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22/12/2008 | FRANCE | N°08DA00239

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 22 décembre 2008, 08DA00239


Vu la requête, enregistrée le 8 février 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU NORD, qui demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0706866, en date du 21 janvier 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lille a, à la demande de Mme Kheira Y, annulé sa décision du 24 septembre 2007 refusant de lui délivrer un certificat de résidence temporaire, lui notifiant une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle serait reconduite, a ordonné qu'un certificat de résidence tempor

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Vu la requête, enregistrée le 8 février 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU NORD, qui demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0706866, en date du 21 janvier 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lille a, à la demande de Mme Kheira Y, annulé sa décision du 24 septembre 2007 refusant de lui délivrer un certificat de résidence temporaire, lui notifiant une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle serait reconduite, a ordonné qu'un certificat de résidence temporaire soit délivré à Mme Y dans le délai d'un mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 150 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler ledit jugement et de confirmer la légalité de la décision du 24 septembre 2007 ;

Il soutient que Mme Y n'avait pas droit à la délivrance d'un certificat de résidence d'un an en l'absence de production d'un visa de long séjour prévu par l'article 9 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; qu'elle aurait dû, en outre, procéder à la régularisation de sa situation dans les deux mois à compter de sa date d'entrée sur le territoire national ; qu'il n'a pas été porté au droit au respect à la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée dès lors que son mari et sa fille résident en Algérie, qu'elle n'a jamais fait état des différends existant avec son époux, que son isolement dans son pays d'origine n'est pas établi et que rien ne permet d'établir qu'elle a noué en France des liens personnels et familiaux d'une intensité supérieure à ceux dont elle dispose en Algérie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure, adressée à Mme Y, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative et l'avis de réception postal de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en réponse, enregistré le 18 juillet 2008, présenté pour Mme Kheira Y épouse , demeurant ..., par Me Ferraiuolo, avocat ; Mme Y demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir qu'elle est séparée de son mari avec lequel elle a été contrainte de se marier ; qu'elle n'a plus revu sa fille depuis 13 ans ; qu'elle est donc totalement isolée en Algérie ; qu'elle a retrouvé en France ses demi-frères et soeurs ainsi que sa belle-mère qu'elle n'avait pas pu suivre lorsqu'ils ont quitté précipitamment l'Algérie avec son père en 1962 ; que l'arrêté préfectoral du 24 septembre 2007 a été édicté par une autorité incompétente pour lui refuser un titre de séjour et pour l'obliger à quitter le territoire français ; que ni le refus de titre de séjour, ni l'obligation de quitter le territoire français ne sont suffisamment motivés ; que la commission du titre de séjour devait être consultée ; que la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du

12 avril 2000 n'a pas été respectée préalablement à l'adoption de l'obligation de quitter le territoire français ; qu'il a été commis une erreur de fait en considérant qu'elle n'était pas isolée en Algérie ; que l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus ; qu'il a été commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle de la décision lui refusant le droit au séjour ; que l'obligation de quitter le territoire français ne saurait se fonder sur le rejet illégal de sa demande de certificat de résidence ; qu'en outre, cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; qu'enfin, elle serait exposée en cas de renvoi dans son pays d'origine à des traitements inhumains et dégradants ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, modifiée, notamment son article 24 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2008 à laquelle siégeaient M. Gérard Gayet, président de chambre, Mme Marie-Christine Mehl-Schouder,

président-assesseur et M. Xavier Larue, conseiller :

- le rapport de M. Xavier Larue, conseiller ;

- et les conclusions de M. Alain de Pontonx, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le PREFET DU NORD relève appel du jugement n° 0706866, en date du

21 janvier 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lille a, à la demande de Mme Y, annulé sa décision du 24 septembre 2007 refusant de lui délivrer un certificat de résidence temporaire, lui notifiant une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle serait reconduite, a ordonné qu'un certificat de résidence temporaire soit délivré à Mme Y dans le délai d'un mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 150 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que Mme Y, de nationalité algérienne, est entrée régulièrement en France le 7 mars 2004 ; que le PREFET DU NORD a refusé de lui délivrer le certificat de résidence d'un an fondé sur les dispositions de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968 qu'elle a demandé le 3 avril 2006 ; qu'il est constant, qu'à la date de la décision attaquée, Mme Y, âgée alors de 64 ans, ne résidait sur le territoire national, où elle s'est maintenue irrégulièrement pendant plus de deux ans, que depuis trois ans et demi ; que si Mme Y allègue qu'elle a été contrainte de demeurer en Algérie lors du départ précipité de son père qui a servi les forces françaises en 1962, elle ne l'établit pas ; qu'en outre, cette affirmation est démentie par la résidence continue de l'intéressée dans son pays d'origine pendant plus de quarante ans ; que si la requérante fait valoir que sa grand-mère l'a contrainte à se marier en 1965, qu'elle est séparée depuis lors de son époux, et qu'elle n'a plus de contact, depuis treize ans, avec sa fille, âgée de 42 ans et résidant en Algérie, elle ne l'établit pas par la seule production du témoignage de l'une de ses demi-soeurs ; qu'il suit de là que si Mme Y allègue qu'elle est isolée en Algérie, elle ne l'établit pas alors qu'il ressort des pièces du dossier que son mari et sa fille résident tous deux dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, et nonobstant la présence des demi-frères, demi-soeurs et de la belle-mère de Mme Y en France et des liens qu'ils ont commencé à « renouer », la décision de refus de séjour du PREFET DU NORD n'a pas porté au droit de Mme Y au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a annulé, pour ce motif, la décision du 24 septembre 2007 en litige ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par Mme Y en première instance et en appel ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, secrétaire général adjoint de la préfecture du Nord qui a signé la décision attaquée, a reçu délégation de signature à effet de signer « tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents de la direction de la réglementation et des libertés publiques (...) » ; que cette délégation a été régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord le 28 août 2006 ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté du 24 septembre 2007 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui fondent ces décisions ; que, par suite, les décisions attaquées sont suffisamment motivées ;

Considérant, en troisième lieu, que l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : « La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions de l'accord franco-algérien équivalentes à celles des articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12, auxquels il envisage de refuser le certificat de résidence sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

Considérant, en quatrième lieu, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, quel que soit le type de décision dont cette obligation de quitter le territoire français découle ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, l'isolement de Mme Y en Algérie n'est pas établi ; qu'il suit de là que l'erreur de fait alléguée doit être écartée ; qu'en outre, la requérante ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle ainsi que les règles concernant la nature et la durée de la validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés ;

Considérant, en sixième lieu, que l'article 6-5 de l'accord franco-algérien susvisé du

27 décembre 1968 stipule que : « (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) » ; que, pour les mêmes motifs que ceux indiqués précédemment, il n'est établi ni que le PREFET DU NORD a méconnu les stipulations précitées de l'accord franco-algérien ou celles précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il a entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme Y ;

Considérant, en dernier lieu, que Mme Y se borne à alléguer qu'elle serait exposée à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le PREFET DU NORD aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 24 septembre 2007 ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à Mme Y d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0706866 du 21 janvier 2008 du Tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme Y devant le Tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme Y tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à Mme Kheira Y épouse .

Copie sera transmise au PREFET DU NORD.

N°08DA00239 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 08DA00239
Date de la décision : 22/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Gayet
Rapporteur ?: M. Xavier Larue
Rapporteur public ?: M. de Pontonx
Avocat(s) : FERRAIUOLO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-12-22;08da00239 ?
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