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06/01/2009 | FRANCE | N°08DA00302

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 06 janvier 2009, 08DA00302


Vu la requête enregistrée par télécopie le 18 février 2008 et régularisée par la production de l'original le 20 février 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS, dont le siège est 57 avenue Winston Churchill à Arras Cedex (62022), par Me Le Prado ; le CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0503062 du 23 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser la somme de 265 830 euros à Mme Y en réparation du préjudice résultant du décès de son époux ;r>
Il soutient que si les premiers juges ont écarté la responsabilité du ...

Vu la requête enregistrée par télécopie le 18 février 2008 et régularisée par la production de l'original le 20 février 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS, dont le siège est 57 avenue Winston Churchill à Arras Cedex (62022), par Me Le Prado ; le CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0503062 du 23 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser la somme de 265 830 euros à Mme Y en réparation du préjudice résultant du décès de son époux ;

Il soutient que si les premiers juges ont écarté la responsabilité du centre hospitalier du fait de l'intervention du SAMU et des soins prodigués lors de ses hospitalisations successives, ils ont estimé qu'il aurait dû lui être proposé la mise en place d'un défibrillateur implantable et qu'en omettant de le faire, l'hôpital avait privé M. Y d'une chance de se rétablir ; que ce jugement est insuffisamment motivé ; que M. Y souffrait d'une maladie rare, la dysplasie arythmogène ventriculaire droite, pour laquelle il n'existe aucune recommandation clairement définie, ni d'indication prophylactique ; que, subsidiairement, la faute retenue à l'encontre du centre hospitalier n'est pas à l'origine de l'entier préjudice et qu'il ne pouvait donc pas être condamné à l'entière réparation ;

Vu le jugement attaqué;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2008, présenté pour Mme Astrid Y, demeurant ..., par la SCP Lefranc, Bavencoffe, Meillier, qui conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que la condamnation du CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS soit portée à la somme de 267 729,79 euros, et à ce que soit mise à la charge de ce dernier, la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir que la requête est tardive ; que l'implantation d'un défibrillateur aurait ranimé son époux et aurait régulé l'épisode de tachycardie dont il a été victime ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 4 avril 2008 et régularisé par la production de l'original le 7 avril 2008, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS, qui persiste dans ses conclusions en faisant valoir que, lors de son hospitalisation en avril 2003, le patient ne présentait pas les symptômes de l'affection pour laquelle il avait déjà été hospitalisé plusieurs fois à Arras, opéré à Lille en juin-juillet 2002 et n'avait plus, depuis, subi de crise de tachycardie ; qu'il venait de passer six jours à l'hôpital avec une surveillance cardiaque 24 heures sur 24 qui n'avait révélé aucun trouble caractéristique de la tachycardie ventriculaire et avait demandé avec insistance à rentrer chez lui pour Pâques ; que rien n'indiquait une aggravation de sa maladie ; que les praticiens de l'hôpital connaissaient parfaitement l'histoire médicale de l'intéressé ; que le reproche, formulé par l'expert, de manque d' « agressivité » dans la confirmation du diagnostic n'est assorti d'aucune précision sur les examens qu'il aurait, selon lui, fallu pratiquer ; que l'expert n'a émis aucun avis sur les enseignements qu'aurait pu apporter l'examen que le patient a refusé, la stimulation ventriculaire programmée ; que, compte tenu du suivi intensif et des examens subis durant le séjour à l'hôpital, le tribunal ne pouvait, sur la base du rapport d'expertise, retenir une faute fondée sur une recherche diagnostic insuffisante ou inadaptée ; que l'expert n'a donné aucun élément établissant que la pose d'un défibrillateur était la thérapeutique quasi imposée dans le cas de M. Y ; que l'expert n'a pas tenu compte des médecins du service de cardiologie de Lille, qui est un service de pointe, et qui n'ont jamais évoqué la pose d'un défibrillateur ; que les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en estimant que le fait de ne pas avoir proposé un défibrillateur constituait une faute médicale et, à titre subsidiaire, qu'ils ont à tort condamné l'établissement à la réparation de l'entier préjudice alors que l'absence de cette intervention a, selon le jugement lui-même, seulement compromis une chance de rétablissement ; que rien n'indique que le malade aurait accepté la proposition et, qu'en tout état de cause, sa mise en oeuvre aurait demandé un certain délai car, surtout à l'époque, elle imposait le recours à un praticien spécialisé qui n'aurait pu trouver place avant la crise fatale ; qu'enfin, la présence du défibrillateur n'aurait pas permis d'éviter l'évolution de l'état du patient car à l'arrivée des secours, il avait une crise de tachycardie mais n'était pas en fibrillation, celle-ci étant apparu plus tard et n'ayant pu être stoppée par le défibrillateur des secours qui ont pourtant délivré vingt-cinq chocs électriques restés sans effet ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 juillet 2008, présenté pour Mme Y qui conclut au rejet de la requête en faisant valoir que son mari n'a pas demandé à revenir à son domicile pour Pâques ; que le Samu est arrivé avec retard et a produit ensuite des fiches horaires raturées ; que les secours ont à tort considéré que le patient faisait une crise d'épilepsie et engagé un traitement inadapté sans écouter ses explications sur l'état de santé de son époux ; que son époux était conscient à l'arrivée des secours qui avaient donc le temps de prendre les mesures appropriées ; que l'erreur de diagnostic est incontestable ; que les praticiens du centre hospitalier ont également commis une erreur de diagnostic et n'ont pas pris les mesures de recherche et de soins conformes aux règles de l'art et aux données de la science de l'époque et ont à tort autorisé la sortie le 17 avril ; que, malgré l'ablation du foyer d'arythmie effectuée en juillet 2002, la maladie étant évolutive, il devait être envisagé que l'origine des troubles était la même ; que le centre hospitalier ne démontre pas, par les pièces qu'il produit, que la pose d'un défibrillateur ne s'imposait pas ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 septembre 2008, présenté par la Caisse nationale militaire de sécurité sociale qui précise qu'elle n'entend formuler aucune demande ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 2 décembre 2008 et régularisé par la production de l'original le 3 décembre 2008, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS, qui persiste dans ses conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 décembre 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse, président-assesseur et Mme Elisabeth Rolin, premier conseiller :

- le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur ;

- les observations de Me Thuilliez, pour Mme Y ;

- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS fait appel du jugement du 23 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser la somme de 265 830 euros à Mme Y en réparation du préjudice résultant du décès de son époux ; que Mme Y présente des conclusions incidentes tendant à ce que cette indemnité soit portée à la somme de 267 729,79 euros ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée par Mme Y :

Considérant qu'en application de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : « Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4 » ; qu'en application de l'article R. 751-3 du même code : « Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, conformément aux dispositions précitées, la copie du jugement attaqué a été notifiée aux deux parties le même jour, accompagnée d'une lettre en date du 19 décembre 2007 ; que si l'accusé de réception de l'envoi adressé au centre hospitalier porte le cachet du vaguemestre mais aucune date, le cachet attestant du renvoi de l'accusé de réception au tribunal porte la date du 24 décembre ; que le centre hospitalier doit donc être réputé avoir reçu notification du jugement au plus tôt le 20 décembre et au plus tard le 24 décembre ; que sa requête a été enregistrée par télécopie le 18 février 2008 et confirmée le 20 par la production de l'original ; que, par suite, Mme Y n'est pas fondée à soutenir que la requête serait tardive ;

Sur la responsabilité :

Considérant que M. Y, qui souffrait depuis 1996 de problèmes cardiaques qui l'ont conduit à faire plusieurs séjours au CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS où il a subi divers examens et traitements, et au Centre hospitalier régional universitaire de Lille, où il a été opéré au début de l'été 2002 pour une ablation par radio-fréquence d'une zone cardiaque arythmogène, a été de nouveau hospitalisé, en urgence, au CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS le 12 avril 2003 à la suite d'une crise de tachycardie ayant conduit à une perte de connaissance ; qu'il y est resté pendant six jours pour la réalisation d'examens ; que l'intéressé est rentré chez lui le 17 avril au soir ; que vers minuit, dans la nuit du 17 ou 18 avril 2003, il a eu une nouvelle crise de tachycardie et a été victime d'un malaise se traduisant par une perte de connaissance et un arrêt cardiaque ; qu'il est décédé à son domicile après que les services d'urgence eurent, en vain, essayé de le réanimer ;

Considérant que, pour demander en première instance la condamnation du CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS à réparer les conséquences dommageables du décès de son époux, Mme Y a tout d'abord invoqué le retard avec lequel les services d'urgence se sont rendus sur place et le caractère inadapté des soins qu'ils ont apportés au patient en raison du diagnostic erroné de crise d'épilepsie, puis a mis en cause la qualité des soins prodigués à son mari lors de son hospitalisation au cours de la semaine du 12 au 17 avril 2003 en indiquant notamment que la pathologie spécifique dont était atteint son mari aurait dû conduire les praticiens à envisager la pose d'un défibrillateur implantable ; que, par son jugement en date du 23 novembre 2007, le Tribunal administratif de Lille a écarté les fautes alléguées à l'encontre des services de secours mais a néanmoins condamné le CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS à verser à Mme Y l'indemnité susmentionnée de 265 830 euros en s'appuyant sur le rapport de l'expert, le docteur Z, médecin urgentiste, désigné par ordonnance de référé du président du Tribunal administratif de Lille ; que ce dernier a en effet relevé que la prise en charge cardiologique par le CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS entre le 12 et le 17 avril 2003 a minimisé la gravité de la maladie rythmique de M. Y et que la démarche médicale n'a pas été suffisamment « clinique », avec synthèse de l'histoire de la maladie du patient, laquelle synthèse aurait incité les cardiologues à plus d' « agressivité » dans la confirmation du diagnostic et aurait entraîné la proposition de mise en place d'un défibrillateur implantable que l'expert a qualifié de « seule solution admise à ce jour » ;

Considérant toutefois, et ainsi que le fait valoir le CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS, que si l'expert reproche au service de cardiologie d'avoir eu une démarche insuffisamment clinique et d'avoir manqué « d'agressivité dans la confirmation du diagnostic », il ne précise pas quelles investigations supplémentaires auraient dû être pratiquées avant de laisser sortir M. Y ; que, de même, s'il conclut que la pose d'un défibrillateur automatique implantable aurait dû, de manière certaine, être prescrite, il ne justifie aucunement cette affirmation alors qu'il résulte de l'instruction et notamment de documents produits par Mme Y elle-même, que le recours à un tel dispositif est limité à des cas précisément déterminés, après échec des autres thérapeutiques, eu égard aux inconvénients qu'il présente par ailleurs ; que l'état du dossier ne permet pas à la Cour de se prononcer en toute connaissance de cause sur la nécessité de l'implantation d'un défibrillateur ; qu'il ne permet pas davantage de se prononcer avec précision sur la validité des diagnostics et sur la qualité des soins apportés à M. Y dans la semaine du 12 au 17 avril 2003 jusqu'à l'autorisation de sortie sans traitement délivrée à la victime ; qu'en outre, pour le cas où les fautes retenues par les premiers juges à l'encontre de l'hôpital seraient confirmées, la Cour ne dispose d'aucun élément lui permettant d'apprécier l'étendue des chances de survie perdues par M. Y à raison desdites fautes ; qu'il y a lieu, en conséquence, avant dire droit sur l'appel du CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS, d'ordonner une expertise complémentaire aux fins précisées par le dispositif ci-après ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête du CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS, procédé à une nouvelle expertise par un médecin cardiologue spécialisé en rythmologie.

Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 3 : Il aura pour mission, après s'être fait communiquer l'entier dossier médical de M. Y et le rapport déposé par l'expert Z de :

- décrire les circonstances dans lesquelles M. Y a été hospitalisé du 12 au 17 avril 2003 au CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS et préciser si les soins et investigations dont il a fait l'objet étaient conformes à l'état de la science à l'époque des faits ;

- indiquer si sa sortie de l'hôpital le 17 avril en fin de journée comportait des risques, notamment en l'absence de réalisation d'un nouveau test d'effort et de prescription d'un nouveau traitement, et préciser lesquels et leur probabilité ;

- définir les possibilités thérapeutiques, médicales et chirurgicales, adaptées à l'état de M. Y et notamment si l'implantation d'un défibrillateur automatique implantable était envisageable et souhaitable et en cas de réponse positive, préciser dans quelles conditions de délai, l'intervention pouvait être réalisée et les risques qu'elle présentait ;

- réunir les éléments permettant au juge d'apprécier si et dans quelle mesure M. Y, compte tenu des soins qu'il a reçus du 12 au 17 avril, de sa sortie le 17 avril, et de l'absence de pose de défibrillateur, a été privé d'une chance d'éviter la survenue d'un malaise et le décès ;

- de manière générale, faire toutes constatations et formuler toutes observations utiles de nature à permettre à la Cour de se prononcer sur l'imputabilité et l'étendue du préjudice ;

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER D'ARRAS, à Mme Astrid Y et à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale.

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N°08DA00302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA00302
Date de la décision : 06/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: Mme Marianne Terrasse
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-01-06;08da00302 ?
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