire, cette dispense s'attache, dans la même mesure, à la décision fixant le pays de destination fondée sur la même disposition législative. Ainsi, le requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée en droit, les dispositions de l'article L. 513-2 du CESEDA n'ayant pas, quant à elles, à être visées dès lors qu'elles ne s'attachent qu'aux modalités d'exécution de la mesure.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Schilte
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Formation plénière
Date de la décision : 30/10/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08DA00863
Numéro NOR : CETATEXT000020220260 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-10-30;08da00863 ?
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