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09/12/2008 | FRANCE | N°07DA01760

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 09 décembre 2008, 07DA01760


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 21 novembre 2007 et régularisée par la production de l'original le 23 novembre 2007, présentée pour M. et Mme Yves X, demeurant ..., par la SCP Frison, Decramer et associés ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401132 du 20 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant, à titre principal, à la nomination d'un nouvel expert et, à titre subsidiaire, à la condamnation du Centre hospitalier régional univer

sitaire d'Amiens à leur verser la somme de 63 718 euros, assortie d'int...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 21 novembre 2007 et régularisée par la production de l'original le 23 novembre 2007, présentée pour M. et Mme Yves X, demeurant ..., par la SCP Frison, Decramer et associés ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401132 du 20 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant, à titre principal, à la nomination d'un nouvel expert et, à titre subsidiaire, à la condamnation du Centre hospitalier régional universitaire d'Amiens à leur verser la somme de 63 718 euros, assortie d'intérêts, en réparation des préjudices résultant des soins dispensés à M. X lors de son hospitalisation dans cet établissement en octobre 2000 ;

2°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise et de désigner un expert indépendant hors le ressort de la Cour d'appel d'Amiens et, à titre subsidiaire, de condamner le Centre hospitalier régional universitaire d'Amiens à leur verser la somme de 63 178 euros, assortie d'intérêts de droit à compter du 6 avril 2004 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que M. X, alors qu'il était hospitalisé depuis plusieurs jours pour une diplopie binoculaire et une sensation d'engourdissement de l'hémicorps droit et de l'hémiface gauche, a ressenti vers 21 heures une paralysie de la bouche qui a évolué ensuite en hémiplégie ; que l'interne de garde ne l'a examiné qu'à 0 heure 15 ; qu'à la suite de ce dysfonctionnement, les requérants ont demandé la nomination d'un expert ; que le professeur Y a été désigné par le tribunal administratif et a déposé son rapport ; qu'il n'a pas, contrairement à ses engagements, déposé de pré-rapport leur permettant de faire des observations, violant ainsi le principe du contradictoire ; qu'il s'est avéré qu'il avait déjà examiné M. X par le passé et avait longtemps travaillé au Centre hospitalier régional universitaire d'Amiens alors qu'un expert ne peut procéder à une expertise s'il a connu de l'affaire antérieurement ; qu'il a minimisé les incidences de l'accident dont M. X a été l'objet, n'a pas recherché les raisons de l'absence du chef de service au moment de l'accident, ne s'explique pas sur la suppression de l'héparine, qu'il constate la défaillance du service en ce qui concerne le délai d'intervention de l'interne mais n'en tire aucune conséquence, qu'il ne s'explique pas sur le fait que le scanner n'a pas été demandé en urgence ; que ni l'interne, ni l'infirmière qui l'avait appelé n'ont été interrogés ; que l'interne a commis une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ; que c'est à tort que l'expert et les premiers juges ont estimé que le retard de l'interne à examiner le patient n'avait eu aucune conséquence préjudiciable ; que, s'agissant d'un patient fragile, il aurait dû faire l'objet d'une surveillance attentive lors du changement de traitement de l'héparine à l'aspirine ; que M. X a subi une incapacité temporaire totale du 12 octobre 2000 au 12 octobre 2002 puis partielle à hauteur de 40 % jusqu'au 16 avril 2003 et, enfin, qu'il subsiste une incapacité permanente partielle de 20 % justifiant 34 668 euros au titre de la première et, eu égard à son âge, de 26 000 euros au titre de la seconde, outre 4 500 euros au titre du préjudice personnel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 13 février 2008 et régularisé par la production de l'original le 15 février 2008, présenté pour le Centre hospitalier régional universitaire d'Amiens, dont le siège est 2 place Victor Pauchet à Amiens (80000), par la SCP Montigny et Doyen, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation des requérants à lui verser une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'au rejet des conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Somme ; le centre hospitalier fait valoir que les époux X n'ont contesté les travaux de l'expert ni lors de sa désignation, ni lors de la réunion d'expertise à laquelle ils étaient convoqués, ni lors de la taxation de ses frais et honoraires ; que l'expert avait précédemment eu à connaître du cas de M. X en tant qu'expert désigné par le tribunal du contentieux et de l'incapacité en 1996 et avait alors rendu un avis ayant abouti à une décision favorable à l'intéressé ; qu'en cas d'accident vasculaire cérébral d'origine ischémique, le traitement anti-coagulant ne s'impose que dans trois hypothèses qui avaient toutes trois été éliminées par les examens effectués les jours précédents ; que les soins qui ont été dispensés ont permis à l'intéressé de survivre de manière inespérée à un accident neurologique de haute gravité compliqué d'une anomalie vasculaire sévère dont il est porteur et qui peut à tout moment induire de nouveaux accidents ; que le retard d'intervention de l'interne n'a pas été préjudiciable ; que seul un scanner, qui ne pouvait être réalisé immédiatement, permettait de diagnostiquer une lésion ischémique et non hémorragique ; que les séquelles actuelles sont limitées ; que la caisse primaire d'assurance maladie ne justifie pas de ses débours ; que l'hôpital a toujours été disponible pour les requérants qui ont cependant multiplié les procédures ;

Vu l'ordonnance en date du 17 juin 2008 fixant la clôture d'instruction au 31 juillet 2008, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 août 2008, présenté pour la Caisse primaire d'assurance maladie de la Somme, dont le siège est 8 place Louis Sellier à Amiens (80000), par Me Vagogne, qui précise qu'elle n'a aucune réclamation à formuler ;

Vu l'ordonnance en date du 28 août 2008 reportant la clôture d'instruction au 26 septembre 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse,

président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur ;

- les observations de Me Aubourg, pour le Centre hospitalier régional universitaire d'Amiens ;

- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. et Mme X relèvent appel du jugement du 20 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant, à titre principal, à la nomination d'un nouvel expert et, à titre subsidiaire, à la condamnation du Centre hospitalier régional universitaire d'Amiens à leur verser la somme de 63 718 euros en réparation des préjudices résultant des soins dispensés à M. X lors de son hospitalisation dans cet établissement en octobre 2000 ;

Sur les conclusions des requérants :

En ce qui concerne les conclusions relatives à une nouvelle expertise :

Considérant que M. et Mme X demandent que soit ordonnée une nouvelle expertise, et qu'elle soit confiée à un médecin hors du ressort de la Cour d'appel d'Amiens en soutenant que l'expert désigné par le Tribunal administratif d'Amiens, dont le rapport a été déposé le 14 mai 2003, aurait fait preuve de partialité ;

Considérant que les requérants font en premier lieu valoir que le professeur Y, d'une part, avait déjà examiné M. X en 1996 dans le cadre d'une expertise d'invalidité, et, d'autre part, avait travaillé par le passé au Centre hospitalier régional universitaire d'Amiens et que, par suite, il ne pouvait valablement procéder à l'expertise ; que, toutefois, ces seules circonstances, alors que ce praticien, qui n'a plus de lien avec l'hôpital, et dont l'expertise en matière d'invalidité n'a pas été défavorable à M. X, est soumis, en sa double qualité de médecin et d'expert, à des obligations déontologiques, ne sont pas de nature à permettre de mettre en cause son impartialité et son indépendance ; qu'en outre, aux termes de l'article R. 621-6 du code de justice administrative : « Les experts (...) peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges (...) La partie qui entend récuser l'expert (...) doit le faire avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de la récusation » ; qu'aux termes de l'article L. 721-1 du même code : « La récusation d'un membre de la juridiction est prononcée, à la demande d'une partie, s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité » ; que les requérants n'ont pas usé de cette faculté de récusation et n'ont contesté la désignation du professeur Y que postérieurement au dépôt de son rapport ;

Considérant, en deuxième lieu, que, à supposer même que le professeur Y s'y soit verbalement engagé, ce qui ne ressort pas de l'instruction, aucune disposition ne lui imposait de déposer un pré-rapport pour permettre aux parties de faire valoir leurs observations avant le dépôt du rapport lui-même ; qu'il n'est pas contesté que ce rapport a été communiqué aux requérants qui ont ainsi été mis en mesure de le critiquer, comme en témoignent d'ailleurs les actions qu'ils ont intentées à cet effet ; que, dès lors, ils ne sont pas fondés à soutenir que le principe du respect du contradictoire aurait été violé ;

Considérant, en troisième lieu, que la mission confiée à l'expert par l'ordonnance en date du 4 février 2003 du président du Tribunal administratif d'Amiens visait à déterminer si des fautes médicales ou dans l'organisation du service avaient été commises lors de l'hospitalisation de M. X en octobre 2000 au Centre hospitalier régional universitaire d'Amiens, question à laquelle il a été répondu positivement dans le rapport sans qu'il soit besoin de s'interroger sur la présence ou non d'un chef de service pendant une période de garde de nuit ;

Considérant, enfin, que le rapport précise les motifs et les éléments de fait ayant conduit à l'arrêt du traitement par héparine puis à sa reprise, une fois vérifiée l'absence de complication hémorragique ; que le moyen tiré de ce que l'expert ne se serait pas prononcé sur ce point manque en fait ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'expertise serait irrégulière et à demander pour ce motif qu'une nouvelle expertise soit ordonnée ;

En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier :

Considérant que M. X a été hospitalisé le 12 octobre 2000 au Centre hospitalier régional universitaire d'Amiens en raison de l'apparition d'une paralysie faciale gauche et de troubles sensitifs et moteurs dans l'hémicorps droit ; qu'après une période d'amélioration de son état ayant permis d'envisager une sortie le 24 octobre, il a été victime le 21 octobre vers 21 heures 30 d'une nouvelle paralysie à droite avec altération de la conscience ; qu'un scanner effectué le 10 novembre 2000 a mis en évidence la survenance d'un accident vasculaire cérébral ischémique dans la protubérance du tronc cérébral ; qu'après plusieurs semaines de soins soutenus au cours desquelles son état a été critique, M. X a pu entamer une rééducation qui se poursuit encore à ce jour ; qu'après deux années d'incapacité permanente totale, il conserve du fait de cet accident une incapacité permanente partielle de 20 % ; que M. et Mme X demandent à être indemnisés des préjudices résultant des soins selon eux inappropriés reçus au centre hospitalier ;

Considérant qu'il ressort de l'instruction que M. X souffre d'une grave malformation d'une artère cérébrale de nature à déterminer à tout moment des complications vasculaires cérébrales et ayant été à l'origine de troubles à compter de 1992, suivis d'une mise en invalidité en 1993 et d'un premier infarctus, situé dans le thalamus gauche, en 1995 ; que lors de son hospitalisation le 12 octobre 2000, un scanner a été réalisé à son entrée ayant permis d'écarter l'éventualité d'un saignement intra-crânien et qu'il lui a alors été administré un traitement anti-coagulant sous forme d'héparine par voie intraveineuse ; que le 20 octobre au matin, compte tenu de l'amélioration de son état et des résultats des nombreux examens dont il avait fait l'objet ayant permis d'écarter les trois pathologies pour lesquelles l'héparine s'impose formellement, celle-ci a été supprimée et remplacée par un traitement anti-plaquette en comprimés ; que vers 21 heures 30, M. X a été victime d'une paralysie à droite avec altération de la conscience ; que l'infirmière a demandé la venue de l'interne de garde qui n'a examiné le patient que vers 0h15 ; qu'il n'a alors prescrit aucun traitement ; qu'un deuxième scanner réalisé le matin du 21 octobre ayant permis d'éliminer la possibilité d'une complication hémorragique intra-crânienne, le traitement à l'héparine a dès lors été repris ; que le troisième scanner effectué le 10 novembre 2000 a mis en évidence la survenance d'un accident vasculaire cérébral ischémique dans la protubérance du tronc cérébral ;

Considérant, en premier lieu que, ainsi qu'il vient d'être exposé, l'arrêt du traitement à l'héparine était justifié par l'amélioration de l'état du patient et la nature de la pathologie dont il souffrait ;

Considérant, en second lieu, que le délai anormalement long et non justifié écoulé entre l'appel de l'infirmière et la venue de l'interne de garde révèle en revanche un dysfonctionnement du service public hospitalier ayant un caractère fautif ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'infirmière, alertée pour l'apparition d'un déficit moteur hémi-corporel, a constaté l'installation d'une hémiplégie massive en quelques minutes ; que ce syndrome correspondait à l'apparition brutale d'un infarctus ischémique dans le tronc cérébral dont aucune thérapeutique appliquée sans délai n'était susceptible d'enrayer les effets neurologiques ; qu'en conséquence, une intervention plus précoce n'aurait en rien pu faire évoluer différemment l'état du patient ; que par suite, le retard à intervenir n'est pas de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions du Centre hospitalier régional universitaire d'Amiens tendant à la condamnation de M. et Mme X à des dommages et intérêts pour procédure abusive :

Considérant que le Centre hospitalier régional universitaire d'Amiens, en se bornant à faire état du coût important qu'ont représenté pour lui les procédures engagées par

M. et Mme X et de la contestation infondée des opérations d'expertise ne justifie pas du caractère abusif et dilatoire desdites procédures ; que ses conclusions, présentées tant en appel qu'en première instance, tendant à la condamnation des requérants à lui verser des dommages-intérêts à ce titre doivent donc être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le Centre hospitalier régional universitaire d'Amiens, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme X la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, d'autre part, de mettre à la charge de ces derniers une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le Centre hospitalier régional universitaire d'Amiens au titre des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes du Centre hospitalier régional universitaire d'Amiens sont rejetées.

Article 3 : M. et Mme X verseront au Centre hospitalier régional universitaire d'Amiens, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Yves X, à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Somme et au Centre hospitalier régional universitaire d'Amiens.

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N°07DA01760


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: Mme Marianne Terrasse
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SCP FRISON-DECRAMER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 09/12/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07DA01760
Numéro NOR : CETATEXT000020252851 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-12-09;07da01760 ?
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