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16/06/2009 | FRANCE | N°08DA01213

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 16 juin 2009, 08DA01213


Vu la requête, enregistrée le 1er août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société en nom collectif COGEDAC, dont le siège social est situé 4 place de la République à Croix (59170), par le cabinet CMS Francis Lefebvre ; la société COGEDAC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602140 du 4 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge et au remboursement, assorti des intérêts moratoires, des droits de taxe sur certaines dépenses de publicité dont elle s'est acqui

ttée au titre des années 1998 à 2000 ;

2°) d'ordonner la décharge des droi...

Vu la requête, enregistrée le 1er août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société en nom collectif COGEDAC, dont le siège social est situé 4 place de la République à Croix (59170), par le cabinet CMS Francis Lefebvre ; la société COGEDAC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602140 du 4 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge et au remboursement, assorti des intérêts moratoires, des droits de taxe sur certaines dépenses de publicité dont elle s'est acquittée au titre des années 1998 à 2000 ;

2°) d'ordonner la décharge des droits de taxe sur certaines dépenses de publicité dont elle s'est acquittée au titre des années 1998 à 2000 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la non-conformité de la taxe sur certaines dépenses de publicité, fondée sur l'article 302 bis MA du code général des impôts, avec l'article 88, alinéa 3 du traité instaurant les Communautés européennes a été révélée par le Tribunal administratif de Caen dans un jugement du 16 septembre 2003 ; que, dès lors, ce jugement constitue un événement qui motive la réclamation de la société au sens des dispositions de l'article L. 190 alinéas 3 et 4 ; que le jugement du Tribunal administratif de Lille est entaché d'une erreur de droit ; que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle ne pouvait pas se prévaloir du jugement du Tribunal administratif de Caen du 16 septembre 2003 qui n'était pas devenu définitif et qu'ils ont considéré que la décision juridictionnelle révélant la non-conformité de l'imposition doit être une décision qui n'a fait l'objet d'aucun recours ; que si la loi de finances pour 2006 ajoute un cinquième alinéa précisant la nature des décisions juridictionnelles visées par cet article, ces précisions n'existaient pas auparavant et toute décision juridictionnelle était alors susceptible d'entraîner l'application du quatrième alinéa de l'article L. 190 ; qu'une décision d'un tribunal administratif, alors même qu'elle serait frappée d'appel, a l'autorité de la chose jugée ; que le tribunal ajoute donc une condition aux dispositions précitées de l'article L. 190 ; que, compte tenu des délais de jugement de la juridiction administrative, cette interprétation reviendrait, en pratique, à n'ouvrir aucun délai de réclamation supplémentaire au titre de l'article L. 190, le contribuable étant renvoyé aux dispositions de droit commun de l'article R. 196-1 ; que cette interprétation ne permet pas une application effective du droit communautaire ; que les règles procédurales nationales, pour être conformes au droit communautaire, doivent respecter deux conditions : d'une part, elles ne doivent pas être moins favorables que celles applicables à des recours similaires de nature interne, et, d'autre part, elles ne doivent pas rendre impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire ; que ces deux conditions sont, en l'espèce, méconnues ; que la Cour de justice n'a jamais considéré que la décision juridictionnelle à prendre en compte doive être définitive ; qu'elle a estimé, dans l'arrêt Roquette frères, qu'un délai de restitution de l'ordre de quatre ou cinq ans doit être regardé comme raisonnable ; qu'un délai inférieur ne saurait être qualifié de raisonnable que dans des circonstances particulières qui ne sont pas réunies en l'espèce ; que l'interprétation de l'article L. 190 alinéa 4 du livre des procédures fiscales donnée par le jugement attaqué ne satisfait pas à la condition d'effectivité qu'une règle de procédure nationale applicable dans le cadre du remboursement des sommes perçues en violation du droit communautaire, doit respecter en vertu de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes ; qu'à titre subsidiaire, elle demande que la Cour surseoit à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des communautés européennes se soit prononcée à titre préjudiciel sur la portée de l'arrêt Roquette frères et la notion de décision juridictionnelle ; qu'elle est non seulement recevable mais également bien fondée à demander le remboursement de la taxe sur certaines dépenses de publicité acquittée au titre des années 1998 à 2000 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les demandes des contribuables qui n'ont pas été présentées avant l'expiration du délai général de réclamation ne peuvent échapper à la forclusion qu'à la condition pour ces derniers d'agir sur le fondement de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que, lorsqu'elles ne sont pas déposées dans la limite du délai général de réclamation, les demandes doivent être motivées par un événement ; que pour l'application de cet article, une décision juridictionnelle révélant la non-conformité d'une règle à une règle de droit supérieure au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales peut constituer un tel événement ; que conformément à l'instruction 13 O-2-90 du 10 mai 1990, les services fiscaux, pour l'application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales en vigueur au jour de la réclamation, considèrent comme une décision juridictionnelle constitutive d'un événement , toute décision prononcée au terme d'un jugement ou d'un arrêt devenu définitif à défaut de recours ; que la Cour administrative d'appel de Nancy, dans un arrêt du 20 mars 2008 a considéré que le jugement du Tribunal administratif de Caen du 16 septembre 2003 dès lors qu'il avait été frappé d'appel, n'était pas de nature à constituer un événement motivant la réclamation au sens des dispositions précitées de l'article R. 196-1 ; que la jurisprudence du Conseil d'Etat en date du 26 juillet 1991, Berque, ne peut trouver à s'appliquer en l'espèce puisqu'elle ne prend position que sur le principe de l'autorité de chose jugée des décisions issues de juridictions de première instance et non sur leur caractère de décision juridictionnelle au regard de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; que les modifications apportées par la loi de finances pour 2006 constituent une validation de l'interprétation du texte telle qu'elle résulte à la fois de la jurisprudence et de l'esprit du texte lui-même et non une restriction à un principe antérieur comme le soutient la requérante ; que, dans la mesure où tant le jugement rendu le 27 mai 2004 par le Tribunal administratif de Lille que celui rendu le 16 septembre 2003 par le Tribunal administratif de Caen ont été déférés en appel, la société requérante ne peut se prévaloir de ces jugements au regard du délai de réclamation prévu à l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 27 avril 2009, présenté pour la société en nom collectif COGEDAC qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; elle soutient également qu'en ne retenant comme événement de nature à rouvrir le délai que l'intervention d'une décision juridictionnelle rendue à titre définitif, l'administration se réserve la possibilité de priver le contribuable d'obtenir restitution de l'imposition indue non seulement en usant des voies de recours mais encore en n'introduisant pas d'appel contre la décision des premiers juges puisqu'en ce cas, aucun contribuable ne pourra se prévaloir de cette décision ; qu'en outre, elle retire au contribuable le droit à obtenir restitution de l'imposition pour la période antérieure au jugement rendu en première instance, ce qui ne satisfait pas à la règle d'effectivité que doivent respecter les règles de procédure nationale ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Antoine Mendras, président de chambre, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. (...) 3°) Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) b) du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; c) de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation ; qu'il résulte de ces dispositions que le délai pour réclamer le remboursement d'un impôt ou d'une taxe versée court, en l'absence d'émission d'un avis de recouvrement ou d'établissement d'un rôle, à partir du versement de l'impôt, sauf à ce qu'un événement permette de rouvrir le délai de réclamation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société en nom collectif COGEDAC s'est spontanément acquittée au cours des années 1999 à 2001 des droits de la taxe sur certaines dépenses de publicité au titre des années 1998 à 2000, qui n'ont donné lieu ni à l'établissement d'un rôle, ni à l'émission d'un avis de mise en recouvrement ; que la réclamation du 27 décembre 2005 tendant à la restitution de la taxe acquittée au titre des années 1998 à 2000 a été rejetée par une décision notifiée le 1er février 2006 pour tardiveté au regard du délai de réclamation prévu par les dispositions précitées du b) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que, toutefois, la société, pour faire obstacle à la fin de non-recevoir accueillie par le tribunal, se prévaut, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, des jugements rendus le 16 septembre 2003 par le Tribunal administratif de Caen et le 27 mai 2004 par le Tribunal administratif de Lille selon lesquels la perception de la taxe constitue une aide d'Etat entrant dans le champ d'application des articles 87 et 88 du Traité de Rome qui ne pouvait être établie sans que la Commission européenne se fût prononcée sur la compatibilité du dispositif ; que toutefois à la date de la réclamation, les jugements du Tribunal administratif de Caen et du Tribunal administratif de Lille avaient été frappés d'appel et n'étaient, dès lors, pas de nature à constituer un événement motivant la réclamation au sens des dispositions précitées du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que si la requérante soutient que le refus de prendre en compte au titre du 3ème alinéa de l'article L. 190 une décision juridictionnelle qui n'est pas devenue définitive a pour effet de restreindre pour le contribuable la possibilité d'obtenir restitution de la taxe indue en s'opposant à ce que son action s'exerce sur la période antérieure à cette décision, cette circonstance n'est pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits qui lui sont conférés par l'ordre juridique communautaire ainsi que l'a admis la Cour de justice des communautés européennes par son arrêt du 28 novembre 2000 relatif à cet article ; qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande de question préjudicielle formée par la société requérante sur la conformité de ces dispositions au droit européen, que c'est à bon droit que le tribunal a estimé que, la réclamation étant tardive au regard des droits acquittés en 1999, 2000 et 2001, les conclusions tendant à la décharge de ces droits étaient irrecevables ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société COGEDAC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits de taxe sur certaines dépenses de publicité acquittées au titre des années 1998 à 2000 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme de 3 000 euros que la société COGEDAC demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société COGEDAC est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif COGEDAC et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

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N°08DA01213


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Schilte
Rapporteur ?: M. Antoine Mendras
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 16/06/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08DA01213
Numéro NOR : CETATEXT000021646430 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-06-16;08da01213 ?
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