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09/12/2008 | FRANCE | N°08DA00972

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 09 décembre 2008, 08DA00972


Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée le 24 juin 2008 par courrier original, présentée par le PREFET DE L'OISE ; le préfet demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0803665, en date du 30 mai 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille, d'une part, a annulé son arrêté du

26 mai 2008 prononçant la reconduite à la frontière de M. Aïssa X et désignant l'Algérie comme pays de destination de cette mesure et so

n arrêté du même jour ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administr...

Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée le 24 juin 2008 par courrier original, présentée par le PREFET DE L'OISE ; le préfet demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0803665, en date du 30 mai 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille, d'une part, a annulé son arrêté du

26 mai 2008 prononçant la reconduite à la frontière de M. Aïssa X et désignant l'Algérie comme pays de destination de cette mesure et son arrêté du même jour ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif de Lille ;

Le préfet soutient :

- que le premier juge a estimé à tort que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, M. X n'a pas justifié, contrairement à ce que retient le jugement dont appel, résider en France de manière continue depuis 1999, l'examen des mentions portées sur son passeport faisant apparaître que l'intéressé est reparti de nombreuses fois depuis lors en Algérie, sa dernière sortie du territoire français étant datée du 15 novembre 2002 et la date et les conditions de sa dernière entrée n'étant pas connues ; qu'en outre, M. X est célibataire, sans enfant à charge, et n'établit, ni même n'allègue, être isolé en Algérie, alors qu'aucun membre de sa famille ne réside auprès de lui en France ; que ledit arrêté n'a ainsi pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ;

- que M. X ne remplissait pas, quelle que soit l'ancienneté de son séjour, les conditions posées par l'article 6-1° de l'accord franco-algérien, modifié, permettant d'obtenir de plein droit la délivrance d'un certificat de résidence algérien, ni celles posées par l'article 7-b) du même accord pour prétendre à la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de salarié ;

- que l'activité professionnelle exercée en intérim depuis 2001 et dans des conditions irrégulières par M. X ne témoigne pas d'un degré d'intégration justifiant une admission exceptionnelle au séjour ; qu'en tant que ressortissant algérien, il ne peut d'ailleurs se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne lui sont pas applicables ;

- qu'aucun des autres moyens présentés par l'intéressé devant le président du Tribunal administratif de Lille n'était fondé ; qu'ainsi, l'arrêté de reconduite à la frontière en litige est suffisamment motivé, tant en droit qu'en fait ; qu'il a été pris par une autorité régulièrement habilitée ; qu'au terme d'un examen attentif de sa situation, M. X n'ayant pas établi, par ses seules allégations, être personnellement menacé en Algérie, la décision désignant le pays de destination de cette mesure n'a méconnu, alors que l'intéressé a vu sa demande d'asile territorial rejetée, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 7 juillet 2008 par laquelle le président de la Cour fixe la clôture de l'instruction au 29 août 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 août 2008 par télécopie et confirmé le

4 septembre 2008 par courrier original, présenté pour M. Aïssa X, demeurant ..., par Me Cardon, membre de la SCM Avocats du 37 ; M. X conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au PREFET DE L'OISE de procéder à un nouvel examen de sa situation après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient :

- que le premier juge a annulé à bon droit l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué comme ayant été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'exposant est en effet entré en France en 1999, y réside depuis lors de façon continue et y travaille en intérim depuis 2001, son travail étant apprécié ;

- que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué est insuffisamment motivé en fait au regard des exigences posées par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'il contient, en effet, des formules stéréotypées et ne fait aucune mention de l'évolution de sa situation personnelle, à savoir du fait qu'il soit salarié depuis 7 ans et de ce qu'il a présenté une demande de titre de séjour à la préfecture du Val-de-Marne ;

- qu'il n'est pas établi que ledit arrêté ait été pris par une autorité régulièrement habilitée ;

- que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué est entaché d'erreur de droit, dès lors que l'exposant n'entrait pas dans le cas prévu par le 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de le reconduire à la frontière ; qu'il est, en effet, entré régulièrement en France, muni du visa requis, et s'est vu délivrer des autorisations provisoires de séjour durant l'instruction de sa demande d'asile territorial ; que l'administration ne pouvant justifier d'une notification régulière du refus d'asile territorial qui lui a été opposé, il bénéficie du droit de se maintenir en France en application des articles L. 742-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la demande de titre de séjour qu'il a formée par ailleurs n'a pas été examinée ; qu'il ne peut être procédé à aucune substitution de base légale pour pallier cette illégalité ;

- qu'il entend exciper de l'illégalité du refus de séjour qui lui a été implicitement opposé par le préfet du Val-de-Marne ; que les motifs de ce refus ne lui ont, en effet, pas été communiqués malgré sa demande ;

- que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué méconnaît les stipulations des articles 6-1 et 6-5 de l'accord franco-algérien, modifié ; que l'exposant réside, en effet, en France depuis plus de

9 ans ; que son retour en Algérie en 2002, qui était ponctuel et très court, ne saurait être regardé comme ayant interrompu ce séjour ; qu'il justifie de la continuité de son séjour en versant au dossier les déclarations fiscales afférentes aux années considérées ; qu'il est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et occupe dans ce cadre un emploi salarié dans une entreprise de travaux ; qu'il est bien inséré, autonome financièrement ; que son sérieux, sa motivation et son honnêteté sont reconnus ; qu'il a tissé l'ensemble de ses relations amicales et professionnelles en France ; qu'il n'a ainsi que des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour sur le fondement des stipulations susmentionnées ;

- que ledit arrêté est, dans ces conditions, entaché, eu égard à la gravité des conséquences qu'il implique, tant sur le plan professionnel que privé, pour l'exposant, d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa situation personnelle ;

- que la désignation du pays de renvoi n'a été précédée d'aucun examen effectif de la réalité des craintes dont il avait fait état, dont il n'est d'ailleurs pas même fait mention dans les motifs de l'arrêté ; que le rejet de sa demande d'asile territorial ne pouvait à lui seul justifier la position prise par le préfet, qui était tenu d'effectuer un examen autonome des éléments avancés par lui ;

- qu'une reconduite vers l'Algérie méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'exposant a, en effet, quitté ce pays du fait des menaces dont il était l'objet de la part de terroristes intégristes, avec lesquels il refusait de collaborer ; qu'il serait exposé, en cas de retour dans son pays d'origine, à des représailles mettant en danger son intégrité physique voire même sa vie ;

Vu l'ordonnance en date du 4 septembre 2008 par laquelle le président de la Cour décide la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 25 septembre 2008, présenté par le PREFET DE L'OISE ; le préfet conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Le préfet soutient, en outre :

- que le moyen tiré de l'erreur de droit, qui est d'ailleurs nouveau en appel, doit être écarté, dès lors que M. X, qui est retourné à plusieurs reprises en Algérie et dont ni la date, ni les conditions de son dernier retour ne sont établies, entrait dans le cas prévu au 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de décider qu'il serait reconduit à la frontière ;

- que M. X ne peut invoquer, par voie d'exception, l'illégalité du refus de séjour qui lui aurait été implicitement opposé, dès lors que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué est fondé sur son entrée irrégulière et non sur un quelconque refus de séjour ;

- que l'intéressé ne peut sérieusement alléguer n'avoir pas reçu notification du rejet de sa demande d'asile territorial ;

- que M. X ne pouvait prétendre de plein droit à la délivrance d'un certificat de résidence d'un an sur le fondement des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, modifié ;

- qu'enfin, les allégations de l'intéressé concernant les menaces qu'il encourrait en Algérie ne sont pas crédibles, dès lors qu'il est retourné plusieurs fois dans ce pays ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 octobre 2008 par télécopie et confirmé le 24 octobre 2008 par la production de l'original, présenté par le PREFET DE L'OISE ; le préfet conclut aux mêmes fins que sa requête et que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; le préfet soutient que la preuve de la notification à l'intéressé du rejet de sa demande d'asile territorial est désormais apportée par la pièce qu'il verse au dossier ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 octobre 2008, présenté pour M. X et par lequel celui-ci conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

M. X soutient, en outre :

- que le moyen tiré de l'erreur de droit qu'il invoque n'est pas nouveau en appel ;

- que le refus de séjour implicite qui lui a été opposé est illégal au regard de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- qu'une attestation du maire de son village de naissance, qui est produite au dossier, établit la réalité des craintes dont il a fait état ; que la circonstance qu'il soit revenu ponctuellement en Algérie, dans une région différente et à une époque plus sûre, ne remet pas en cause cette réalité, ni le caractère personnel des risques encourus ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 novembre 2008 par télécopie et confirmé le 20 novembre 2008 par courrier original, présenté par le PREFET DE L'OISE ; le préfet conclut aux mêmes fins que sa requête et que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2008 :

- le rapport de M. André Schilte, président de la Cour ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour annuler, par le jugement attaqué en date du 30 mai 2008, l'arrêté du

26 mai 2008 par lequel le PREFET DE L'OISE a prononcé la reconduite à la frontière de

M. X, ressortissant algérien, né le 16 mai 1970, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a estimé, qu'eu égard aux circonstances que l'intéressé réside en France de façon continue depuis l'année 1999, y travaille depuis 2001 en intérim, bénéficie d'une promesse d'embauche dans le secteur du bâtiment et compte tenu de la bonne intégration à la société française dont il avait fait montre, ledit arrêté avait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que le PREFET DE L'OISE forme appel de ce jugement ;

Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'ainsi que le fait observer le PREFET DE L'OISE, M. X n'établit pas, par les seules pièces qu'il produit, avoir résidé en France de façon continue depuis 1999, alors que, si l'intéressé est entré une première fois sur le territoire français le 21 septembre 1999, les mentions portées depuis sur son passeport font apparaître qu'il a regagné depuis lors à plusieurs reprises l'Algérie, notamment en octobre 1999, en avril 2000 et en novembre 2002 ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que M. X est célibataire, sans enfant et qu'il n'établit, ni d'ailleurs n'allègue, être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans ; que, dans ces conditions, eu égard aux conditions du séjour de M. X en France et alors même qu'il justifie avoir effectué, au demeurant sans l'autorisation préalable requise, de nombreuses missions en intérim depuis l'année 2001 et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé, nonobstant la bonne intégration à la société française dont il aurait fait montre et les liens amicaux et sociaux qu'il y aurait tissés, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille s'est, dès lors, fondé à tort sur ce motif pour annuler ledit arrêté ;

Considérant qu'il appartient toutefois au juge d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par M. X tant devant le président du Tribunal administratif de Lille que devant le président de la Cour ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces produites au dossier que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été signé par Mme Isabelle Y, sous-préfet, secrétaire général de la préfecture de l'Oise, qui bénéficiait d'une délégation de signature qui lui avait été donnée par un arrêté du PREFET DE L'OISE, en date du 10 janvier 2008, régulièrement publié le 14 janvier 2008 au recueil des actes administratifs de la préfecture ; que cette délégation de signature habilitait Mme Y à signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué, qui manque en fait, doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que si l'obligation de motiver les mesures portant reconduite à la frontière d'un étranger, qui résulte notamment du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, implique que ces décisions comportent l'énoncé des éléments de droit et de fait qui fondent la mise en oeuvre de la procédure d'éloignement, l'autorité administrative n'est pas tenue de préciser en quoi la situation particulière de l'intéressé ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de cette procédure ; qu'il ressort, en l'espèce, de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué que ceux-ci mentionnent, notamment, que M. X n'a pas justifié des conditions de son entrée en France et relevait donc de la situation prévue au 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant sa reconduite à la frontière ; que ces motifs comportent ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la mesure de reconduite à la frontière prise à l'égard de M. X ; qu'eu égard à ce qui précède, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé et que certaines de leurs mentions sont rédigées à l'aide d'une formule stéréotypée, ledit arrêté répond aux exigences de motivation posées tant par les dispositions de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que par celles de la loi susvisée du 11 juillet 1979, modifiée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 311-5 du même code : « La délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, d'un récépissé de demande de titre de séjour ou d'un récépissé de demande d'asile n'a pas pour effet de régulariser les conditions de l'entrée en France, sauf s'il s'agit d'un étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié » ; que

M. X, qui est entré une première fois en France le 21 septembre 1999 muni d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour en cours de validité, est toutefois retourné en Algérie à trois reprises au moins et n'a pas été en mesure d'établir que sa dernière entrée ait été régulière, le passeport dont il est produit copie au dossier étant dépourvu de visa à la date correspondante, et n'était titulaire d'aucun titre de séjour ; que les dispositions précitées de l'article L. 311-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font, en outre, obstacle à ce que M. X, dont la demande d'asile territorial a été rejetée le 22 août 2003 par une décision qui lui a été régulièrement notifiée le 2 septembre 2003 et qui est depuis devenue définitive, puisse se prévaloir des autorisations provisoires de séjour qui lui ont été délivrées pour permettre l'examen de sa demande et qui ne sauraient être regardées comme valant régularisation de sa situation quant aux conditions de son entrée en France ; que l'intéressé, qui ne peut davantage se prévaloir dans ces conditions d'un droit au séjour à ce titre et qui n'établit pas par les seules pièces qu'il produit avoir déposé, comme il le soutient, auprès du préfet de la Seine-et-Marne une demande d'admission au séjour sur laquelle il n'aurait pas été statué, entrait ainsi dans le cas visé par les dispositions précitées autorisant le PREFET DE L'OISE à décider, par l'arrêté attaqué, qu'il serait reconduit à la frontière ; que, dès lors, bien qu'étant recevable, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché ledit arrêté doit donc être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X ait saisi, comme il le soutient, le préfet de Seine-et-Marne d'une demande de titre de séjour sur laquelle il ne se serait pas expressément prononcé ; que la copie d'un courrier qui aurait été adressé audit préfet par le conseil de l'intéressé est insuffisante à elle seule à apporter une telle preuve ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour que lui aurait implicitement opposé le préfet de Seine-et-Marne ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, modifié : « (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) » ; que, d'une part, M. X n'établit pas, par les seules pièces qu'il produit, et n'allègue d'ailleurs pas, résider habituellement en France depuis plus de dix ans, d'autre part et ainsi qu'il a été dit, le PREFET DE L'OISE, en n'admettant pas M. X au séjour mais en prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière, n'a pas porté, ainsi qu'il a été dit précédemment, au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ladite mesure a été prise ; que, dès lors, M. X n'était pas, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, en situation de prétendre de plein droit à la délivrance d'un certificat de résidence d'un an sur le fondement des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien, modifié ;

Considérant, en dernier lieu, qu'alors même que M. X serait bien inséré à la société française et malgré la promesse d'embauche qu'il a obtenue dans le secteur du bâtiment, il n'est pas établi que le PREFET DE L'OISE ait entaché son arrêté d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la légalité de la désignation du pays de destination de cette mesure :

Considérant, d'une part, qu'alors même que les motifs de l'arrêté attaqué ne comportent aucune précision quant à la nature des craintes exprimées par M. X dans l'hypothèse d'un retour en Algérie, il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE L'OISE ne se soit pas livré à un examen individualisé et suffisant des éléments avancés par M. X au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales avant de désigner le pays de destination de la mesure d'éloignement prise le même jour à l'égard de l'intéressé, ni qu'il se soit estimé lié par le rejet de la demande d'asile territorial que ce dernier avait formée ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » ; que si M. X fait état de ce qu'il aurait fui l'Algérie en 1999 dans le but de se soustraire aux menaces formulées par des terroristes intégristes, les pièces qu'il produit au soutien de cette allégation, à savoir une attestation qui aurait été rédigée par le maire de son village de naissance et qui ne présente pas de garanties suffisantes d'authenticité et un article de presse relatif à des attentats récemment perpétrés en Algérie, ne sont pas de nature à elles seules, alors qu'il est constant que l'intéressé est retourné plusieurs fois en Algérie et que sa demande d'asile territorial a été rejetée par une décision devenue définitive, à établir qu'il encourrait effectivement et à titre personnel des risques en cas de retour dans ce pays ; que, dès lors, la décision attaquée n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté en date du 26 mai 2008 prononçant la reconduite à la frontière de M. X et désignant l'Algérie comme pays de destination de cette mesure et lui a fait injonction de délivrer une autorisation provisoire de séjour à l'intéressé ; que, dès lors, la demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif de Lille doit être rejetée, de même, par voie de conséquence, que les conclusions aux fins d'injonction assortie d'astreinte qu'il présente en appel ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0803665 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille en date du 30 mai 2008 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. X au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Aïssa X.

Copie sera transmise au PREFET DE L'OISE.

N°08DA00972 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 08DA00972
Date de la décision : 09/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. André Schilte
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : AVOCATS DU 37

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-12-09;08da00972 ?
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