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09/12/2008 | FRANCE | N°08DA01151

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 09 décembre 2008, 08DA01151


Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Abdelhay X, demeurant ..., par Me Denfer ; M. X demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0804171, en date du 23 juin 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juin 2008 du préfet du Nord prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté de recondui

te à la frontière ;

M. X soutient :

- que sa requête est recevable ;

- que, mêm...

Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Abdelhay X, demeurant ..., par Me Denfer ; M. X demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0804171, en date du 23 juin 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juin 2008 du préfet du Nord prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté de reconduite à la frontière ;

M. X soutient :

- que sa requête est recevable ;

- que, même si le nom de M. Y a été apposé au bas de l'arrêté attaqué, il n'est pas possible de déterminer qui est le véritable signataire dudit arrêté, la signature qu'il comporte étant illisible ; qu'il n'est, dès lors, pas démontré que ledit arrêté ait été signé par une autorité régulièrement habilitée ;

- qu'il ressort des éléments du dossier que l'exposant a été interpelé à Lille, à la sortie de la station de métro « Gambetta » et non à Maubeuge, comme l'indiquent les motifs de l'arrêté attaqué ; qu'en outre, il est entré en France le 15 juin 2008 et non il y a un an comme le retiennent lesdits motifs ; qu'ainsi, l'arrêté dont s'agit est fondé sur des faits matériellement inexacts ;

- que l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de droit ; que le passeport de l'exposant est toujours en cours de validité ;

- que ledit arrêté est entaché de détournement de pouvoir ;

- qu'il exerce la profession de couturier et vit chez sa mère, de nationalité française, de même que son époux et leurs deux enfants, qui l'héberge ; que si l'exposant est célibataire et sans charge de famille, il est totalement isolé dans son pays d'origine, puisque sa seule famille est sa mère, dont il ne connaît l'existence que depuis quatre ans ; qu'il avait, en effet, été séparé d'elle à sa naissance et confié à une nourrice, pour des motifs d'ordre familial et religieux ; que ce n'est qu'à l'âge de 25 ans qu'il a découvert son histoire et l'identité de sa mère, qui a d'ailleurs elle-même entrepris de le rechercher en 2004 après avoir appris son existence ; que des tests sanguins ont été effectués au Maroc et établissent la réalité de ce lien de filiation ; qu'il est cependant impossible pour un enfant né hors mariage de voir reconnaître officiellement sa filiation dans un pays musulman ; que l'exposant a pu ensuite obtenir un visa italien, ayant conclu un contrat de travail dans ce pays ; qu'il a ensuite rejoint sa mère en France, dans le but d'y voir reconnaître sa filiation ; que c'est alors qu'il a été interpellé ; qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; qu'il ne souhaite pas retourner au Maroc ; que, dès lors, l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a ainsi méconnu les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cet arrêté est, en outre, entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 5 août 2008 par laquelle le président délégué par le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 30 septembre 2008 ;

Vu les pièces du dossier desquelles il ressort que le préfet du Nord a reçu communication de la requête susvisée et n'a pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2008 :

- le rapport de M. André Schilte, président de la Cour ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêté en date du 18 juin 2008, le préfet du Nord a décidé de reconduire M. X, ressortissant marocain, né le 20 février 1979, et entré en France, selon ses déclarations, le 15 juin 2008, à la frontière, en se fondant sur les dispositions du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. X forme appel du jugement, en date du 23 juin 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté ;

Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué :

Considérant que M. X reprend en appel son moyen tiré de ce que la signature figurant sur l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué est illisible et ne permettrait ainsi pas de déterminer l'identité de son auteur, ni de vérifier que celui-ci ait été régulièrement habilité ; que, par adoption des motifs retenus par le premier juge, ce moyen doit être écarté ;

Sur la légalité interne dudit arrêté :

Considérant, en premier lieu, que M. X reprend en appel son moyen tiré de ce que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, dont les motifs mentionnent qu'il aurait été interpelé à Maubeuge et qu'il serait entré en France il y a un an, alors qu'il a été interpelé à Lille et qu'il soutient être entré en France le 15 juin 2008, serait fondé sur des faits matériellement inexacts ; que, par adoption des motifs retenus par le premier juge, ce moyen doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ; que M. X, qui, ainsi qu'il a été dit, serait arrivé en France le 15 juin 2008, n'a toutefois pas été en mesure de justifier d'une entrée régulière, le visa « Schengen » qui lui avait été délivré le 19 juillet 2007 par les autorités consulaires italiennes à Casablanca étant expiré, et n'était titulaire d'aucun titre de séjour ; qu'il entrait ainsi, alors même que son passeport était en cours de validité, dans le cas visé par les dispositions précitées autorisant le préfet du Nord à décider, par l'arrêté attaqué, qu'il serait reconduit à la frontière ; que, dès lors, les moyens tirés de l'erreur de droit et, compte tenu, en outre, de ce qui a été dit précédemment, de l'inexacte appréciation des circonstances de l'espèce par l'autorité préfectorale doivent être écartés ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que M. X doit être regardé comme invoquant le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, de ces stipulations ; que si M. X fait valoir à cet égard qu'il est venu en France le 15 juin 2008 pour rejoindre sa mère, de nationalité française, et dont il n'aurait appris l'existence que depuis l'année 2004, ayant été confié dès sa naissance à une nourrice pour des raisons familiales et religieuses, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui indique par ailleurs avoir vécu en Italie durant presque un an avant d'entrer en France, est célibataire, sans enfant, et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans ; que le lien de filiation dont il se prévaut n'est pas reconnu juridiquement, ainsi qu'il l'admet lui-même, par les autorités de son pays d'origine, ne l'est pas davantage par les autorités françaises et ne saurait être regardé comme suffisamment établi par la production de résultats d'analyses sanguines qui ne sont assortis d'aucun commentaire permettant de les interpréter ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard, notamment, à la très faible durée et aux conditions du séjour de M. X en France, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé, alors même qu'il ne représenterait pas une menace pour l'ordre public, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, dès lors, par méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cet arrêté n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord en date du 18 juin 2008 prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Abdelhay X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

N°08DA01151 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 08DA01151
Date de la décision : 09/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. André Schilte
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : DENFER SAMIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-12-09;08da01151 ?
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