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11/06/2009 | FRANCE | N°09DA00255

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 11 juin 2009, 09DA00255


Vu la requête, enregistrée le 17 février 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 20 février 2009 par courrier original, présentée par le PREFET DE L'OISE ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900080, en date du 21 janvier 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du 12 janvier 2009 prononçant la reconduite à la frontière de M. Abdoulaye Y et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de

l'intéressé ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Y devant le présid...

Vu la requête, enregistrée le 17 février 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 20 février 2009 par courrier original, présentée par le PREFET DE L'OISE ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900080, en date du 21 janvier 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du 12 janvier 2009 prononçant la reconduite à la frontière de M. Abdoulaye Y et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressé ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Y devant le président du Tribunal administratif de Rouen ;

3°) d'enjoindre à M. Y de rembourser la somme de 900 euros qu'il a perçue en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le préfet soutient :

- que le premier juge a prononcé à tort l'annulation de l'arrêté attaqué au motif qu'il n'était pas établi que le signataire de l'avis émis par le médecin inspecteur de la santé publique de la Seine-Saint-Denis le 28 novembre 2006 et sur lequel ledit arrêté lui est apparu se fonder, ait été régulièrement habilité ; qu'en effet, le préfet n'est tenu de saisir le médecin inspecteur de la santé publique que lorsque l'étranger demande une prise en charge médicale et fournit, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis et circonstanciés sur la nature et la gravité des troubles dont il souffre ; que tel n'est pas le cas, en l'espèce, puisque M. Y n'a fourni aucune pièce médicale à l'administration et n'a dit mot de son état de santé durant son audition ; que s'il a évoqué de façon lapidaire ses précédentes démarches administratives, ses déclarations, qui ne sont ni précises, ni circonstanciées, ne sauraient être regardées comme constituant une demande sérieuse de voir sa situation médicale réexaminée ; que, d'ailleurs, M. Y a refusé de voir un médecin durant sa garde à vue ; que, dans ces conditions, la consultation du médecin inspecteur préalablement au prononcé de l'arrêté attaqué n'est pas apparue nécessaire, ce qui ne saurait être reproché à l'administration ; qu'en l'absence d'élément nouveau, rien dans le dossier de l'intéressé n'était de nature à remettre en cause l'avis précédemment émis le 28 novembre 2006 par le médecin inspecteur de la santé publique de la Seine-Saint-Denis, selon lequel l'état de santé de M. Y ne justifiait pas son maintien en France ; que la légalité de la décision de refus de séjour prise le 14 mai 2007 sur le fondement de cet avis a été confirmée par un jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 février 2008 ; que, dans ces conditions, peu importe qu'il n'ait pas été justifié de la compétence du signataire de l'avis du médecin inspecteur de la santé publique susmentionné, M. Y ne pouvait utilement revenir sur ce point dans le cadre de la présente instance, dès lors que l'arrêté en litige n'est fondé ni sur cet avis, ni sur la décision de refus de séjour prise à la suite de celui-ci ; qu'il lui appartenait, pour ce faire, de relever appel du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui est revêtu de l'autorité de la chose jugée ; que l'arrêté en litige n'est donc pas intervenu sur une procédure irrégulière ;

- qu'aucun des autres moyens invoqués par M. Y devant le premier juge n'est fondé ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué a été pris par une autorité régulièrement habilitée et s'avère suffisamment motivé tant en droit qu'en fait ; qu'en l'absence de preuve d'une entrée régulière sur le territoire français, M. Y entrait dans le cas visé au 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de décider qu'il serait reconduit à la frontière, nonobstant la circonstance qu'il a bénéficié ensuite de la délivrance de récépissés pour permettre l'instruction de la demande d'asile qu'il a formée ; que M. Y entrait d'ailleurs également dans le cas prévu au 3° de cet article ; que l'arrêté attaqué n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que l'intéressé est célibataire et sans enfant et n'a constitué aucune cellule familiale sur le territoire français ; qu'il ne démontre pas, en outre, être privé d'attaches au Mali, où réside à priori toute sa famille ; qu'il ne justifie pas d'une intégration notable à la société française ; que l'arrêté en litige n'est ainsi pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ; que M. Y ne justifie pas qu'il figurait parmi les étrangers visés au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, les pièces médicales qu'il a produites devant le premier juge datant de plus de deux ans ; qu'enfin, la désignation du pays de destination de cette mesure est légalement fondée, M. Y n'établissant, en particulier, pas que sa vie ou sa liberté seraient menacées en cas de retour dans son pays d'origine et le Mali figurant parmi les pays d'origine sûrs dont la liste a été publiée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que ladite décision n'a donc méconnu ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 2 mars 2009 par laquelle le président de la Cour fixe la clôture de l'instruction au 17 avril 2009 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2009, présenté pour M. Abdoulaye Y, demeurant ..., par Me Demir ; M. Y conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. Y soutient :

- que le préfet ne produit aucunement les éléments permettant de justifier de la compétence du signataire de l'avis du médecin inspecteur de la santé publique en date du 28 novembre 2006 sur lequel est expressément fondé l'arrêté de reconduite à la frontière en litige ; que le seul article publié, au demeurant à une date postérieure, dans une revue médicale par le médecin qui a signé ledit avis ne saurait permettre de justifier cette compétence ; que ces éléments pouvaient pourtant être communiqués sans difficulté par la préfecture de la Seine-Saint-Denis ; que le PREFET DE L'OISE ne saurait utilement soutenir qu'il n'aurait pas été tenu de saisir le médecin inspecteur de la santé publique avant de prendre l'arrêté en litige, alors d'ailleurs que l'exposant n'a jamais invoqué le moyen tiré de l'absence de saisine de ce praticien ;

- qu'il a également excipé, devant le premier juge, de l'illégalité du refus de séjour qui lui a été opposé sur la base de cet avis le 14 mai 2007 par le préfet de la Seine-Saint-Denis ; que ce moyen demeure recevable, dès lors que l'appel formé par l'exposant du jugement rejetant son recours dirigé contre ledit refus de séjour est pendant devant la Cour administrative d'appel de Versailles ;

Vu l'ordonnance en date du 20 avril 2009 par laquelle le président de la Cour décide la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 mai 2009, présenté par le PREFET DE L'OISE et par lequel le préfet conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. André Schilte, président de la Cour, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que, pour annuler, par le jugement attaqué, en date du 21 janvier 2009, l'arrêté du 12 janvier 2009 par lequel le PREFET DE L'OISE a décidé de reconduire M. Y, ressortissant malien, né en 1980, à la frontière, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé que le PREFET DE L'OISE, qui s'était expressément fondé sur un avis émis le 28 novembre 2006 par le médecin inspecteur de la santé publique et recueilli dans le cadre de l'examen par les services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis d'une demande de titre de séjour précédemment déposée par M. Y, n'avait pas justifié de la compétence de l'autorité signataire de cet avis et que ce vice substantiel entachait la légalité dudit arrêté ; que le PREFET DE L'OISE forme appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet (...) d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 du même code : L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux deux premiers alinéas de l'article R. 313-22 ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...). L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ; qu'enfin, l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dernières dispositions prévoit que le médecin inspecteur de la santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émette un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays, quelle est la durée prévisible du traitement, et indiquant si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ;

Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté en litige que le PREFET DE L'OISE s'est expressément fondé sur l'avis émis le 28 novembre 2006 signé par Mme Nelly Z, en sa qualité de médecin , avis dont il reprend précisément la teneur, pour prononcer la mesure de reconduite à la frontière contestée par M. Y ; que, malgré la mesure d'instruction diligentée dans ce but par le premier juge, le PREFET DE L'OISE n'a versé au dossier aucun élément de nature à justifier, comme il lui incombait de le faire, de la nomination régulière en qualité de médecin inspecteur de la santé publique de Mme Nelly Z ; que, dans ces conditions, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé à bon droit que le vice d'incompétence affectant ledit avis, dont M. Y était recevable à se prévaloir dans le cadre de la présente instance, entachait la légalité de l'arrêté en litige ; que le PREFET DE L'OISE ne saurait, dans ces conditions, utilement invoquer les circonstances que les déclarations faites par M. Y au cours de l'audition qui a suivi son interpellation n'auraient pas été à elles seules de nature à le conduire à recueillir un nouvel avis du médecin inspecteur de la santé publique, ni les pièces médicales produites devant le premier juge à remettre en cause le sens de l'avis du médecin inspecteur de la santé publique de la Seine-Saint-Denis ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'OISE, par les moyens qu'il invoque, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 12 janvier 2009 décidant de reconduire M. Y à la frontière ; que, dès lors et en tout état de cause, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'intéressé de reverser la somme qui lui a été accordée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application desdites dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que M. Y demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE L'OISE est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. Y la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Abdoulaye Y.

Copie sera adressée au PREFET DE L'OISE.

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N°09DA00255 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. André Schilte
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : DEMIR

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 11/06/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09DA00255
Numéro NOR : CETATEXT000022486772 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-06-11;09da00255 ?
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