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16/06/2009 | FRANCE | N°06DA01536

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 16 juin 2009, 06DA01536


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 24 novembre 2006 et régularisée par la production de l'original le 27 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société par actions simplifiée AUBRUN, dont le siège est 27 boulevard Montebello à Lille (59000), par la SCP Bignon Lebray et associés ; la société AUBRUN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402429 du 15 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que le Centre hospitalier universitaire de Roue

n soit condamné à lui verser la somme de 466 673,11 euros toutes taxes com...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 24 novembre 2006 et régularisée par la production de l'original le 27 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société par actions simplifiée AUBRUN, dont le siège est 27 boulevard Montebello à Lille (59000), par la SCP Bignon Lebray et associés ; la société AUBRUN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402429 du 15 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que le Centre hospitalier universitaire de Rouen soit condamné à lui verser la somme de 466 673,11 euros toutes taxes comprises majorée des intérêts moratoires à compter du 18 septembre 2003 et, d'autre part, à l'annulation du titre exécutoire d'un montant de 110 340,79 euros émis le 15 avril 2004 résultant du solde négatif du marché de restructuration du site de Petit-Quevilly ;

2°) à titre principal, de condamner le Centre hospitalier universitaire de Rouen à lui verser la somme de 466 673,11 euros toutes taxes comprises majorée des intérêts moratoires à compter du 18 septembre 2003, avec capitalisation et d'annuler le titre exécutoire précité ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier à lui verser une indemnité de 580 323,90 euros majorée des intérêts moratoires dans les mêmes conditions, en réparation des préjudices résultant de son attitude fautive et négligente ;

4°) à titre très subsidiaire, de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 69 550,01 euros correspondant à la retenue de garantie indûment conservée par lui et la somme de 289 905,68 euros correspondant aux pénalités imputées à tort à la société ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, à titre principal, que le décompte général est entaché de nullité faute d'avoir été élaboré conformément aux règles prévues par le cahier des clauses administratives générales ; que le liquidateur du mandataire, seul habilité à le faire aux termes de l'article 13-52 du cahier des clauses administratives générales n'a pas établi le décompte ; qu'aucune mise en demeure de le faire ne lui a été adressée ; qu'aucune invitation à désigner un nouveau mandataire n'a été adressée aux entreprises conjointes et qu'aucune personne n'a été désignée pour se substituer au mandataire défaillant ; que le Centre hospitalier universitaire de Rouen a traité directement avec chaque entrepreneur pour l'établissement des décomptes ne faisant intervenir le mandataire qu'à la fin pour les avaliser ; que l'article 20-7 du cahier des clauses administratives générales n'a pas été respecté, le Centre hospitalier universitaire de Rouen ayant unilatéralement réparti les pénalités entre les entrepreneurs sans recueillir les indications du mandataire ; que le décompte général devait être signé par le maître d'oeuvre et être adressé au mandataire par ordre de service signé par le maître d'oeuvre, ce qui n'a pas été le cas ; que les documents remis au liquidateur le 13 novembre 2003 ne valaient pas décompte général définitif ; que le courrier recommandé en date du 24 novembre 2003 adressé au liquidateur du mandataire ne peut être regardé comme un ordre de service ; que les décomptes récapitulatifs étaient absents ; à titre subsidiaire, que le Centre hospitalier universitaire de Rouen a eu une attitude dolosive en s'adressant directement aux membres du groupement tout en tentant de faire approuver le décompte général par le liquidateur du mandataire ; qu'il a délibérément induit en erreur la requérante ; enfin, que la réception ayant été prononcée le 13 mai 2003, le Centre hospitalier universitaire de Rouen doit lui restituer les retenues de garantie effectuées sur chacun de ses mandatements ; que les pénalités auraient dû être imputées sur le compte du mandataire en application du 20-7 du cahier des clauses administratives générales alors que le Centre hospitalier universitaire de Rouen les a réparties par une décision unilatérale entre les membres du groupement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2007, présenté pour le Centre hospitalier universitaire de Rouen, dont le siège est 1 rue de Germont à Rouen (76031), par la SCP Emo Hebert et associés, qui conclut, à titre principal au rejet de la requête, et présente des conclusions d'appel provoqué tendant à ce que le groupement de maîtrise d'oeuvre, représenté par son mandataire le cabinet Archi-tecture, et la société de coordination et d'ordonnancement (SCO) le garantissent de toute condamnation qui viendrait à être prononcée à son encontre, et à la condamnation de la société AUBRUN à lui verser la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il fait valoir que c'est la société AUBRUN qui a seule pris l'initiative d'établir et de transmettre au maître d'oeuvre un projet de décompte que le maître d'ouvrage ne pouvait ignorer d'autant qu'il était sans nouvelle du mandataire du groupement ; que le maître d'oeuvre a visé le projet de décompte et l'a d'ailleurs rectifié, seule la personne responsable du marché devant le signer, conformément aux articles 13.41 et 13.42 du cahier des clauses administratives générales ; que la société était liée par ce projet et que ce n'est qu'à titre superfétatoire que le nouveau document produit le 4 décembre a été transmis au maître d'oeuvre ; que le liquidateur du mandataire a explicitement accepté le décompte général du groupement conformément à l'article 13.52 du cahier des clauses administratives générales alors que les jurisprudences citées sont relatives à l'article 13.42 du cahier des clauses administratives générales ; qu'au demeurant, le décompte a été notifié par lettre recommandée le 24 novembre 2003 accompagné de l'ordre de service correspondant et n'a pas été contesté dans les délais ; qu'en tout état de cause, la notification par ordre de service n'est pas une formalité substantielle dès lors que l'entreprise a effectivement reçu le décompte et été mise à même de présenter des réclamations ; que le décompte en cause comprenait le décompte final visé par le maître d'oeuvre, l'état du solde et la récapitulation des acomptes mensuels conformément à l'article 13.4 du cahier des clauses administratives générales ; que le décompte est donc devenu définitif le 26 novembre 2003 ; que le fait que le maître d'ouvrage, pas plus que le maître d'oeuvre n'aient informé la requérante du rôle du mandataire du groupement dans l'approbation du décompte général n'est pas constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité ; que le rôle d'intermédiaire avec les entreprises du groupement revenait au mandataire judiciaire et que l'entreprise devait s'en rapprocher pour transmettre ses observations relatives au décompte général, conformément aux dispositions du cahier des clauses administratives générales ; que la demande relative à la retenue de garantie est nouvelle en appel et donc irrecevable ; que la demande n'est pas motivée et se limite à reprendre le mémoire en réclamation et est donc pour ce motif également irrecevable ; qu'en ce qui concerne les avenants pour travaux modificatifs, le devis n° 28 a été intégré dans l'avenant n° 8, non contesté par la requérante ; que le devis n° 19 correspond à des travaux dus par la requérante et non comme elle le soutient au lot n° 1 ; que les devis nos 30, 32 et 34 ont été intégrés dans l'avenant n° 9 après réduction par suppression d'un poste déjà compris dans le prix unitaire du marché ; que le devis n° 31 correspond à une prestation comprise dans le marché sans que l'entreprise AUBRUN puisse se prévaloir d'avoir atteint la quantité prévue dès lors que le marché était forfaitaire ; que les devis nos 16 et 24 correspondant à des travaux exécutés à la place d'autres lots ne résultent d'aucun ordre de service, ni d'aucune demande verbale, et ne sont pas justifiés ; que les travaux correspondant au devis n° 18 ont déjà été rémunérés ; que les dégradations des façades sont imputables à l'entreprise AUBRUN elle-même et les réparations étant incluses dans les frais communs de chantier, elles ne peuvent donc être rémunérées ; que les devis nos 26 et 33 ne sont assortis d'aucun justificatif ; qu'en ce qui concerne les devis pour travaux modificatifs, les devis nos 6, 7, 9, 13, 15 bis, 17, 21, 25, 26, 35 ne correspondent à aucune demande mais à des travaux de réfection exécutés par la société et découlant de ses propres carences ; qu'en ce qui concerne les retenues, le mur de la galerie n'a pas été exécuté par la requérante ; que les pénalités ont été réparties entre les différents membres du groupement directement en raison de l'insolvabilité du mandataire et sont justifiées par chaque compte rendu de chantier, non contesté ; que les pénalités pour absence à des réunions de chantier sont justifiées dès lors que des interventions étaient demandées à l'entreprise ; qu'elle n'a pas transmis les plans d'exécution en temps utile ; que les travaux de la passerelle n'ont pas été terminés dans les délais ; que les délais pour intempéries ne peuvent être fixés unilatéralement ; que la prolongation de la location de la base vie n'est pas justifiée et que le montant demandé dans la réclamation diffère de celui figurant au projet de décompte final ; que la demande concernant le paiement de sous-traitants n'est pas fondée dès lors que le maître d'ouvrage a procédé à leur paiement direct ; à titre très subsidiaire, dans le cas où une condamnation serait prononcée à l'encontre de l'hôpital, qu'il doit être garanti solidairement par Archi-tecture, Séchaud et Bossuyt, Arts et méthodes du bâtiment et la société SCO dans la mesure où ils avaient la charge de rédiger les pièces du marché et s'il s'avérait qu'ils ont demandé des prestations supplémentaires à l'entreprise Aubrun sans l'accord du maître d'ouvrage ;

Vu la mise en demeure adressée le 30 août 2007 à la société Icobat, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2007, présenté pour la société Séchaud et Bossuyt, dont le siège est Parc d'activités de la Vatine à Mont-Saint-Aignan (76137), par Me Adam, qui conclut au rejet de l'appel en garantie du Centre hospitalier universitaire de Rouen à titre principal pour irrecevabilité et à titre subsidiaire au fond, et à la condamnation du centre hospitalier ou de tout succombant à lui verser la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la société fait valoir qu'elle n'était pas partie à la première instance ; que sa responsabilité contractuelle ne peut plus être recherchée dès lors que la réception a été prononcée et le décompte définitif établi ; que le recours du Centre hospitalier universitaire de Rouen n'est assorti d'aucun moyen de fait et ne démontre aucune faute en rapport avec les demandes de condamnation de la société AUBRUN ; que l'hôpital doit supporter seul les travaux supplémentaires qu'il aurait commandés et non inclus dans le marché initial ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 28 décembre 2007 et régularisé par la production de l'original le 31 décembre 2007, présenté pour la société Archi-tecture, dont le siège est 48 allée Darius Milhaud à Paris (75019), par Me Delaporte, qui conclut au rejet de la requête de la société AUBRUN et de l'appel en garantie du Centre hospitalier universitaire de Rouen et à la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir que le recours en garantie n'est pas motivé ; que le décompte est devenu définitif ; qu'elle n'a pas participé à la rédaction des documents contractuels dont, en tout état de cause, les omissions ou imprécisions alléguées ne sont pas démontrées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2008, présenté pour la société de coordination et d'ordonnancement SCO, dont le siège est 27 rue Louis Vicat à Paris (75015), par la SCP Dragon et Biernacki, qui conclut au rejet de l'appel en garantie du centre hospitalier et à la condamnation de celui-ci à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir que le coordinateur, aux termes des stipulations contractuelles, ne pouvait en aucun cas voir sa responsabilité engagée en ce qui concerne les études, les plans et l'exécution des travaux ni supporter aucune solidarité ; qu'elle n'avait pas le pouvoir de demander des travaux supplémentaires ;

Vu l'ordonnance en date du 31 janvier 2008 fixant la clôture d'instruction au 7 mars 2008, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 12 février 2008, présenté pour la société de coordination et d'ordonnancement SCO qui persiste dans ses conclusions et fait en outre valoir qu'elle n'a commandé aucun travaux supplémentaires ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 4 mars 2008 et régularisé par la production de l'original le 5 mars 2008, présenté pour la société AUBRUN qui persiste dans ses conclusions en soutenant en outre que seul le mandataire pouvait établir le décompte ; que la signature du décompte par Me Leblay ne régularise pas les conditions de sa notification ; que la demande portant sur la retenue de garantie est recevable dès lors qu'elle était comprise dans la somme réclamée à titre principal, n'en constitue qu'un détail, et se rattache à la même cause juridique à savoir l'exécution des obligations découlant du marché ; que la requête est motivée ; qu'elle ne demande rien pour les devis nos 28, 32 et 34 ; que le devis n° 30 a été en partie seulement intégré dans l'avenant n° 9 et qu'elle est fondée à demander le paiement de la différence ; que les travaux correspondant au devis n° 19 ont fait l'objet d'un ordre de service provisoire, annulé par la suite mais que les travaux ont effectivement été exécutés par elle ; que le devis n° 27 fait suite à des dégradations imputables à la société Peinture de Normandie ; que les comptes rendus OPC démontrent que les travaux modificatifs ont été demandés à la société AUBRUN ; que la paroi de la galerie ne relevait pas de son lot, que toutes les réserves susceptibles de donner lieu à réfaction ont été prises en compte et qu'il y a été remédié dans les règles de l'art ; que les pénalités n'ont pas été affectées au décompte de mandataire, en violation de l'alinéa 2 de l'article 20.7 du cahier des clauses administratives générales ; que seules deux absences aux réunions de chantier peuvent être retenues ; que les autres retards ne lui sont pas imputables à l'exception de 12 jours en ce qui concerne les travaux portant sur les façades ; qu'elle n'a pas été indemnisée pour la prolongation de la location des installations de chantier ; qu'une partie des sous-traitants a fait l'objet d'un paiement direct sans son accord contrairement aux stipulations de l'article 13.5 du cahier des clauses administratives générales ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2008, présenté pour la société Groupe 1000 Normandie, représentée par son liquidateur Me Philippe Leblay, 46 rampe Beauvoisine à Rouen (76000), par la SCP Lierville, Buisson, Garcon, qui conclut à sa mise hors de cause, aucune demande n'est formulée à son encontre ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 7 mars 2008 et régularisé par la production de l'original le 11 mars 2008, présenté pour le Centre hospitalier universitaire de Rouen qui persiste dans ses conclusions et demande en outre, à titre subsidiaire, que soit ordonnée une mesure d'expertise ayant pour objet de proposer un compte entre les parties ; le centre hospitalier fait valoir que la retenue de garantie n'était pas comprise dans la réclamation formée par la requérante pour un montant de 466 673,11 euros ; que son appel en garantie est recevable car présenté en première instance avant la clôture de l'instruction ; que la responsabilité contractuelle de la société Séchaud et Bossuyt peut être recherchée même après la réception pour les fautes commises dans le contrôle des situations de travaux et des acomptes versés aux entreprises et, qu'en l'espèce, elle a autorisé des travaux non demandés par le maître d'ouvrage ; que la société Archi-tecture a commis des fautes en demandant à l'entreprise AUBRUN des travaux supplémentaires sans obtenir l'accord préalable du maître d'ouvrage alors que ceux-ci résultaient d'imprécisions et d'omissions dans les documents contractuels qu'elle avait établis ; qu'elle n'a pas vérifié le décompte des pénalités ; qu'il appartenait à la société SCO de proposer l'imputabilité des pénalités, conformément à l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières commun à tous les lots ;

Vu l'ordonnance en date du 4 avril 2008 reportant la clôture de l'instruction au 5 mai 2008 ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 29 avril 2008 et régularisé par la production de l'original le 30 avril 2008, présenté pour la société AUBRUN qui persiste dans ses conclusions en faisant en outre valoir que la demande relative à la retenue de garantie est recevable dès lors que le juge doit statuer sur les prétentions des parties pour établir le décompte ; que le délai de garantie étant expiré, la retenue devait être restituée ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 avril 2008 par télécopie et confirmé par la production de l'original le 5 mai 2008, présenté pour le Centre hospitalier universitaire de Rouen qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et fait en outre valoir qu'il ne peut y avoir d'indemnisation du Centre hospitalier universitaire de Rouen pour des travaux indispensables ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 30 avril 2008 et régularisé par la production de l'original le 5 mai 2008, présenté pour la société Séchaud et Bossuyt qui persiste dans ses conclusions ;

Vu l'ordonnance en date du 6 mai 2008 reportant la clôture de l'instruction au 2 juin 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 76-87 du 27 janvier 1976 modifié approuvant le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Deleye, pour la société AUBRUN et Me Malet, pour le Centre hospitalier universitaire de Rouen ;

Considérant que, par un marché signé le 21 mars 2000, le Centre hospitalier universitaire de Rouen (CHRU) a confié les travaux de réhabilitation-restructuration de l'une de ses annexes située à Petit-Quevilly à un groupement conjoint d'entreprises dont la société groupe 1000 Normandie était le mandataire et au nombre desquelles figurait la société AUBRUN, cependant que la maîtrise d'oeuvre était assurée par un autre groupement composé notamment des sociétés Archi-tecture, architecte, et Séchaud et Bossuyt, bureau d'études techniques ; que, par un jugement du 1er avril 2003 le Tribunal de commerce de Rouen a prononcé la liquidation judiciaire de la société groupe 1000 Normandie et désigné Me Leblay comme mandataire judiciaire ; que la société AUBRUN a adressé son projet de décompte final à l'architecte qui l'a reçu le 13 juin 2003 ; que le décompte général du groupement a été présenté le 14 novembre 2003 au mandataire judiciaire qui l'a accepté sans réserve faisant apparaître pour la société AUBRUN un trop payé de 49 400,96 euros pour les travaux exécutés directement par elle et, compte tenu des sommes ayant fait l'objet d'un paiement direct aux sous-traitants de l'entreprise AUBRUN, un solde négatif total de 110 340,79 euros ; que la société AUBRUN a présenté une réclamation envoyée le 9 avril 2004 tendant à ce que le centre hospitalier lui verse la somme de 466 673,11 euros toutes taxes comprises qu'elle estimait lui être due, qui a été explicitement rejetée par le centre hospitalier ; que le solde négatif précité a donné lieu à l'émission par le centre hospitalier d'un titre de recettes et d'un commandement de payer ; que la société AUBRUN relève appel du jugement du 15 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant d'une part à ce que le Centre hospitalier universitaire de Rouen soit condamné à lui verser la somme de 466 673,11 euros toutes taxes comprises majorée des intérêts moratoires et, d'autre part, à ce que le titre exécutoire soit déclaré non-fondé ;

Sur le décompte général :

En ce qui concerne la nullité du décompte général :

Considérant qu'aux termes de l'article 13-52 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux : Le mandataire est seul habilité à présenter les projets de décomptes (...) ; qu'il est constant qu'alors même qu'elle était membre d'un groupement conjoint, la société AUBRUN a présenté seule son projet de décompte final ; que celui-ci a néanmoins été pris en compte par le maître d'oeuvre qui l'a rectifié puis a établi le décompte général ; que la seule circonstance que la procédure prévue à l'article précité n'a pas été respectée par la société elle-même, et que le centre hospitalier ne l'a pas mise en demeure de le faire, n'est pas de nature à faire regarder la procédure d'élaboration du décompte comme irrégulière et, par suite, à entraîner la nullité du décompte, dès lors que le maître d'oeuvre a disposé des éléments nécessaires pour procéder à son établissement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13-31 du même texte : Après l'achèvement des travaux l'entrepreneur, concurremment avec le projet de décompte afférent au dernier mois de leur exécution ou à la place de ce projet, dresse le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché dans son ensemble les évaluations étant faites en tenant compte des prestations réellement exécutées. , et qu'aux termes de l'article 13.32 : Le projet de décompte final est remis au maître d'oeuvre dans le délai de quarante cinq jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue au 3 de l'article 41. (...).En cas de retard dans la présentation du projet de décompte final, l'entrepreneur est passible des pénalités prévues au 3 de l'article 20 dans les conditions qui y sont précisées. En outre, après mise en demeure restée sans effet, le décompte peut être établi d'office par le maître d'oeuvre aux frais de l'entrepreneur. Ce décompte est notifié à l'entrepreneur avec le décompte général. (...) ; qu'ainsi qu'il a été dit, la requérante a présenté d'elle-même son projet de décompte final ; que par suite elle n'est pas fondée à soutenir que le décompte général a été établi d'office par le maître d'oeuvre ;

Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou règlementaire que le décompte général doive être signé par le maître d'oeuvre ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le décompte général transmis par le Centre hospitalier universitaire de Rouen à Me Leblay ne comporterait pas tous les éléments exigés par l'article 13-41 manque en fait ;

Considérant, enfin, que la procédure prévue par l'article 49-7 du cahier des clauses administratives générales est relative à l'exécution des travaux et non à l'établissement des comptes ; que, par suite, le moyen tiré de sa violation est inopérant ; que, dès lors, la requérante ne peut utilement soutenir que le décompte général litigieux doit être regardé comme inexistant ;

En ce qui concerne le caractère définitif du décompte général :

Considérant qu'aux termes de l'article 13-42 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux : Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service (...) ; qu'aux termes de l'article 2.51 du même texte : Les ordres de service sont écrits ; ils sont signés par le maître d'oeuvre, datés et numérotés.(...) ; qu'il résulte de l'instruction que le décompte général, arrêté par le maître d'oeuvre et signé du maître d'ouvrage, a été remis en mains propres le 14 novembre 2003 au mandataire judiciaire du groupe 1000 , mandataire du groupement conjoint, et a été accepté sans réserve par ce dernier qui l'a daté et signé ; que le centre hospitalier a procédé à une nouvelle notification par ordre de service envoyé en recommandé avec accusé de réception, le 24 novembre suivant, à l'issue de laquelle aucune réclamation n'a été formulée dans les quarante-cinq jours ; que dès lors que la notification effective du décompte général et sa date peuvent être établies de manière certaine, ni la circonstance que la première notification ait été faite par remise en mains propres, ni la circonstance que la nouvelle notification a été faite par un ordre de service qui n'était pas signé du maître d'oeuvre mais seulement du représentant du maître de l'ouvrage, et n'était pas numéroté, n'est susceptible de faire regarder cette notification comme irrégulière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : Si la signature du décompte général est donnée sans réserves, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. ; qu'il résulte des dispositions de l'article 13-45 du même texte que l'absence de réclamation dans le délai de quarante-cinq jours a les mêmes conséquences ; que le caractère définitif du décompte a pour effet d'interdire aux parties toute contestation ultérieure des éléments de ce décompte ; que par suite c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions de la société AUBRUN tendant, d'une part à ce que le Centre hospitalier universitaire de Rouen lui verse la somme de 466 673,11 euros en règlement du solde du marché et, d'autre part à ce que le titre de recette d'un montant de 110 340,79 euros émis à son encontre soit déclaré non fondé ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que la société AUBRUN, qui ne pouvait ignorer ni la situation du mandataire du groupement auquel elle appartenait, ni, eu égard à sa qualité de professionnel du bâtiment, les conséquences de son appartenance à un groupement conjoint expressément prévues par les dispositions du cahier des clauses administratives générales, a elle-même adressé son projet de décompte final successivement au maître d'oeuvre et au maître d'ouvrage alors que ceux-ci ne l'avaient pas sollicité, et a poursuivi les échanges de courriers avec eux ; qu'il ne saurait être reproché au Centre hospitalier universitaire de Rouen de ne pas être intervenu dans les relations entre mandataire et membres du groupement conjoint ; qu'en outre la requérante a adressé son projet de décompte aux maîtres d'oeuvre et d'ouvrage postérieurement à la désignation de Me Leblay, duquel il lui appartenait de se rapprocher, comme liquidateur de la société groupe 1000 Normandie , mandataire du groupement ; que par suite, il ne peut être retenu à l'encontre du centre hospitalier aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur les conclusions subsidiaires de la requérante :

Considérant que la requérante fait valoir que les pénalités auraient dû être imputées sur le décompte du mandataire, à charge à lui de les répartir ensuite entre les membres du groupement ; que, toutefois, les pénalités constituent un des éléments constitutifs du décompte général ; qu'elles ne peuvent donc faire l'objet d'une contestation isolée ;

Considérant que la société AUBRUN ne démontre pas qu'elle aurait réalisé les travaux permettant la levée des réserves mentionnées lors de la réception ; que par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces conclusions, celles-ci doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société AUBRUN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions d'appel provoqué du centre hospitalier :

Considérant que le présent arrêt n'a pas pour effet d'aggraver la situation du Centre hospitalier universitaire de Rouen ; que, par voie de conséquence, ses conclusions d'appel provoqué tendant à l'appel en garantie des membres du groupement conjoint de maîtrise d'oeuvre composé des sociétés Séchaud et Bossuyt, Arts et techniques du bâtiment et Archi-tecture, mandataire du groupement, et la société de coordination et d'ordonnancement SCO sont irrecevables et doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le Centre hospitalier universitaire de Rouen qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société AUBRUN, à la société Séchaud et Bossuyt, à la société Archi-tecture et à la société de coordination et d'ordonnancement SCO les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions du Centre hospitalier universitaire de Rouen tendant à ce que soit mise à la charge de la société AUBRUN une somme en application de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société AUBRUN est rejetée.

Article 2 : Les appels en garantie du Centre hospitalier universitaire de Rouen dirigés contre les sociétés Séchaud et Bossuyt, Arts et techniques du bâtiment, Archi-tecture et la société de coordination et d'ordonnancement SCO sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions du Centre hospitalier universitaire de Rouen, de la société Archi-tecture, de la société Séchaud et Bossuyt, de la société de coordination et d'ordonnancement SCO tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société AUBRUN, au Centre hospitalier universitaire de Rouen, à la société groupe 1000 Normandie représentée par son liquidateur judiciaire Me Philippe Leblay, à la société Archi-tecture, à la société Séchaud et Bossuyt, à la société arts et méthodes du bâtiment représentée par Me Philippe Leblay, à la société de coordination et d'ordonnancement SCO et à la société Icobat.

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N°06DA01536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA01536
Date de la décision : 16/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Schilte
Rapporteur ?: Mme Marianne Terrasse
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : ADAM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-06-16;06da01536 ?
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