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16/06/2009 | FRANCE | N°08DA01450

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 16 juin 2009, 08DA01450


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 3 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée le 4 septembre 2008 par la production de l'original, présentée pour M. Jeannot A, élisant domicile chez son avocat, Me Morin, 1 rue Carnot à Boulogne (92100), par Me Morin ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703090 du 26 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2007 par lequel le préfet de l'Eure a prononcé son expulsion du territoire fra

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Vu la requête, enregistrée par télécopie le 3 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée le 4 septembre 2008 par la production de l'original, présentée pour M. Jeannot A, élisant domicile chez son avocat, Me Morin, 1 rue Carnot à Boulogne (92100), par Me Morin ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703090 du 26 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2007 par lequel le préfet de l'Eure a prononcé son expulsion du territoire français et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui renouveler sa carte de résident ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de renouveler sa carte de résident ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé par la seule mention des faits ayant donné lieu à son incarcération ; que l'ensemble de son comportement n'a pas été pris en compte ; qu'il a résidé régulièrement en France plus de dix ans, y compris déduction faite des années d'incarcération, et que le préfet ne justifie pas de la nécessité impérieuse pour l'ordre et la sécurité publique qui seule peut dans ce cas autoriser l'expulsion ; qu'il n'a commis aucune atteinte aux personnes ; que son épouse réside régulièrement en France et qu'il a six enfants résidant en France dont quatre y sont nés et deux sont de nationalité française ; qu'il participe à leur entretien dans la mesure de ses moyens en détention ; qu'il n'a plus de famille proche en République démocratique du Congo ; que la décision attaquée viole donc son droit au respect de sa vie familiale et l'article 3-1° de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que la mesure d'expulsion prive les enfants de leur père ; qu'il a toujours travaillé, y compris en détention, et a fait des efforts de réinsertion qui sont de nature à réduire les risques de récidive ; qu'il a un suivi psychologique et a compris l'avertissement donné par la préfecture ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2009, présenté par le préfet de l'Eure, qui conclut au rejet de la requête en faisant valoir que son arrêté est suffisamment motivé puisqu'il mentionne non seulement les condamnations mais aussi l'avertissement solennel, dont il a fait l'objet à la suite d'un premier arrêté d'expulsion en 1998, et la vie familiale de l'intéressé ; qu'il a fait l'objet de nombreuses condamnations pour des faits en récidive et n'a tenu aucun compte de l'avertissement solennel qui lui a été adressé, après lequel il a encore fait l'objet de deux condamnations ; qu'entré en France en 1993, il n'a obtenu une carte de résident qu'en 1996, a été incarcéré durant les dix ans de sa validité, et n'a pas demandé son renouvellement ; qu'il ne se trouve donc pas dans une catégorie protégée de l'expulsion ; que ses deux fils aînés sont rentrés en France irrégulièrement et sont maintenant majeurs ; qu'à la suite du divorce d'avec leur mère, il ne détient pas l'autorité parentale sur les deux suivants, de nationalité française, à l'entretien desquels il ne justifie pas contribuer ; que s'il produit quelques mandats en 2006 pour l'entretien de ses deux derniers enfants, il ne démontre pas la permanence des liens avec son épouse actuelle, de nationalité congolaise ; que les preuves de travail hors emprisonnement sont peu probantes et que, s'il travaille en prison, c'est notamment pour indemniser ses victimes ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 28 avril 2009 et confirmé par la production de l'original le 5 mai 2009, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que M. A, ressortissant de la République démocratique du Congo, entré en France en 1993 à l'âge de 23 ans, fait appel du jugement du 26 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2007 par lequel le préfet de l'Eure a prononcé son expulsion du territoire français et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui renouveler sa carte de résident ;

Sur la légalité externe :

Considérant que l'arrêté attaqué ne se limite pas à mentionner, comme le soutient le requérant, les condamnations successives dont il a fait l'objet, mais fait aussi état de ce qu'une précédente mesure d'expulsion avait été prise à son encontre en 1998 à la suite d'une première condamnation pour escroquerie, vol, falsification de chèques, usage de faux documents administratifs, puis suspendue avec la délivrance d'un avertissement solennel afin de lui donner une chance de modifier son comportement ; que la décision vise la nécessité de la défense de l'ordre public et mentionne le respect de la vie privée et familiale de l'intéressé ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée n'est donc pas fondé ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ; qu'aux termes de l'article L. 521-2 du même code : Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention étudiant ;

Considérant, en premier lieu, que le requérant soutient qu'il remplissait les conditions prévues par les dispositions précitées et ne pouvait donc être expulsé que dans le cas où son expulsion constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique, ce qui n'était pas démontré en l'espèce ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui a été titulaire d'une carte de résident de janvier 1996 à janvier 2006, était dépourvu de titre de séjour à la date de la décision attaquée et ne comptait pas plus de dix années de résidence régulière en France dont plus de sept passées en détention ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il ne pouvait être expulsé que pour nécessité impérieuse pour la sécurité publique doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. A s'est rendu coupable entre 1996 et 2005 de quatre séries d'infractions similaires consistant en des vols, escroqueries, falsifications et usage de faux documents administratifs commis au préjudice de plusieurs particuliers et entreprises, ayant donné lieu à des condamnations totalisant plus de sept années d'emprisonnement, et ce, malgré la mise en garde solennelle dont il avait fait l'objet à la suite de sa première condamnation ; qu'ainsi, compte tenu de la réitération des infractions et alors que, contrairement à ce qu'a estimé la commission d'expulsion, les perspectives de réinsertion n'apparaissaient pas sérieuses, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la présence de l'intéressé sur le territoire français constituait une menace grave pour l'ordre public ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article 3-1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; que M. A fait valoir qu'il réside en France depuis l'âge de 23 ans, qu'il n'a plus d'attache familiale en République démocratique du Congo en raison du décès de ses parents, que ses six enfants vivent en France et que la décision attaquée a pour effet de les séparer de leur père ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'intéressé, après être entré irrégulièrement en France en 1993 et avoir demandé l'asile politique qui lui a été définitivement refusé en 1994, s'est marié la même année avec une ressortissante française dont il a eu deux enfants, nés en 1993 et 1995, et qui a reconnu son deuxième fils issu d'une précédente union au Congo, lequel a ainsi pu entrer en France au bénéfice du regroupement familial ; que son fils aîné est venu le rejoindre en France irrégulièrement ; que son épouse française a ensuite divorcé et engagé une procédure en désaveu de maternité ; que M. A s'est remarié en 2000 avec une compatriote vivant en France avec qui il a également eu deux enfants, nés en 2000 et 2003 ; que ses deux enfants nés au Congo, dont le second a été confié aux services de l'aide à l'enfance après le divorce, étaient majeurs à la date de la décision attaquée ; que l'intéressé n'a pas la garde de ses deux enfants français et ne soutient pas exercer le droit de visite qui lui a été accordé par le jugement de divorce ; que s'il fait valoir qu'il a l'intention de reprendre la vie commune avec son actuelle épouse, la persistance et l'intensité des liens familiaux ne peuvent être regardées comme établies ; qu'il est, en effet, constant qu'il n'a reçu aucune visite de sa famille durant son incarcération, alors même que le centre pénitentiaire de Val-de-Reuil, où il était écroué depuis novembre 2005, est aisément accessible par les transports en commun depuis la région parisienne où réside son épouse ; que s'il a contribué à l'entretien des enfants par quelques versements au cours de l'année 2006, il n'établit pas en avoir effectué depuis ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la décision attaquée, eu égard à la nécessité d'assurer l'ordre public et la prévention des infractions pénales, n'a ni porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale, ni méconnu les stipulations de l'article 3-1° de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jeannot A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Copie sera transmise au préfet de l'Eure.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA01450
Date de la décision : 16/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Schilte
Rapporteur ?: Mme Marianne Terrasse
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : MORIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-06-16;08da01450 ?
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