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12/02/2009 | FRANCE | N°08DA01180

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 12 février 2009, 08DA01180


Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 4 août 2008 par courrier original, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0801917, en date du 2 juillet 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du

28 juin 2008 prononçant la reconduite à la frontière de M. Mohamed X et désignant l'Algérie comme pays de destination de cette m

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Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 4 août 2008 par courrier original, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0801917, en date du 2 juillet 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du

28 juin 2008 prononçant la reconduite à la frontière de M. Mohamed X et désignant l'Algérie comme pays de destination de cette mesure et a mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif de Rouen ;

Le préfet soutient :

- que le premier juge a estimé à tort que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué était insuffisamment motivé ; qu'en effet, ledit arrêté comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles se fonde la mesure de reconduite à la frontière prise à l'égard de M. X ; que la circonstance que ledit arrêté aurait été rédigé au moyen d'un modèle informatisé s'avère sans incidence à cet égard ;

- que le premier juge a, en outre, accueilli à tort le moyen tiré de ce que ledit arrêté était entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ; qu'en effet, la situation personnelle de l'intéressé a suffisamment été examinée et prise en compte ; qu'à cet égard, M. X est célibataire, sans enfant, et n'apporte pas la preuve de sa présence en France depuis l'année 2004 ; que l'intéressé n'est, en outre, pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident sa mère et deux de ses soeurs avec lesquelles il n'établit pas n'avoir plus de relations ; que, dans ces conditions, les seuls liens qui unissent M. X à son père, à l'une de ses soeurs, à ses oncles et tantes et à ses cousins, qui résident régulièrement en France, ne sauraient suffire à permettre d'établir que l'arrêté en litige comporterait des conséquences excessives sur la situation personnelle de l'intéressé ; que la circonstance qu'il maîtrise le français n'est pas davantage suffisante à établir sa bonne intégration, cette langue étant couramment parlée en Algérie ;

- que, pour les mêmes motifs, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a ainsi pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 8 août 2008 par laquelle le président délégué par le président de la Cour fixe la clôture de l'instruction au 30 septembre 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2008 par télécopie et confirmé par la réception de l'original le 22 décembre 2008, présenté pour M. Mohamed X, demeurant ..., par la SELARL Pasquier, Picchiottino, Alouani ; M. X conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : M. X soutient :

- que s'il n'est plus en mesure de l'établir, ayant égaré son passeport, l'exposant maintient fermement être entré régulièrement sur le territoire français ; qu'il appartient au préfet, afin d'infirmer ou de confirmer ses propos, de produire un extrait du fichier national des étrangers, lequel fichier comporte l'enregistrement de l'ensemble des visas délivrés ;

- que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige a été annulé à juste titre pour insuffisance de motivation ; que cet acte n'est, en effet, pas motivé en droit dès lors qu'il ne mentionne pas le fondement juridique sur lequel la mesure d'éloignement a été prise ; qu'en outre, sa motivation en fait est stéréotypée et ne mentionne, en particulier, pas en quoi ladite mesure ne porterait pas une atteinte disproportionnée au droit de l'exposant au respect de sa vie familiale, alors qu'il dispose d'attaches familiales en France, où il est parfaitement intégré ;

- que le premier juge a également fondé à bon droit son jugement sur le motif tiré de l'erreur manifeste commise par le préfet dans l'appréciation des conséquences que la mesure de reconduite à la frontière comporte sur la situation personnelle du concluant ; qu'en effet, celui-ci est présent sur le territoire français, où il est entré régulièrement, depuis l'âge de 14 ans ; qu'il vit chez son père avec lequel il entretient des liens étroits ; qu'il est également très proche de l'une de ses soeurs, qui est résidente régulière en France ; qu'il n'a, en revanche, plus de relation effective avec sa mère depuis le divorce de ses parents ; qu'il est bien intégré en France, où il est devenu adulte, où sa personnalité s'est développée et dont il a adopté la culture ; qu'il maîtrise très correctement la langue française ; qu'il est entouré, en outre, par des oncles et tantes et par des cousins, tous de nationalité française ; qu'il a noué de nombreuses relations amicales avec des ressortissants français ou des résidents réguliers ; qu'il justifie, enfin, d'une réelle garantie d'insertion professionnelle, ayant obtenu une promesse d'embauche, ce qui lui permettra, en outre, de s'assumer financièrement ;

- que, pour les mêmes motifs, cet arrêté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien, modifié, et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance du 22 décembre 2008 prononçant la réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir présenté son rapport au cours de l'audience publique du 26 janvier 2009 et entendu les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour annuler, par le jugement attaqué en date du 2 juillet 2008, l'arrêté du

28 juin 2008 par lequel le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a prononcé la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant algérien, né le 14 avril 1987, et qui serait entré en France, selon ses déclarations, au cours de l'année 2003, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé que, d'une part, ledit arrêté, qui ne comportait aucune précision quant à la vie privée et familiale de l'intéressé mais ne reprenait sur ce point qu'une formule stéréotypée, était insuffisamment motivé et que, d'autre part, compte tenu notamment de la durée du séjour de M. X, de sa bonne intégration et de la présence régulière en France de son père, de sa soeur et de nombreux autres membres de sa famille, ledit arrêté était entaché, alors même que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa situation personnelle ;

Considérant, toutefois, d'une part, que si l'obligation de motiver les mesures portant reconduite à la frontière d'un étranger, qui résulte notamment du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, implique que ces décisions comportent l'énoncé des éléments de droit et de fait qui fondent la mise en oeuvre de la procédure d'éloignement, l'autorité administrative n'est pas tenue de préciser en quoi la situation particulière de l'intéressé ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de cette procédure ; qu'il ressort, en l'espèce, ainsi que le fait observer le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, qui forme appel dudit jugement, de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué que ceux-ci mentionnent notamment, sous le visa de l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. X n'a pu justifier être entré régulièrement sur le territoire national et ne peut se prévaloir de la possession d'un titre de séjour régulièrement délivré ; que ces motifs comportent ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la mesure de reconduite à la frontière prise par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME à l'égard de M. X ; qu'eu égard à ce qui précède, et alors même que lesdits motifs ne comportent pas de précision quant aux éléments de fait caractérisant la vie privée et familiale de l'intéressé et que certaines mentions sont rédigées à l'aide de formules stéréotypées, l'arrêté attaqué répond aux exigences de motivation posées tant par les dispositions susmentionnées de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que par celles des articles 1er et 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979, modifiée ; que, d'autre part, si M. X a fait état de la présence en France de son père, qui s'y est installé en 1997, ainsi que de l'une de ses soeurs, d'oncles et tantes et de cousins, il est constant, ainsi que le relève le préfet, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident sa mère et ses deux autres soeurs ; que M. X n'a apporté aucun élément au soutien de ses allégations selon lesquelles il n'aurait plus aucune relation avec ces dernières depuis le divorce, prononcé le 7 février 1999, de ses parents, ni aucun commencement d'explication des raisons justifiant son arrivée en France en 2003, à l'âge de 17 ans, après avoir vécu séparé de son père et de sa soeur durant six ans ; que, dans ces conditions, malgré la durée de son séjour et alors que ni sa maîtrise de la langue française, ni la promesse d'embauche dont il a bénéficié, ni même les attestations de proches, au demeurant rédigées dans des termes convenus, qu'il verse au dossier ne sont suffisantes à elles seules à justifier de la bonne intégration de M. X à la société française, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ; que, dès lors, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen s'est fondé à tort sur les motifs susénoncés pour annuler ledit arrêté ainsi que, par voie de conséquence de cette annulation, la désignation de l'Algérie comme pays de renvoi ;

Considérant qu'il appartient, toutefois, au président de la Cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par M. X tant devant le président du Tribunal administratif de Rouen que devant lui ;

Considérant, au préalable, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ; que M. X, qui, ainsi qu'il a été dit, a déclaré être arrivé en France au cours de l'année 2003, n'a pas été en mesure de justifier d'une entrée régulière, et ne l'est toujours pas malgré ses affirmations contraires, et n'était titulaire d'aucun titre de séjour ; qu'il entrait ainsi, alors même qu'il était mineur à la date de son entrée en France, dans le cas visé par les dispositions précitées autorisant le PREFET DE LA SEINE-MARITIME à décider, par l'arrêté attaqué, qu'il serait reconduit à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, modifié :

« (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (...) 5° Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) » ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au

bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que, compte tenu de ce qui a été dit ci-avant concernant la vie privée et familiale de M. X, célibataire, sans enfant, et qui n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et eu égard, en outre, aux conditions du séjour de l'intéressé en France, malgré sa durée à la supposer même établie, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé, malgré les perspectives d'insertion professionnelle qui seraient les siennes et la bonne intégration à la société française dont il aurait fait montre, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que cet arrêté n'a, dès lors, méconnu ni les stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié, dont l'intéressé ne remplissait pas les conditions pour prétendre de plein droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire, ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, M. X ne saurait utilement se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont pas applicables à sa situation dès lors que l'accord franco-algérien, modifié, régit de manière complète, à l'exception de certaines garanties procédurales étrangères au présent litige, les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis au séjour ainsi que la nature et la durée de validité des titres qui peuvent leur être délivrés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du 28 juin 2008 prononçant la reconduite à la frontière de M. X et désignant l'Algérie comme pays de destination de cette mesure et a mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, la demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif de Rouen et tendant à l'annulation dudit arrêté et de ladite désignation et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au PREFET DE LA SEINE-MARITIME de lui délivrer une carte de séjour temporaire doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0801917 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en date du 2 juillet 2008 est annulé.

Article 2 : La demande et les conclusions respectivement présentées par M. X devant le président du Tribunal administratif de Rouen et devant le président de la Cour sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Mohamed X.

Copie sera transmise au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

N°08DA01180 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. André Schilte
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : ALOUANI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 12/02/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08DA01180
Numéro NOR : CETATEXT000020471217 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-02-12;08da01180 ?
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