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22/12/2008 | FRANCE | N°08DA00517

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 22 décembre 2008, 08DA00517


Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2008, au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Bernard X, demeurant ..., présentée par Me Wibaut ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700551 du 10 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1995, 1996, 2000, 2001 et 2002 ainsi que des pénalités y afférentes et au verseme

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Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2008, au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Bernard X, demeurant ..., présentée par Me Wibaut ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700551 du 10 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1995, 1996, 2000, 2001 et 2002 ainsi que des pénalités y afférentes et au versement de la somme d'un euro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme d'un euro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent qu'à la suite de la vente de l'immeuble leur appartenant le 29 août 2003, il a été procédé au versement entre les mains du Conseil du Crédit Mutuel, créancier poursuivant, de la somme de 88 789,02 euros ; qu'il y aura lieu de déduire cette somme des revenus de l'année 2003 ce qui a pour conséquence d'annuler les redressements envisagés au titre de cette même année ainsi que l'imposition initiale mise en recouvrement ; que M. X sollicite en conséquence l'abandon de la procédure mise en oeuvre par l'administration fiscale qui vise à imposer des sommes dont ils ont eu la libre disposition mais qui ne sont jamais entrées dans leur patrimoine, dès lors qu'est née concomitamment à leur appréhension une obligation de restitution à l'égard des victimes de ces détournements ; que cette obligation de restitution est immédiate et résulte du caractère frauduleux de l'appréhension ; qu'elle est non seulement morale mais juridique ; qu'elle excède très largement la prescription pénale ; que le fait générateur de la créance de la victime ne résulte en aucune façon de l'existence du titre exécutoire qui pourra être obtenu à l'issue de la procédure pénale ; que le titre exécutoire obtenu à l'issue d'une procédure judiciaire ne vient que constater l'existence de la créance qui est préexistante ; qu'il permet au créancier de poursuivre par toute voie de droit son recouvrement ; que l'article 92-1 du code général des impôts doit s'interpréter de telle sorte qu'elle soit compatible avec l'ordre public ; que l'imposition litigieuse n'a pas de fondement légal et est incompatible avec les dispositions de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique tendant au rejet de la requête ; il soutient que le jugement rendu est régulier ; qu'au cours des auditions, les requérants ont reconnu avoir utilisé les fonds dans des jeux de hasard ; que les développements des requérants issus de considérations tirées du droit pénal ou civil sont indifférents à cet égard ; qu'il clair que les agissements délictueux leur ont permis de disposer de moyens de paiement pour satisfaire des besoins personnels ; que le caractère étendu de la période au cours de laquelle ont été commis les détournements de 1995 à 2003 est un élément de contexte ; que les modalités d'emploi des sommes établissent leur caractère de revenu au titre des années en litige ; que la circonstance que lesdites sommes auraient été remboursées après découverte des faits délictueux est indifférente à cet égard ; que les éléments de contexte du dossier corroborent cette analyse ; que le déficit généré en 2003 qui ne peut être considéré comme issu d'une activité non commerciale exercée à titre professionnel au sens de l'article 156-I-2° du code général des impôts, ne saurait s'imputer sur le revenu global ; que l'imposition initiale n'est, dès lors, pas affectée par le remboursement opéré ; que la demande de remboursement de frais irrépétibles ne peut être que rejetée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code pénal ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 décembre 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse, président-assesseur et Mme Elisabeth Rolin, premier conseiller :

- le rapport de Mme Elisabeth Rolin, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle de M. et Mme X au titre des années 2002 et 2003 et du contrôle sur pièces de leur dossier effectué, sous couvert des dispositions de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, au titre des années 1995 à 2002, l'administration fiscale leur a notifié des redressements dans la catégorie des bénéfices non commerciaux correspondant à des détournements de fonds au préjudice des clients du Crédit Mutuel dont M. X était salarié ; que, par le jugement susvisé dont M. et Mme X relèvent appel, le Tribunal administratif de Lille a confirmé le principe de l'imposition de ces sommes, regardées comme des détournements de fonds et rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1995, 1996, 2000, 2001 et 2002 ainsi que des pénalités y afférentes ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : «L'impôt sur le revenu est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année » ; et qu'aux termes de l'article 92 du même code : « Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) » ; qu'en application de ces dispositions, des détournements de fonds, qui constituent pour leur auteur une source de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de revenus, sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

Considérant, en premier lieu, que, par un jugement rendu le 28 octobre 2005, le Tribunal de grande instance de Lille, statuant en matière correctionnelle, a condamné M. X pour détournements constituant l'infraction prévue et réprimée aux articles 314-1 et 314-10 du code pénal relatifs à l'abus de confiance ; que la circonstance que M. X ait dû vendre en conséquence l'immeuble constituant son habitation principale courant 2003 pour dédommager les victimes n'était pas de nature à faire obstacle à ce que l'administration fiscale impose les sommes effectivement détournées ;

Considérant, en second lieu, qu'en raison du caractère annuel de l'impôt sur le revenu, les requérants ne peuvent utilement faire état des remboursements qu'ils ont effectués en 2003 postérieurement aux années demeurant en litige pour contester les impositions émises au titre des années vérifiées ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes » ; qu'il résulte toutefois des termes de cet article que le droit au respect de ses biens reconnu à toute personne physique ou morale ne porte pas atteinte au droit des Etats de mettre en oeuvre les lois qu'ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts ; que compte tenu de l'objectif et de la portée des articles 12 et 92 du code général des impôts, dans les circonstances de l'espèce, l'application de ces articles n'a pas porté une atteinte au respect des biens de M. et Mme X au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1995, 1996, 2000, 2001 et 2002 ainsi que des pénalités y afférentes ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme d'un euro que M. et Mme X demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Bernard X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

2

N°08DA00517


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA00517
Date de la décision : 22/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: Mme Elisabeth Rolin
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SCP AVOCATS DU NOUVEAU SIECLE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-12-22;08da00517 ?
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