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02/07/2009 | FRANCE | N°08DA02081

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 02 juillet 2009, 08DA02081


Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 9 janvier 2009 par courrier original, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803265, en date du 18 novembre 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du

12 novembre 2008 prononçant la reconduite à la frontière de M. Mohammed A et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de l'int

éressé ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le président du Trib...

Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 9 janvier 2009 par courrier original, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803265, en date du 18 novembre 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du

12 novembre 2008 prononçant la reconduite à la frontière de M. Mohammed A et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressé ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le président du Tribunal administratif de Rouen ;

Le préfet soutient :

- que le premier juge a retenu à tort, pour annuler l'arrêté en litige, que M. A n'entrait pas dans le champ d'application du 2° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne pouvait, dès lors, légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; qu'en effet, le premier juge a entaché son jugement d'erreur de droit en estimant que le 2° de cet article trouvait à s'appliquer au cas de l'étranger qui entre en France sans visa, alors que ce cas relève du 1° du même article ; qu'en outre, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen s'est mépris dans son appréciation des faits de l'espèce, dès lors que M. A n'a jamais été en possession, comme il l'a retenu à tort, d'une autorisation provisoire de séjour, mais seulement d'un récépissé de demande de titre de séjour en tant que demandeur d'asile territorial ; qu'à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, M. A entrait dans le champ du 2° de l'article susmentionné, puisqu'il s'est maintenu au-delà de la date de fin de validité du visa de court séjour sous le couvert duquel il est entré le 8 septembre 2002 sur le territoire, lequel document ne lui permettait d'y demeurer que durant trente jours ; que la circonstance que l'intéressé a fait l'objet, le 7 novembre 2003, soit à une date antérieure à celle à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, d'une décision de refus de séjour est, en conséquence et contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, sans incidence sur la légalité dudit arrêté ;

- que les autres moyens invoqués par M. A en première instance ne sont pas fondés ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué a été pris par une autorité régulièrement habilitée ; que, par ailleurs, si M. A a sollicité du préfet de la Seine-et-Marne le 28 juillet 2008 son admission exceptionnelle au séjour et si les services de la préfecture lui ont délivré un accusé de réception de sa demande, ce document ne constitue pas un récépissé de demande de titre de séjour au sens de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas davantage une convocation ; qu'il ne fait, dès lors, pas obstacle à la mise en oeuvre d'une mesure d'éloignement, pas davantage que le dépôt, par lui-même, de ladite demande ; qu'en outre, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que M. A, entré en France en septembre 2002, s'est déclaré célibataire et sans enfant à charge ; que s'il a fait valoir qu'un de ses frères vit régulièrement en France, il a toutefois ajouté ne pas être isolé dans son pays d'origine, où vivent ses parents et ses autres frères ; qu'ainsi et compte tenu de la durée et des conditions du séjour de M. A, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'enfin, M. A, dont la demande d'asile territorial a été rejetée et qui n'apporte aucun élément probant au soutien de ses conclusions, n'établit pas que la désignation du pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prise à son égard méconnaîtrait l'article 3 de la même convention ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 22 janvier 2009 par laquelle le président de la Cour fixe la clôture de l'instruction au 9 mars 2009 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2006-911du 24 juillet 2006 ;

Vu le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Guillaume Mulsant, président-rapporteur, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants :1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ;

Considérant que l'article 52 de la loi du 24 juillet 2006 a introduit à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un I qui prévoit que l'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et précise que l'étranger dispose, pour satisfaire à cette obligation d'un délai d'un mois ; que ce même article abroge les 3° et 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, dans leur rédaction antérieure à la loi du 24 juillet 2006, prévoyaient qu'un étranger pouvait être reconduit à la frontière s'il s'était maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant une décision qui, soit avait refusé de lui délivrer un titre de séjour, de renouveler un tel titre ou qui avait retiré le titre dont il bénéficiait, soit avait retiré ou refusé de renouveler un récépissé de demande de carte de séjour ou une autorisation provisoire de séjour précédemment délivrés ; que, conformément à l'article 118 de la loi du 24 juillet 2006, ces dispositions sont entrées en vigueur le 29 décembre 2006, jour de la publication du décret en Conseil d'Etat pris pour leur application ;

Considérant qu'à compter du 1er janvier 2007 la nouvelle procédure d'obligation de quitter le territoire français est seule applicable lorsque l'autorité administrative refuse à un étranger, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte ou son autorisation provisoire de séjour ; que, si un étranger auquel un titre de séjour a été précédemment refusé ou retiré ne se trouve de ce seul fait ni dans la situation mentionnée au 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni dans celle du 2° du même article, les étrangers qui s'étaient vus opposer de telles décisions avant la publication du décret du 23 décembre 2006 peuvent néanmoins faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière s'ils entrent par ailleurs dans le champ d'application du 1° ou du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006, qui visent respectivement le cas de l'étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, et celui de l'étranger qui s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France ;

Considérant que, pour annuler, par un jugement en date du 18 novembre 2008, l'arrêté du 12 novembre 2008 du PREFET DE L'EURE décidant la reconduite à la frontière de M. A, ressortissant algérien, né le 11 mai 1970, sur le fondement du 2° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé que M. A, qui avait bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour en tant que demandeur de l'asile territorial, était en situation régulière le 7 novembre 2003, date du rejet de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile territorial et que, par suite, dès lors qu'il n'entrait pas dans le champ d'application du 2° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions de l'article L. 511-1-I du même code, relatives à l'obligation de quitter le territoire français, faisaient obstacle à ce qu'un arrêté de reconduite à la frontière soit légalement pris à son encontre ; que le PREFET DE L'EURE forme appel de ce jugement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est entré en France le 8 septembre 2002 sous couvert d'un visa Etats Schengen valable du 16 mars au 15 septembre 2002, qui lui avait été délivré le 16 mars 2002 par les autorités consulaires françaises à Alger et qui lui permettait de demeurer sur le territoire français durant trente jours ; qu'il n'est pas contesté qu'il s'est maintenu sur le territoire français au-delà de ce délai ; que si M. A s'est vu délivrer un récépissé, qui a été renouvelé, puis finalement retiré le 7 novembre 2003, pour permettre l'examen de la demande d'asile territorial qu'il avait formée, il ressort des pièces versées au dossier par le PREFET DE L'EURE que cette demande d'asile territorial n'avait été déposée par l'intéressé que le 25 avril 2003, soit plus de six mois après l'expiration de la durée de validité de son visa ; qu'ainsi, la délivrance, à cette date, de ce document valant autorisation provisoire de séjour ne saurait avoir eu pour effet de régulariser la situation administrative antérieure de M. A, qui a pu, par suite, être regardé à bon droit par le PREFET DE L'EURE comme entrant, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris et alors même qu'il avait fait l'objet d'une décision de refus de séjour, dans le cas prévu au 2° précité de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autorisant sa reconduite à la frontière par l'arrêté en litige ; que, dès lors, le PREFET DE L'EURE est fondé à soutenir que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen s'est fondé à tort sur le motif tiré de l'erreur de droit pour annuler ledit arrêté ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A devant le président du Tribunal administratif de Rouen ;

Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été signé par Mme Rachel B, attachée de l'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, adjoint au chef du bureau de l'immigration, de l'intégration, de l'identité et du codéveloppement de la préfecture de l'Eure, qui bénéficiait d'une délégation de signature qui lui avait été donnée par un arrêté du PREFET DE L'EURE en date du 26 août 2008 régulièrement publié le 28 août 2008 au recueil des actes administratifs de la préfecture ; que cette délégation habilitait notamment Mme B à signer les arrêtés de reconduite à la frontière ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué, qui manque en fait, ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise (...) ; que le dépôt par M. A le 24 juillet 2008 d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour auprès du préfet de la Seine-et-Marne, qui ne lui a délivré, comme il en avait légalement la possibilité dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour, qu'un accusé de réception ne valant pas récépissé de demande de titre de séjour au sens de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'était pas par lui-même de nature à faire obstacle à ce que le PREFET DE L'EURE décide la reconduite à la frontière de l'intéressé ; qu'en outre, dans ces circonstances, M. A ne saurait soutenir, alors qu'il est constant que sa demande a été réceptionnée et instruite, que celle-ci aurait fait l'objet d'un refus d'enregistrement ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que, si M. A a fait état de la présence en France de l'un de ses frères et de nombreux autres membres de sa famille, parmi lesquels figurent un oncle, une tante et des cousins, il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que l'intéressé, qui est célibataire et sans enfant, a conservé des attaches familiales fortes dans son pays d'origine, où résident ses parents et ses autres frères ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard, en outre, aux conditions du séjour de M. A, malgré la durée de ce séjour et les perspectives d'insertion professionnelle qui seraient les siennes, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations susrappelées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la désignation du pays de destination de cette mesure :

Considérant que si M. A concluait devant le premier juge à l'annulation de ladite désignation, il n'a assorti lesdites conclusions d'aucun moyen ; que, dès lors, celles-ci ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'EURE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 12 novembre 2008 décidant de reconduire M. A à la frontière et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressé ; que, dès lors, la demande présentée par ce dernier devant le président du Tribunal administratif de Rouen doit être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0803265 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en date du 18 novembre 2008 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le président du Tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Mohammed A.

Copie sera transmise au PREFET DE L'EURE.

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N°08DA02081 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA02081
Date de la décision : 02/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Guillaume Mulsant
Rapporteur public ?: M. Lepers

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-07-02;08da02081 ?
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