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13/11/2008 | FRANCE | N°08DA00829

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 13 novembre 2008, 08DA00829


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 23 mai 2008 et régularisée par la production de l'original le 27 mai 2008, présentée pour Mme Sebahate X, demeurant ..., par la SELARL Eden Avocats ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800075, en date du 15 avril 2008, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 12 décembre 2007 par laquelle le sous-préfet du Havre a refusé son admission au séjour assortie d'une obligation de quitter

le territoire français et fixant le pays dont elle a la nationalité co...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 23 mai 2008 et régularisée par la production de l'original le 27 mai 2008, présentée pour Mme Sebahate X, demeurant ..., par la SELARL Eden Avocats ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800075, en date du 15 avril 2008, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 12 décembre 2007 par laquelle le sous-préfet du Havre a refusé son admission au séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination en cas de renvoi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au sous-préfet du Havre de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt de la Cour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Mme X soutient que le jugement est irrégulier en indiquant que l'autorité signataire des décisions attaquées était le préfet de la Seine-Maritime alors qu'il s'agissait du sous-préfet du Havre et en se fondant sur une erreur de fait en indiquant que Mme X ne donnait aucun élément sur sa vie familiale alors qu'elle établissait clairement la présence de sa soeur et de son neveu sur le territoire français ; que les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens soulevés de la violation tant des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision de refus de titre de séjour n'était pas motivée et qu'elle portait atteinte à sa vie privée et familiale compte tenu de la présence en France d'une de ses soeurs, de son intégration dans la société française et de l'absence d'attache familiale effective dans son pays d'origine ; que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée en ne visant pas l'article 3 de la convention précitée ; que Mme X est menacée dans son pays d'origine par les membres de sa famille ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie d'exception d'illégalité des deux autres décisions portant refus de titre de séjour et fixant le pays de destination ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu la décision en date du 12 juin 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme X ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2008, présenté par le préfet de la Seine-Maritime, qui conclut au rejet de la requête ; le préfet de la Seine-Maritime soutient que la décision refusant le séjour comporte tous les éléments de fait et de droit qui ont motivé la décision ; que Mme X, qui a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans dans son pays d'origine, ne peut valablement invoquer l'absence de liens familiaux et amicaux dans celui-ci ; que, si une de ses soeurs réside en France, elle ne vit pas dans la même agglomération que Mme X ; que Mme X ne justifie pas de son intégration en France ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Commission des recours des réfugiés n'ont pas donné suite à sa demande d'asile fondée sur de présumées menaces dans son pays d'origine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Albert Lequien, président-assesseur et M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller :

- le rapport de M. Jean- Marc Guyau, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X, née en 1966, de nationalité yougoslave et originaire du Kosovo, relève appel du jugement du 15 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2007 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui refusait le droit au séjour, assortissait sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et fixait le pays dont elle a la nationalité comme destination en cas de renvoi ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le jugement attaqué répond à l'ensemble des moyens soulevés dans la requête enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Rouen le 11 janvier 2008 ; que, par suite, Mme X n'est pas fondée à soutenir que ce jugement n'est pas suffisamment motivé ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Le titre de séjour est délivré par le préfet du département dans lequel l'étranger a sa résidence et, à Paris, par le préfet de police. (...) » ;

Considérant que l'autorité décisionnaire en matière d'attribution d'un titre de séjour est le préfet du département de la Seine-Maritime, qui possède la faculté de déléguer sa signature au sous-préfet d'arrondissement du Havre, cette délégation n'emportant pas dessaisissement ; qu'ainsi, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur de droit en mentionnant le préfet comme étant l'autorité auteur de l'acte attaqué ;

Considérant que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour à Mme X énonce les dispositions applicables et les éléments de fait sur lesquels elle se fonde ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 dudit code : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté, et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française, ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) » ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et des libertés d'autrui » ;

Considérant que Mme X, célibataire et sans enfant, est entrée irrégulièrement sur le territoire français en 2005 ; que si une de ses soeurs réside également dans le département de la Seine-Maritime, elle n'établit pas ne plus avoir de liens avec son pays d'origine où elle a résidé jusqu'à l'âge de 39 ans ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et que le préfet n'a pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation » ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du même code : « L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » ;

Considérant que la décision par laquelle le préfet fixe le pays de destination auprès duquel sera reconduit l'étranger s'il ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en fait comme en droit en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 susrappelés ; que le législateur ayant décidé par l'article 41 de la loi du 20 novembre 2007 de dispenser l'administration de viser la disposition législative qui fonde l'obligation de quitter le territoire, cette dispense s'attache, dans la même mesure, à la décision fixant le pays de destination fondée sur la même disposition législative ; qu'ainsi, la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée en droit, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant pas, quant à elles, à être visées dès lors qu'elles ne s'attachent qu'aux modalités d'exécution de la mesure ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'étranger qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission des recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » ;

Considérant que Mme X soutient qu'elle encourt des risques de persécutions en cas de retour dans son pays d'origine de la part des membres de sa famille du fait de relations qu'elle entretenait avec un membre d'une autre communauté religieuse ; que les risques auxquels elle serait personnellement exposée ne sont toutefois pas établis, ainsi qu'il ressort d'ailleurs des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, en date du 28 juin 2005, et de la Commission des recours des réfugiés, en date du 19 juillet 2007, qui ont relevé le caractère évasif et peu circonstancié de ses allégations ; que, par suite, le moyen tiré par Mme X de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision fixant comme pays de renvoi le Kosovo doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 12 décembre 2007, par laquelle le sous-préfet du Havre a refusé son admission au séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination en cas de renvoi ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Sebahate X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

N°08DA00829 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Estève
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Date de la décision : 13/11/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08DA00829
Numéro NOR : CETATEXT000020220312 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-11-13;08da00829 ?
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