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09/12/2008 | FRANCE | N°08DA00180

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 09 décembre 2008, 08DA00180


Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Loubna épouse , demeurant ..., par Me Pereira ; Mme demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0701692 du 6 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de l'Oise qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour « vie privée et familiale » ;

2°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer une carte de séjour « vie privée et familiale » dans un d

élai d'un mois à compter de l'arrêt à venir, sous astreinte de 25 euros par jour de ...

Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Loubna épouse , demeurant ..., par Me Pereira ; Mme demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0701692 du 6 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de l'Oise qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour « vie privée et familiale » ;

2°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer une carte de séjour « vie privée et familiale » dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à venir, sous astreinte de 25 euros par jour de retard ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement du Tribunal administratif d'Amiens est insuffisamment motivé et qu'il a omis de statuer sur l'un des moyens tirés de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; que le refus du titre de séjour implicite est entaché d'erreurs manifestes d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison du caractère stable et non contesté de son mariage depuis cinq ans ; qu'avec son époux, ils justifient d'une vie commune d'une durée supérieure à trois ans sur le territoire français ; qu'ils ont constitué une famille en France avec la naissance de leur fille ; qu'elle attendait un second enfant au moment où la décision implicite de refus de séjour est intervenue ; qu'il est né le 12 septembre 2007 à Compiègne ; que son époux dispose d'un emploi stable puisqu'il a signé le 3 décembre 2004 un contrat de travail à durée indéterminée avec La Poste établie à Roissy ; qu'il subvient aux besoins de sa famille ; qu'il réside en France depuis 30 ans avec ses parents ; que, nonobstant la possibilité de recourir à la procédure de regroupement familial, la décision de refus de titre de séjour a porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale ; que le préfet devait procéder à l'examen de sa situation familiale ; que la décision contestée porte également atteinte à l'intérêt supérieur des enfants ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces, enregistrées les 4 et 7 février 2008, présentées pour Mme ;

Vu l'ordonnance en date du 11 mars 2008 fixant la clôture d'instruction au 11 avril 2008 à

16 h 30 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2008, présenté par le préfet de l'Oise, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que Mme peut tout à fait bénéficier du regroupement familial puisque son époux est régulièrement établi en France ; que, dans ces conditions, il est de jurisprudence constante que les dispositions de l'article L. 313-11-7° ne lui sont pas applicables ; que la circonstance qu'elle ait deux enfants ne fait pas obstacle à son retour temporaire au Maroc ;

Vu la décision en date du 18 mars 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant à Mme le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en réponse, enregistré le 9 avril 2008, présenté pour Mme , qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 10 avril 2008 portant réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le

26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse, président-assesseur et Mme Elisabeth Rolin, premier conseiller :

- le rapport de Mme Elisabeth Rolin, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme épouse , de nationalité marocaine, fait appel du jugement du Tribunal administratif d'Amiens en date du 6 décembre 2007 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour « vie privée et familiale » ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen soulevé par

Mme et tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; que cette omission à statuer entache d'irrégularité le jugement attaqué qui doit, dès lors, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme devant le Tribunal administratif d'Amiens ;

Sur la légalité de la décision implicite de refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » prévue au premier alinéa du même article est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme , de nationalité marocaine, est entrée en France en 2004 à l'âge de 21 ans, munie d'un visa court séjour après s'être mariée au Maroc en octobre 2002 avec un compatriote résidant régulièrement en France ; qu'elle n'a demandé un titre de séjour « vie privée et familiale » que le 15 janvier 2007 alors qu'il est constant qu'eu égard notamment au contrat de travail à durée indéterminée dont son époux est titulaire depuis le 3 décembre 2004 ainsi qu'aux conditions de logement du ménage, elle entrait dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial ; que, par suite, Mme n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Oise aurait fait une inexacte application des dispositions de

l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant le titre de séjour sollicité ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été rappelé, Mme est entrée en France en 2004, munie d'un visa court séjour et s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire national après l'expiration de la durée de validité de ce document ; que si, à la date de la décision attaquée, elle vivait avec son époux, de nationalité marocaine, titulaire d'une carte de résident avec lequel elle est mariée depuis octobre 2002 et dont elle a eu deux enfants, elle ne justifie cependant pas de ce qu'un retour momentané au Maroc, le temps nécessaire à l'instruction d'une demande de regroupement familial, comporterait au droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure a été prise, compte tenu notamment de ce qu'elle pourrait emmener dans ce pays, dans lequel elle ne conteste pas être dépourvue d'attaches familiales, ses deux enfants en bas âge ; que, dans ces conditions, la décision par laquelle le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, qu'en se bornant à faire valoir qu'elle a deux enfants en bas âge dont un est scolarisé en maternelle et qu'elle devrait les séparer de leur père, au demeurant, sans justifier cette dernière allégation, Mme n'établit pas davantage que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision contestée ; que, par suite, il y a lieu, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, de rejeter sa demande d'annulation ainsi que ses conclusions à fin d'injonction assorties d'astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mme la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Amiens en date du 6 décembre 2007 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme devant le Tribunal administratif d'Amiens est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Loubna épouse et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet de l'Oise.

N°08DA00180 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 08DA00180
Date de la décision : 09/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: Mme Elisabeth Rolin
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-12-09;08da00180 ?
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