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05/05/2009 | FRANCE | N°08DA01383

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 05 mai 2009, 08DA01383


Vu la requête, enregistrée le 26 août 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par la production de l'original le 27 août 2008, présentée pour M. Mehdi Y, demeurant ..., par la SELARL Eden Avocats ; M. Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703160 du 26 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 5 juillet 2007 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé le bénéfice du regroupement familial pour son épouse, ensemble la

décision en date du 8 octobre 2007 rejetant son recours gracieux ;

2°) ...

Vu la requête, enregistrée le 26 août 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par la production de l'original le 27 août 2008, présentée pour M. Mehdi Y, demeurant ..., par la SELARL Eden Avocats ; M. Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703160 du 26 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 5 juillet 2007 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé le bénéfice du regroupement familial pour son épouse, ensemble la décision en date du 8 octobre 2007 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui accorder le bénéfice du regroupement familial au bénéfice de son épouse dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que les décisions ne sont pas motivées ; que le préfet a commis une erreur de droit en examinant la situation de la famille du requérant au regard des seuls critères de regroupement familial et en ne faisant pas usage de son pouvoir d'appréciation ; que le préfet a commis une erreur de droit en fondant son refus sur l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur les dispositions de l'accord franco-algérien ; que, par ailleurs, les décisions du préfet relèvent d'une erreur de fait dans le calcul des revenus mensuels de l'exposant et dans l'appréciation de la condition de logement ; qu'au surplus, l'exposant a effectué des travaux dans son logement ; que les dispositions de la loi ou de l'accord franco-algérien relatives au regroupement familial sont contraires aux normes supérieures européennes et notamment au 5ème considérant de la directive n° 2003/86/CE du Conseil du 21 septembre 2003 ainsi qu'à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'ensemble des éléments susrappelés révèle un faisceau d'indices concordants de nature à démontrer que les décisions litigieuses procèdent d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de l'exposant ;

Vu le jugement et les décisions attaquées ;

Vu la décision du 19 janvier 2009 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle partielle (85 %) à M. Y ;

Vu la mise en demeure adressée le 17 février 2009 au préfet de la Seine-Maritime, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, signée par la France le même jour, ensemble le premier protocole additionnel signé le 20 mars 1952, ratifiée par la France en application de la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 et publiée au Journal Officiel par décret n° 74-360 du 3 mai 1974 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Mahieu, pour M. Y ;

Considérant que M. Y, ressortissant algérien, a demandé le 8 décembre 2006 le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse, Mme Z, de nationalité algérienne ; que M. Y relève appel du jugement en date du 26 juin 2008 qui a rejeté sa demande d'annulation des décisions en date du 5 juillet 2007 et du 8 octobre 2007 par lesquelles le préfet de la Seine-Maritime a, premièrement, rejeté sa demande de regroupement familial au double motif que ses ressources étaient inférieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance et que ses conditions de logement n'étaient pas conformes à la réglementation en vigueur et, deuxièmement, rejeté son recours gracieux ;

Sur la légalité de la décision attaquée et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié : Les membres de famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1. Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance (...) ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y, né en 1938, bénéficiaire d'une carte de résident de dix ans, s'est remarié en 2001, après le décès de sa première épouse, avec Mme Kheira Z, née en 1960 ; que si M. Y a eu six enfants, nés en Algérie, de son premier mariage, ils sont aujourd'hui majeurs ; qu'il n'est pas contesté que M. Y réside sur le territoire français depuis 1971, soit depuis plus de trente-cinq ans à la date de la décision attaquée ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors même que M. Y aurait attendu cinq ans après son second mariage pour demander le regroupement familial et aurait conservé des attaches familiales en Algérie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions susvisées du préfet de la Seine-Maritime refusant à sa femme l'admission sur le territoire français au titre du regroupement familial ;

Sur la demande d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que M. Y demande à la Cour d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de prononcer l'admission au séjour de Mme Z au titre du regroupement familial ; que l'exécution du présent jugement implique que le préfet autorise le regroupement familial sollicité par M. Y au bénéfice de son épouse ; qu'il suit de là qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de faire droit à la demande de regroupement familial sollicitée, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par le requérant ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'aux termes de l'article 37 de la loi susvisée, modifiée, du 10 juillet 1991 : (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. Si, à l'issue du délai de douze mois mentionné au troisième alinéa, l'avocat n'a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat, il est réputé avoir renoncé à celle-ci. (...) ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la SELARL Eden Avocats une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen en date du 26 juin 2008 est annulé.

Article 2 : Les décisions du préfet de la Seine-Maritime en date des 5 juillet et 8 octobre 2007 sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime d'autoriser le regroupement familial au bénéfice de Mme Z, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la SELARL Eden Avocats la somme de 1 500 euros sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mehdi Y et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA01383
Date de la décision : 05/05/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: M. Christian Bauzerand
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-05-05;08da01383 ?
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