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03/02/2009 | FRANCE | N°08DA01111

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 03 février 2009, 08DA01111


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 16 juillet 2008 par la réception de l'original, présentée pour Mme Jeannette épouse , demeurant ..., par Me Hammouche ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602767 du 6 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2006 du préfet du

Pas-de-Calais refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler ledit arrêté du préfet

du Pas-de-Calais ;

3°) d'enjoindre audit préfet, sous astreinte, de lui délivrer la cart...

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 16 juillet 2008 par la réception de l'original, présentée pour Mme Jeannette épouse , demeurant ..., par Me Hammouche ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602767 du 6 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2006 du préfet du

Pas-de-Calais refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler ledit arrêté du préfet du Pas-de-Calais ;

3°) d'enjoindre audit préfet, sous astreinte, de lui délivrer la carte de séjour sollicitée dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, en application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'à la date de sa demande de titre de séjour, son fils était encore mineur ; que le refus de séjour est insuffisamment motivé ; que cette situation conduit à une rupture d'égalité devant la loi selon le délai de traitement des demandes de titre de séjour par l'administration ; que le préfet aurait dû consulter la commission du titre de séjour ; qu'elle a une situation stable en France où elle a refait sa vie ; qu'elle est mariée et souhaite travailler ; qu'elle a tissé des liens amicaux et familiaux ; que son fils, qui est français, souhaite qu'elle reste en France ; qu'ainsi, le refus de séjour porte à son droit de mener une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; que l'arrêté est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle encourt des risques de persécutions en cas de retour au Cameroun ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 23 juin 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai admettant Mme au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 11 août 2008 par télécopie et confirmé le

12 août 2008, présenté pour M. Jean-Claude , demeurant ..., par Me Hammouche : M. conclut aux mêmes fins que la requête de Mme , par les mêmes moyens ; il conclut, en outre, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2008, présenté par le préfet du

Pas-de-Calais, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que sa décision est suffisamment motivée tant en fait qu'en droit ; qu'il ne devait pas saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme ne remplissait pas les conditions posées par l'article L. 313-11-6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la légalité d'un acte s'apprécie au jour où il a été pris ; que l'arrêté litigieux n'est pas contraire à l'article L. 313-11-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le mariage de Mme avec un ressortissant français est postérieur à cette décision ; que la décision n'est pas contraire à l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle respecte les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la lettre du 30 décembre 2008 du président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai informant les parties que l'arrêt à venir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 janvier 2009 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse, président-assesseur et Mme Elisabeth Rolin, premier conseiller :

- le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme , ressortissante camerounaise, entrée en France le 19 septembre 2003, a sollicité le bénéfice d'une carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » sur le fondement de l'article L. 313-11-6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par l'arrêté du 10 février 2006, le préfet du Pas-de-Calais a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois ; que

Mme relève appel du jugement du 6 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur l'intervention de M. :

Considérant que M. Jean-Claude , en sa qualité d'époux de la requérante, a intérêt à l'annulation de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, son intervention au soutien des conclusions d'appel de Mme est recevable ;

Sur la légalité externe de l'arrêté du 10 février 2006 :

Considérant que Mme soutient que l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé et a été édicté sans que la commission du titre de séjour ait été saisie par le préfet du Pas-de-Calais ; que, toutefois, ces moyens, qui sont soulevés pour la première fois en appel, reposent sur une cause juridique distincte des moyens développés en première instance ; qu'ils sont, dès lors, irrecevables ;

Sur la légalité interne de l'arrêté du 10 février 2006

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée en France ait été régulière, que la communauté de vie n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (...) » ;

Considérant que la légalité d'un acte s'apprécie à la date à laquelle il a été pris ; que

Mme , qui soutient que l'arrêté du 10 février 2006 du préfet du Pas-de-Calais est contraire aux dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a épousé M. , ressortissant de nationalité française, le 27 mai 2006, soit après la date de l'arrêté litigieux ; qu'à la date de cet arrêté, le fils de nationalité française de la requérante, né le 27 novembre 1987, était majeur ; que Mme n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que cet arrêté serait contraire aux dispositions précitées du 4° et du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) » ;

Considérant que Mme soutient que l'arrêté attaqué porte atteinte à sa vie privée et familiale dès lors qu'elle a refait sa vie en France où elle a tissé des liens amicaux et retrouvé des membres de sa famille ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'intéressée n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Cameroun où résident notamment sa mère et plusieurs de ses frères et soeurs ; que si, à la date de l'arrêté attaqué, Mme vivait déjà en concubinage avec son futur mari, elle n'établit pas l'ancienneté de cette relation ; qu'ainsi, compte tenu des conditions et de la durée du séjour de l'intéressée en France, l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 10 février 2006 n'a pas porté au droit de Mme au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que le préfet n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de l'arrêté du 10 février 2006 refusant de lui délivrer un titre de séjour dès lors que cette décision n'emporte pas par elle-même éloignement à destination du pays d'origine de la requérante ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant que les conclusions présentées par M. tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées, dès lors qu'il n'a pas la qualité de partie à l'instance ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de M. est admise.

Article 2 : La requête de Mme est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Jeannette épouse et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais et à M. Jean-Claude .

N°08DA01111 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA01111
Date de la décision : 03/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: Mme Marianne (AC) Terrasse
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : HAMMOUCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-02-03;08da01111 ?
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