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20/01/2009 | FRANCE | N°08DA00408

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 20 janvier 2009, 08DA00408


Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Khvicha X, demeurant ..., par Me Thiéffry ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704795 du 9 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juin 2007 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination, et à ce qu'il soit enjoint audit préfet

de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 100 eur...

Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Khvicha X, demeurant ..., par Me Thiéffry ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704795 du 9 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juin 2007 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination, et à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 10ème jour suivant la notification du jugement ;

2°) d'annuler ledit arrêté du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son avocat la somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que les décisions refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire sont contraires à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit en concubinage depuis janvier 2006 avec une compatriote qui bénéficie du statut de réfugiée politique et avec laquelle il s'est marié le

1er septembre 2007 ; que son épouse est enceinte ; qu'il ne peut pas reconstruire sa vie familiale dans un autre pays que la France ; que son épouse ne dispose pas de revenus suffisants pour le faire bénéficier du regroupement familial ; que s'il a gardé des attaches dans son pays d'origine, celles-ci sont désormais de moindre importance que les attaches qu'il a créées en France ; que, pour les mêmes motifs, ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée au regard des exigences posées par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ; que

l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est visé que dans la lettre de notification et non dans l'arrêté litigieux ; que la décision de refus de séjour étant illégale, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination sont, par suite, privées de base légale ; que la décision attaquée ne fixe pas de pays de destination et est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il risque de subir des persécutions en cas de retour en Géorgie ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la décision du 11 février 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2008, présenté par le préfet du Nord, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requête d'appel est irrecevable pour cause de tardiveté ; que l'arrêté n'est pas entaché d'incompétence dès lors que le signataire de l'acte a reçu délégation à cette fin ; que la décision litigieuse n'est ni contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français répond aux exigences de motivation prévues par la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ; que la lettre de notification de l'arrêté vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision de refus de séjour étant légale, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination seraient privées de base légale ; que la décision attaquée, qui fixe le pays de destination, n'est pas contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 août 2008, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que la fin de non-recevoir soulevée par le préfet n'est pas fondée dès lors que le jugement ne lui a pas été notifié et que seule une copie du jugement a été communiquée à son avocat ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2009 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse, président-assesseur et

M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que si M. X, de nationalité géorgienne, entré en France le 17 juillet 2001 à l'âge de 30 ans, soutient qu'il vit depuis janvier 2006 en concubinage avec une compatriote qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugiée politique, avec laquelle il s'est marié le 1er septembre 2007, et dont il attend un enfant, il ne produit aucun élément de nature à établir la durée d'une vie commune effective antérieurement à ce mariage célébré postérieurement à la décision attaquée ; que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Géorgie où vivent ses parents et son frère ; qu'ainsi, eu égard aux conditions de séjour en France de M. X, l'arrêté du 22 juin 2007 du préfet du Nord n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et n'a donc pas violé les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, M. X n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, d'une part, que l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, toutefois, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus ou ce retrait est

lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant que si l'arrêté attaqué du 22 juin 2007 se borne à viser le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la lettre du même jour notifiant cette décision informe

M. X que « conformément aux dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile », ce dernier était dans l'obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ; qu'eu égard aux termes de cette lettre de notification et alors même qu'elle est distincte de l'arrêté attaqué, le préfet du Nord doit être regardé comme ayant ainsi communiqué le motif de droit qui fonde sa décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de motivation doit être écarté ;

Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la décision portant refus de séjour n'est pas illégale ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ;

Considérant, enfin, que pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, la décision litigieuse n'est ni contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant la Géorgie comme pays de destination :

Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la décision portant refus de séjour n'est pas illégale ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant la Géorgie comme pays de destination serait privée de base légale ;

Considérant, d'autre part, que l'article 3 de l'arrêté du 22 juin 2007 mentionne notamment que M. X pourra être reconduit d'office à la frontière à destination du pays dont il a la nationalité ; que le requérant ne conteste pas être de nationalité géorgienne ; qu'ainsi, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le dispositif de l'arrêté litigieux ne fixe pas de pays de destination ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que M. X soutient qu'il a fui son pays en raison des persécutions subies et encourt des risques de traitements dégradants en cas de retour en Géorgie ; qu'il n'apporte, toutefois, aucun élément de nature à établir la réalité et l'importance des risques qu'il serait susceptible d'encourir personnellement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant la Géorgie comme pays de destination serait contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le préfet du Nord, que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction assorties d'astreinte et tendant à la condamnation de l'Etat à verser à son avocat une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Khvicha X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

N°08DA00408 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: Mme Marianne (AC) Terrasse
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : AVOCATS DU 37

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 20/01/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08DA00408
Numéro NOR : CETATEXT000020418680 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-01-20;08da00408 ?
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