La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/11/2008 | FRANCE | N°08DA00675

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 25 novembre 2008, 08DA00675


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 21 avril 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, et régularisée par la production de l'original le 28 avril 2008, présentée pour

M. Ibrahim X, demeurant ..., par Me Deumie ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0703195 du 18 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2007 du préfet de l'Oise portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant la Turquie comme pays de desti

nation ;

2°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer une carte de séjour d...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 21 avril 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, et régularisée par la production de l'original le 28 avril 2008, présentée pour

M. Ibrahim X, demeurant ..., par Me Deumie ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0703195 du 18 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2007 du préfet de l'Oise portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant la Turquie comme pays de destination ;

2°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer une carte de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à venir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'il appartenait au tribunal d'apprécier si son fils avait la possibilité d'avoir une vie familiale normale avec ses parents en Turquie au regard de son statut particulier en tant que réfugié statutaire ; que le tribunal s'est borné à constater qu'il avait d'autres enfants résidant en Turquie ; que son fils a obtenu la qualité de réfugié devant l'Office en raison de la gravité des persécutions qu'il a subies en Turquie ; que l'arrêté préfectoral porte une atteinte disproportionnée à sa vie familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le refus de séjour est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il pouvait prétendre à une régularisation pour raisons humanitaires ; que l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison des risques encourus en cas de retour dans son pays et ce, d'autant qu'elle ne fait pas l'objet d'une motivation particulière ; que la décision fixant la Turquie comme pays de destination est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ; que la Commission des recours des réfugiés n'a pas tenu compte du fait que son fils avait obtenu la qualité de réfugié et ce devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que leur famille est connue pour son engagement politique et culturel actif en faveur de la cause kurde ; que le tribunal n'a pas pris en compte la condamnation en date du 18 juin 2004 de la Cour d'assises d'Istanbul qui a condamné sa fille Nahide X à une peine d'emprisonnement ferme d'un an et cinq mois ; qu'il n'en a eu connaissance qu'en novembre 2007 ; que deux de ses neveux ont également obtenu la qualité de réfugié ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2008, présenté par le préfet de l'Oise, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'arrêté contesté est signé d'une autorité parfaitement habilitée pour ce faire et, est suffisamment motivé ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Commission des recours des réfugiés ont rejeté la demande d'admission au statut de réfugié ; que l'arrêté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que

M. et Mme X ont vocation à quitter la France où ils sont entrés irrégulièrement et récemment en décembre 2005 ; qu'ils ont cinq enfants dont trois restés en Turquie ; qu'ils ne remplissent pas les conditions pour être admis au séjour sur la base de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les intéressés ne font valoir aucune considération humanitaire, ni aucun motif exceptionnel d'admission au séjour ; qu'ils ne peuvent soutenir qu'ils devaient être régularisés sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'ils n'ont pas sollicité leur admission au séjour sur ce fondement ; qu'ils n'ont aucun droit au séjour sur le territoire français et que l'obligation de quitter le territoire français était fondée ; que M. et Mme X n'établissent pas qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire que leurs vies ou leurs libertés seraient menacées en cas de retour en Turquie ;

Vu le mémoire en réponse, enregistré par télécopie le 24 juillet 2008 et régularisé par la production de l'original le 28 juillet 2008, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens en insistant sur le caractère probant des pièces qu'il a produites ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 août 2008, présenté par le préfet de l'Oise, qui conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse, président-assesseur et Mme Elisabeth Rolin, premier conseiller :

- le rapport de Mme Elisabeth Rolin, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, ressortissant turc, entré en France le 4 décembre 2005 à l'âge de 63 ans, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 mai 2006, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 3 octobre 2007 ; que, par arrêté du 20 novembre 2007, le préfet de l'Oise a refusé la délivrance à M. X d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé la Turquie comme pays de destination ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant qu'eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. X depuis fin 2005, au fait que son épouse s'y trouve également en situation irrégulière et que trois de leurs enfants résident encore en Turquie, l'arrêté contesté, en dépit de ce que l'un de ses fils réside en France avec la qualité de réfugié politique, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie familiale et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en second lieu, que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que si les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour « vie privée et familiale » à un étranger pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article, et notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu déroger à la règle rappelée ci-dessus, ni imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article ; qu'il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour effectuée par M. X n'a pas été présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait méconnu son droit à disposer d'un titre de séjour sur ce fondement doit être écarté ; qu'en tout état de cause, le préfet de l'Oise n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la circonstance que son fils ait obtenu le statut de réfugié politique et ne puisse retourner en Turquie était suffisante pour régulariser sa situation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction à la date de l'arrêté contesté : « I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa (...) » ;

Considérant que si la motivation de la décision prescrivant l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que le refus est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, l'administration demeure toutefois tenue de rappeler les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ; qu'en l'espèce, l'arrêté préfectoral attaqué, qui est suffisamment motivé en fait, vise, également en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment ses articles L. 511-1-1°, L.511-4 et L. 513-2 ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre n'est pas suffisamment motivée ;

Considérant que la circonstance que M. X serait susceptible d'être soumis à des persécutions en cas de retour en Turquie est sans incidence sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français qui ne fixe pas par elle-même le pays de destination ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que si M. X, dont la demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 mai 2006 confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 3 octobre 2007, fait valoir, d'une part, que l'un de ses fils a obtenu en 2002 le statut de réfugié politique et, d'autre part, que sa fille a été condamnée par un jugement d'une section pénale de la Cour d'assises d'Istanbul du 18 juin 2004, dont il produit la copie traduite en français, à un an et cinq mois d'emprisonnement pour son appartenance à l'organisation illégale du PKK, il ne produit en revanche aucun élément justifiant de ce qu'il aurait lui-même eu une activité militante pour la cause kurde, ni ne justifie de ce que son retour en Turquie l'exposerait, compte tenu de l'engagement de son fils et de sa fille, à faire l'objet, de la part des autorités turques, de mesures de rétorsion tombant sous le coup des stipulations précitées de

l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi et faute pour lui de justifier qu'il serait personnellement exposé à des risques de persécution ou de traitements dégradants ou inhumains dans son pays d'origine, le moyen tiré de la violation de ces stipulations doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2007 ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent, en conséquence, également être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X la somme demandée de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ibrahim X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet de l'Oise.

N°08DA00675 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA00675
Date de la décision : 25/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: Mme Elisabeth Rolin
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : DEUMIE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-11-25;08da00675 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award