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12/02/2009 | FRANCE | N°08DA01400

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 12 février 2009, 08DA01400


Vu la requête, enregistrée le 29 août 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 2 septembre 2008 par courrier original, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0802173, en date du 25 juillet 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du

22 juillet 2008 prononçant la reconduite à la frontière de M. Anis X et a mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat su

r le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de...

Vu la requête, enregistrée le 29 août 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 2 septembre 2008 par courrier original, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0802173, en date du 25 juillet 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du

22 juillet 2008 prononçant la reconduite à la frontière de M. Anis X et a mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif de Rouen ;

Le préfet soutient :

- que le premier juge a estimé à tort que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué était entaché de détournement de pouvoir comme ayant eu pour motif déterminant de prévenir le mariage de M. X avec une ressortissante française ; qu'en effet, l'intéressé avait déclaré, au cours de son audition, être arrivé en France depuis environ deux mois ; qu'il n'a jamais effectué aucune démarche auprès de l'administration afin d'obtenir la régularisation de sa situation administrative ; qu'ainsi, l'irrégularité de son séjour n'a été portée à la connaissance de l'autorité préfectorale qu'à l'occasion de sa convocation par les services de la police aux frontières ; que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, qui est fondé sur le 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a ainsi eu pour seul objet de mettre fin à l'irrégularité du séjour de M. X sur le territoire français et non pas de faire obstacle à son mariage ; que, d'ailleurs, au jour de la convocation pour enquête le 22 juillet 2008 de M. X et de sa future épouse, aucune date n'était encore retenue pour la cérémonie du mariage ; qu'ils ont d'ailleurs déclaré à cette occasion ne s'être rencontrés que six mois auparavant et que leur communauté de vie n'était constituée que depuis deux mois ;

- qu'au vu des éléments avancés par M. X concernant son droit au séjour sur le territoire italien, les autorités de ce pays ont été saisies et ont confirmé que l'intéressé ne disposait plus de droit au séjour en Italie depuis le 17 mars 2008 ; que, dans ces conditions, M. X, qui est entré en France muni seulement d'un passeport en cours de validité et revêtu d'un visa à destination de l'Italie dont la validité avait expiré, entrait dans le cas visé au 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant sa reconduite à la frontière ; qu'il n'entrait, en revanche, pas dans le cas visé au 2° du même article, comme l'a retenu à tort le premier juge ;

- que, compte tenu des déclarations faites par M. X et sa compagne, leur communauté de vie, dont la réalité n'est, au demeurant, pas établie, ne revêt pas le caractère stable et durable permettant de regarder l'atteinte portée par l'arrêté attaqué au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale comme disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris ; que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont ainsi pas été méconnues par cet acte, qui n'est, par ailleurs, pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 11 septembre 2008 par laquelle le président de la Cour fixe la clôture de l'instruction au 3 novembre 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2008, présenté pour M. Anis X, demeurant ..., par la Selarl Eden Avocats ; M. X conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : M. X soutient :

- que le premier juge a annulé à bon droit l'arrêté attaqué au motif qu'il était entaché de détournement de pouvoir ; qu'en effet, l'exposant a été auditionné, à la suite du dépôt d'un dossier de mariage à la mairie de Rouen, par les services de police ; qu'alors qu'il se trouvait à la disposition de ces services, qui l'avaient convoqué dans le cadre d'une enquête sur son projet de mariage, il a été placé en garde à vue et l'arrêté attaqué a aussitôt été pris à son égard ; que l'action précipitée de l'administration, qui était pourtant informée de son projet, dont la réalité est établie par les pièces versées au dossier, révèle que ledit arrêté a eu pour motif déterminant de prévenir son mariage ;

- que M. X ne figurait pas, par ailleurs, parmi les ressortissants étrangers qui peuvent légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, dès lors qu'il justifiait d'un droit au séjour sur le territoire français ; qu'il était ainsi en possession d'un passeport en cours de validité, d'un titre de séjour italien périmé et d'un accusé de réception spécial des postes italiennes prouvant l'existence d'une demande de renouvellement de son titre de séjour avant son entrée en France ; qu'il établit donc le caractère régulier de son entrée et de son séjour sur le territoire national ;

- que l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa situation personnelle ; qu'en effet, la mesure de reconduite à la frontière en litige aurait pour effet de séparer durablement l'exposant de sa compagne, qui est actuellement enceinte ; qu'il aide, en outre, cette dernière dans l'éducation de son fils, issu d'une précédente union ; que lui-même souffre d'une pathologie nécessitant une prise en charge médicale ;

- que la désignation du pays de destination de cette mesure est, bien que le premier juge ne se soit pas prononcé sur ce point, entachée d'incompétence, l'existence d'une délégation de signature régulièrement prise et publiée et habilitant son auteur à la signer n'étant pas démontrée ;

- qu'au fond, le préfet n'a pu à bon droit désigner la Tunisie comme pays de renvoi, alors que l'exposant était légalement admissible en Italie ;

Vu l'ordonnance en date du 28 octobre 2008 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir présenté son rapport au cours de l'audience publique du 26 janvier 2009 et entendu les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour annuler, par le jugement attaqué, en date du 25 juillet 2008, l'arrêté du 22 juillet 2008 par lequel le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a décidé de reconduire M. X, ressortissant tunisien, né le 10 janvier 1975, et qui a déclaré être entré en France au printemps 2008, à la frontière et a désigné la Tunisie comme pays de destination de cette mesure, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé que cet arrêté, qui devait être regardé comme ayant eu pour motif déterminant de prévenir le mariage prochain de l'intéressé avec une ressortissante française, était entaché de détournement de pouvoir ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME forme appel de ce jugement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté par le préfet que M. X a déposé un dossier en mairie de Rouen en vue de la célébration de son mariage avec une ressortissante française et a été entendu à ce sujet le 30 juin 2008 ; qu'à la suite de cette audition par les services municipaux, le maire de Rouen a fait part à M. X de ses doutes sur la sincérité de son projet de mariage et l'a informé de sa décision de transmettre son dossier au parquet ; que le procureur de la République a alors décidé de faire diligenter une enquête au sujet du projet de mariage de M. X ; que l'intéressé a été convoqué dans ce cadre par les services de la police aux frontières pour le 22 juillet 2008 à 9 h 00 ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a pris, le jour même de cette audition, l'arrêté de reconduite à la frontière en litige, qui a été notifié à M. X à 16 h 15 ; qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, notamment à la précipitation avec laquelle le préfet a agi, l'arrêté attaqué doit être regardé comme ayant eu pour motif déterminant la prévention du mariage de M. X ; qu'il est, pour ce motif, ainsi que l'a estimé à juste titre le premier juge, entaché d'un détournement de pouvoir ; que, par suite le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 22 juillet 2008 décidant de reconduire M. X à la frontière, ainsi que, implicitement mais nécessairement, par voie de conséquence, la désignation par ce même arrêté de la Tunisie comme pays de destination de cette mesure et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par

M. X et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Anis X.

Copie sera transmise au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

N°08DA01400 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 08DA01400
Date de la décision : 12/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. André Schilte
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-02-12;08da01400 ?
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