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10/11/2008 | FRANCE | N°07DA01524

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 10 novembre 2008, 07DA01524


Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Philippe X, demeurant ..., par la SCP Lefranc, Bavencoffe, Meillier ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement nos 0500092-0503129 du 19 juillet 2007 du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à ce que le Centre hospitalier d'Arras soit condamné à leur verser, en leur qualité de parents et héritiers de leur fils Nicolas, la somme de 30 000 euros en réparation de la douleur subie par celu

i-ci et la somme de 23 000 euros chacun au titre de leur préjudice ...

Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Philippe X, demeurant ..., par la SCP Lefranc, Bavencoffe, Meillier ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement nos 0500092-0503129 du 19 juillet 2007 du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à ce que le Centre hospitalier d'Arras soit condamné à leur verser, en leur qualité de parents et héritiers de leur fils Nicolas, la somme de 30 000 euros en réparation de la douleur subie par celui-ci et la somme de 23 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral résultant de son décès ;

2°) de condamner le Centre hospitalier d'Arras à leur verser lesdites sommes ;

3°) de mettre à la charge du Centre hospitalier d'Arras la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent qu'une erreur de diagnostic a été commise lors de la naissance de leur fils Nicolas, qui a entraîné pour lui des dommages irréversibles ayant abouti à son décès quelques semaines plus tard ; que c'est à tort qu'il a été procédé à un accouchement alors que l'enfant se présentait de front et qu'une césarienne était nécessaire ; que le tribunal a retenu que l'enfant était atteint de malformation et que son décès était inéluctable ; que l'expert s'est prononcé sur le fondement des seules déclarations des divers intervenants alors que le dossier médical de grossesse et d'accouchement n'a pas été retrouvé et que les éléments du dossier de l'enfant contredisent lesdites déclarations ; qu'il leur est demandé de prouver l'absence d'information, ce qui revient à leur faire supporter la charge d'une preuve négative ; que l'absence du dossier médical de l'accouchement de leur fils engage à elle seule la responsabilité du centre hospitalier ; qu'il ressort des documents figurant dans le dossier établi par le service de néonatologie après l'accouchement, que l'enfant se présentait de front et non de face, ce qui excluait un accouchement par voie basse ; qu'il y a donc eu erreur de diagnostic et erreur dans la définition des soins et des gestes chirurgicaux à mettre en oeuvre ; que les examens au cours de la grossesse ont été parfaitement normaux et que le contrôle de la souffrance foetale en début et fin de travail n'a rien révélé ; que l'état neurologique de l'enfant a été causé par les conditions d'accouchement et l'emploi des forceps ; que la rupture d'anévrisme à l'origine de son décès découle de pressions vasculaires et cérébrales dans cette zone ; que le Centre hospitalier d'Arras a manqué à son devoir d'information dès lors qu'à aucun moment, il ne les a tenus au courant de l'état de leur fils, se bornant seulement à leur demander l'autorisation de transfert et d'intervention dans le service de neurochirurgie pédiatrique de l'Hôpital de Lille ; que la responsabilité du Centre hospitalier d'Arras est engagée ; qu'en tant qu'héritiers de leur fils, ils ont droit à l'indemnisation du prix de la douleur subie par leur fils à hauteur de 30 000 euros et à 23 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 11 avril 2008 à la Caisse primaire d'assurance maladie d'Arras, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 14 mai 2008 et confirmé par la production de l'original le 16 mai 2008, présenté pour le Centre hospitalier d'Arras, dont le siège est 57 avenue Winston Churchill à Arras (62000), par Me Le Prado, qui conclut au rejet de la requête en faisant valoir que l'expert s'est prononcé en ayant connaissance de l'absence de dossier d'accouchement mais après une discussion contradictoire avec tous les intervenants à l'accouchement ; que l'expert a conclu que, malgré plusieurs indications contraires, il résultait de l'aspect du faciès de l'enfant à sa naissance que la présentation avait eu lieu par la face et non par le front, ce qui autorisait une naissance par voie basse ; que le sapiteur est arrivé aux mêmes conclusions ; qu'en outre, la modification du rythme cardiaque de l'enfant conduisait également à ce choix ; qu'aucune faute n'a été retenue dans l'emploi des forceps ; que l'expert a conclu au décès par rupture d'un anévrisme malformatif ; que le type d'anévrisme en cause ne peut être consécutif à une souffrance cérébrale ; que Nicolas présentait d'autres lésions cérébrales liées à l'anoxie foetale mais qui sont indépendantes de l'anévrisme cause du décès ; que l'information communiquée aux parents ne pouvait être plus complète compte tenu du caractère imprévisible de l'évolution de l'état de l'enfant ; que les demandes indemnitaires sont d'un montant exagéré ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 octobre 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur ;

- les observations de Me Koskas, pour M. et Mme X ;

- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X, enceinte de son premier enfant dont la naissance était prévue le 3 novembre 1998, et dont la grossesse s'était jusque là déroulée normalement, a été hospitalisée au Centre hospitalier d'Arras, où elle avait été suivie, en vue de déclencher l'accouchement à 37 semaines en raison de l'apparition chez elle d'une hypertension artérielle ; qu'après une première tentative infructueuse, l'accouchement a été déclenché le 13 octobre ; que l'enfant ayant manifesté des signes de souffrances, et compte tenu de sa présentation, il a été décidé de procéder à une extraction urgente à l'aide de forceps ; que le jeune Nicolas est né en état de mort apparente avec un coefficient d'APGAR de 2/10 à la naissance et immédiatement transféré dans le service de néonatologie de cet hôpital ; que son état s'étant détérioré avec l'apparition d'une hydrocéphalie, il a ensuite été transféré en neurochirurgie au Centre hospitalier Jeanne de Flandres à Lille puis en réanimation néonatale où il est décédé le 18 novembre d'un arrêt cardiaque faisant suite à une rupture d'anévrisme ; que M. et Mme X relèvent appel du jugement du 19 juillet 2007 du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à ce que le Centre hospitalier d'Arras soit condamné à leur verser, en leur qualité de parents et héritiers de leur fils Nicolas, la somme de 30 000 euros, en réparation de la douleur subie par celui-ci et la somme de 23 000 euros chacun au titre du préjudice moral résultant du décès de leur fils ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le dossier de suivi de grossesse et d'accouchement de Mme X a été égaré ; que, pour regrettable que soit cette perte, cette circonstance, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ne caractérise pas à elle seule un défaut dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier de nature à engager la responsabilité de l'hôpital ; qu'il a été possible à l'expert commis par le tribunal, par des auditions conduites contradictoirement avec Mme X et les membres de l'équipe ayant participé à l'accouchement, d'en reconstituer le déroulement avec précision ;

Considérant, en deuxième lieu, que les requérants soutiennent que l'enfant s'est présenté par le front, ce qui excluait la possibilité d'un accouchement par voie basse, compte tenu de ce que cette présentation empêche son engagement, et nécessitait qu'il soit procédé à une césarienne ; qu'il ressort, toutefois, tant des éléments recueillis par l'expert que de la fiche établie lors du transfert de l'enfant au service de néonatologie du Centre hospitalier d'Arras, que son visage était oedématié, violacé et tuméfié au point qu'il était impossible de l'intuber en passant par les fosses nasales ainsi qu'il est d'usage ; qu'un tel faciès est le résultat habituel d'une présentation par la face ; qu'une telle présentation, alors que l'enfant n'était pas macrosome, permettait l'extraction ; qu'en présence de signes de souffrance, il était nécessaire de procéder à celle-ci en urgence et donc d'avoir recours aux forceps ; que, dans ces circonstances, aucune faute dans le diagnostic ni dans le choix des gestes médicaux ne peut être retenue à l'encontre du Centre hospitalier d'Arras ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. et Mme X font valoir qu'ils n'ont à aucun moment été tenus informés de l'état de santé de leur fils après sa naissance, cette circonstance, à la supposer exacte, dès lors qu'aucune critique n'est portée sur les soins dispensés au jeune Nicolas à partir de sa naissance, dont la plus grande partie l'a été dans un centre hospitalier autre que celui d'Arras, n'a pas privé ses parents d'une chance d'éviter, en le soustrayant à un risque, son décès survenu à la suite de la rupture d'un anévrisme malformatif dont le risque est extrêmement élevé ; qu'en l'absence de tout lien entre le préjudice qu'ils invoquent résultant du décès de leur fils et ce défaut d'information, celui-ci ne peut engager la responsabilité du Centre hospitalier d'Arras ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Centre hospitalier d'Arras la somme que M. et Mme X demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Philippe X, au Centre hospitalier d'Arras et à la Caisse primaire d'assurance maladie d'Arras.

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N°07DA01524


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: Mme Marianne Terrasse
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SCP LEFRANC- BAVENCOFFE-MEILLIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 10/11/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07DA01524
Numéro NOR : CETATEXT000020220275 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-11-10;07da01524 ?
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