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11/12/2008 | FRANCE | N°07DA00471

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 11 décembre 2008, 07DA00471


Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Léonard Antonio X, demeurant ..., par Me Arnoux ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0503870, en date du 31 janvier 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du

16 janvier 2002 du directeur départemental des services vétérinaires du Pas-de-Calais lui refusant l'indemnisation de l'abattage de son troupeau d'ovins le 30 mars 2001, ensemble la décision impl

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Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Léonard Antonio X, demeurant ..., par Me Arnoux ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0503870, en date du 31 janvier 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du

16 janvier 2002 du directeur départemental des services vétérinaires du Pas-de-Calais lui refusant l'indemnisation de l'abattage de son troupeau d'ovins le 30 mars 2001, ensemble la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l'agriculture à son recours hiérarchique présenté le

13 mars 2002 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser, sur le fondement de la responsabilité pour faute et, subsidiairement sans faute, la somme de 65 370,56 euros en réparation du préjudice matériel, la somme de 1 826,48 euros en raison de la perte de la « prime à la brebis » attribuée par l'Union Européenne, la somme de 10 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice d'exploitation ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler la décision du 16 janvier 2002 du directeur départemental des services vétérinaires du Pas-de-Calais, ensemble la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l'agriculture à son recours hiérarchique présenté le 13 mars 2002 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 65 370,56 euros en réparation du préjudice matériel ou, subsidiairement, 40 853,92 euros au titre de la « perte directe », 1 826,48 euros au titre de la perte de la « prime à la brebis » et 20 000 euros au titre du trouble dans ses conditions d'existence et du préjudice d'exploitation ;

4°) d'enjoindre l'Etat à lui verser la somme de 65 370,56 euros ou, à titre subsidiaire, une somme de 40 853,92 euros ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le refus d'indemnisation porte atteinte à son droit de propriété, protégé notamment par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'au principe d'égalité devant les charges publiques ; que l'Etat engage, dès lors, sa responsabilité pour faute et, subsidiairement, sans faute ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 31 mars 2008 portant clôture de l'instruction au 2 mai 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2008 par télécopie et confirmé le 5 mai 2008 par la production de l'original, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la demande de M. X devant le tribunal administratif a été présentée tardivement ; que la responsabilité pour faute de l'Etat ne peut être retenue dès lors que le requérant n'a pas respecté, de façon substantielle, l'ensemble des mesures réglementaires en vigueur et que l'autorité administrative pouvait légalement refuser le versement de l'indemnité réclamée par M. X, sans que cette mesure ne méconnaisse son droit de propriété, ni le principe d'égalité devant les charges publiques ; que le législateur a entendu exclure toute indemnisation des propriétaires d'animaux abattus sur le fondement de la responsabilité sans faute de l'Etat pour rupture d'égalité devant les charges publiques, dès lors qu'un régime spécial d'indemnisation est organisé ; qu'en outre, le requérant n'apporte aucun élément de nature à justifier l'étendue de son préjudice ;

Vu, le 26 mai 2008, la communication aux parties d'un moyen d'ordre public susceptible de fonder la décision à intervenir ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 3 juin 2008 par télécopie et confirmé par l'original le

5 juin 2008, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes motifs et soutient, en outre, que si certaines méconnaissances reprochées à M. X relèvent du champ d'application du titre III relatif au contrôle sanitaire des animaux et aliments, le requérant a méconnu l'arrêté du 13 octobre 1998 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la brucellose ovine et caprine qui rentre dans le champ d'application du titre II relatif à la lutte contre la maladie des animaux ; que cette infraction particulièrement grave a été réitérée dès lors qu'il ressort du procès-verbal du 28 mars 2001 que le requérant n'a réalisé aucune mesure de prophylaxie depuis 1997, soit pendant plus de quatre années ; que, par ailleurs, les mesures relatives à l'identification et à l'enregistrement des animaux constituent un préalable indispensable aux mesures de prophylaxie ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 6 novembre 2008 et confirmé le 10 novembre 2008 par la production de l'original, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient, en outre, que seuls les manquements commis par M. X aux mesures de prophylaxie sont susceptibles de constituer le non-respect des « mesures réglementaires en vigueur » définies par l'article 8 de l'arrêté du 7 mars 2001 ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré par télécopie 19 novembre 2008 et confirmé le

24 novembre 2008 par la production de l'original, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes motifs et soutient, en outre, que le moyen du requérant tiré de la méconnaissance du droit de propriété garanti par l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé ; que le refus d'indemnisation ne revêt pas un caractère disproportionné dès lors qu'il est conforme à la jurisprudence communautaire ; que l'administration était fondée à refuser l'indemnisation du troupeau de M. X sur le fondement de l'article L. 221-2 du code rural et de l'arrêté du 7 mars 2001 dès lors qu'il a méconnu pendant quatre années consécutives les mesures prescrites par l'arrêté du 13 octobre 1998 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la brucellose ovine et caprine, mesures préventives essentielles destinées à prévenir l'apparition de la brucellose animale et humaine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 et la déclaration des droits de l'homme et du citoyen à laquelle renvoie son préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code rural ;

Vu l'arrêté interministériel du 7 mars 2001 relatif à certaines mesures de protection vis-à-vis de la fièvre aphteuse, modifié par l'arrêté interministériel du 26 septembre 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Albert Lequien, président-assesseur et

M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller :

- le rapport de M. Albert Lequien, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'épidémie de fièvre aphteuse qui s'est déclarée en Grande-Bretagne le 20 février 2001, l'abattage de tous les ovins introduits en France après le 31 janvier 2001 et provenant du Royaume-Uni a été ordonné ; que, dans ce cadre, 336 ovins appartenant à M. X ont été abattus et détruits le 30 mars 2001 ; que, par courrier en date du 16 janvier 2002, la direction départementale des services vétérinaires du

Pas-de-Calais a refusé d'indemniser M. X de l'abattage de son troupeau d'ovins en raison du non-respect des mesures réglementaires constaté dans cette exploitation et en application des dispositions de l'article 8 de l'arrêté interministériel du 7 mars 2001 ; que M. X relève appel du jugement du 31 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 16 janvier 2002 du directeur départemental des services vétérinaires du Pas-de-Calais, ensemble la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l'agriculture à son recours hiérarchique présenté le 13 mars 2002, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi en raison de l'abattage de son troupeau d'ovins ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre ;

Sur le droit à indemnisation de M. X :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de l'arrêté du 7 mars 2001 susvisé : « L'Etat indemnise les propriétaires des animaux euthanasiés et détruits conformément aux prescriptions de l'article 2, sous réserve du respect de l'ensemble des mesures réglementaires en vigueur (...) » ;

Considérant, en premier lieu, que le requérant ne peut utilement exciper de ce que ledit arrêté, en tant qu'il subordonne l'indemnisation du propriétaire d'animaux euthanasiés au respect, par ce dernier, de l'ensemble des mesures réglementaires en vigueur, méconnaîtrait l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme, à laquelle renvoie le préambule de la Constitution, dès lors que ledit arrêté se borne, sur ce point, à reproduire les dispositions de l'article L. 221-2 du code rural prévoyant une indemnisation des propriétaires dont les animaux ont été abattus sur l'ordre de l'administration avec la précision que « toute infraction aux dispositions du présent titre et au règlement pris pour son application peut entraîner la perte de l'indemnité » ;

Considérant, en second lieu, que si le requérant soutient qu'en vertu des dispositions de l'article 1 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la réserve de respect de la réglementation susénoncée a pour effet de porter à son droit au respect de ses biens une atteinte hors de proportion avec les fins poursuivies, il résulte de l'instruction qu'en vue de réaliser les objectifs poursuivis par la loi, à savoir la confiance des consommateurs dans la qualité de la viande ovine et des produits à base de cette viande, la préservation d'un niveau élevé de santé publique, tant humaine qu'animale et le renforcement et la stabilité durable du marché de la viande ovine, il est indispensable que le système de lutte contre les maladies des animaux institués par le titre II à l'article L. 221-2 du code rural et ses textes d'application soit entièrement fiable, ce qui suppose que les propriétaires l'appliquent rigoureusement et soient sanctionnés en cas de défaillance ; que, dans ces conditions, l'inéligibilité à l'indemnité d'abattage des ovins du propriétaire, coupable d'infractions à la réglementation sur la lutte contre les maladies des animaux, ne méconnait pas le principe de proportionnalité et donc les dispositions précitées de l'article 1 du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il est constant que M. X a méconnu, pendant plusieurs années, les dispositions de l'arrêté du 30 octobre 1998 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la brucellose ovine et caprine, qui entre dans le champ d'application du titre II du code rural ; que, quand bien même, la décision querellée du directeur des services vétérinaires mentionnerait des infractions à d'autres dispositions du code rural, voire du code pénal, la seule infraction aux règles de prophylaxie, perpétuée par M. X depuis 1997, était de nature à conduire le directeur des services vétérinaires à prendre la décision attaquée refusant de l'indemniser pour ses animaux euthanasiés ;

Sur les demandes de réparation :

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, M. X ne pouvait prétendre à l'indemnisation pour l'abattage de ses animaux par application de l'article 8 de l'arrêté du 7 mars 2001 ; qu'ainsi, en lui refusant cette indemnisation, l'Etat n'a pas commis d'illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant que si M. X doit être regardé comme invoquant la responsabilité sans faute de l'Etat en se fondant sur le préjudice anormal et spécial qu'il estime avoir subi, les dispositions précitées, qui organisent un régime spécial d'indemnisation des propriétaires d'animaux abattus sur ordre de l'administration et qui mettent à la charge de l'Etat le versement des indemnités prévues, font obstacle à l'introduction à l'encontre de la puissance publique d'une action en réparation desdits dommages sur le fondement de la responsabilité sans faute ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui n'est entaché d'aucune irrégularité, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. X ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Léonard Antonio X et au ministre de l'agriculture et de la pêche.

Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.

N°07DA00471 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA00471
Date de la décision : 11/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Estève
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : ARNOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-12-11;07da00471 ?
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