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30/07/2009 | FRANCE | N°08DA02018

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 30 juillet 2009, 08DA02018


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 12 décembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 22 décembre 2008 par la production de l'original, présentée pour Mme Rkia B épouse A, demeurant ..., par la Société d'avocats Potié, Lequien, Cardon, Thiéffry, Lachal et Williate ; Mme B épouse A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805290 du 12 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 décembre 2007 par lequel le préfet du Pas-de-Calais

a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitte...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 12 décembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 22 décembre 2008 par la production de l'original, présentée pour Mme Rkia B épouse A, demeurant ..., par la Société d'avocats Potié, Lequien, Cardon, Thiéffry, Lachal et Williate ; Mme B épouse A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805290 du 12 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 décembre 2007 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays dont elle a la nationalité comme destination en cas de reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à venir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'accompagnant de malade entre dans le champ d'application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que, sa présence aux côtés de son mari étant indispensable compte tenu de l'état de santé de celui-ci, le préfet du Pas-de-Calais a méconnu les dispositions précitées ; que le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'arrêté du préfet a été pris en méconnaissance des articles 3-1° et 9 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ; que l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour entraîne la nullité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français entraîne, par voie de conséquence, la nullité de la décision fixant le pays de destination en cas de reconduite à la frontière ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu la décision du 8 décembre 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai admettant Mme B épouse CHAGAF au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2009, présenté par le préfet du Pas-de-Calais, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que Mme B épouse A entrant dans les catégories d'étrangers susceptibles de bénéficier du regroupement familial, il pouvait rejeter la demande de titre de séjour sans méconnaître les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'est pas établi que la présence de l'intéressée aux côtés de son époux malade soit indispensable, que l'intéressée n'est entrée en France qu'en 2006, alors même que son mari y résidait depuis 1998, qu'elle est arrivée en France au motif d'une visite familiale à son conjoint handicapé et qu'elle est arrivée en France avec trois de ses six enfants seulement ; qu'aux vues de ces éléments, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'aux vues des conditions d'entrée de l'intéressée sur le territoire français, l'attitude de Mme B épouse A s'assimile à un détournement de procédure ; que les enfants de l'intéressée, arrivés sur le territoire français non couverts par un visa, n'ont pas grandi avec la présence constante de leur père, titulaire d'une carte de résident français, et que l'arrêté attaqué n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 3-1° de la convention de New-York ; que l'article 9 de cette convention crée seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, modifié, en matière de séjour et d'emploi ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Guillaume Mulsant, président-rapporteur, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Lachal, substituant Me Lequien, pour Mme B épouse A ;

Considérant que Mme B épouse A, née le 5 mai 1966, de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 12 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2007 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que Mme B épouse A s'est mariée le 24 février 1986 au Maroc avec un compatriote, actuellement titulaire d'une carte de résident de dix ans valable jusqu'au 22 juin 2010 ; que de leur union sont nés sept enfants, le dernier étant né en France en mars 2008 ; que l'intéressée est entrée régulièrement sur le territoire français le 26 août 2006 accompagnée de ses enfants mineurs afin de rejoindre son époux ; qu'il n'est pas contesté que les enfants sont scolarisés ; qu'il ressort des certificats médicaux fournis par l'intéressée, établis antérieurement à la décision attaquée, que M. C, invalide à 80 %, est atteint de la maladie de Parkinson, maladie évolutive nécessitant la présence constante de son épouse à ses côtés ; que les revenus de M. C ne lui permettraient pas, contrairement à ce que soutient le préfet, de bénéficier de la procédure de regroupement familial ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, nonobstant la brève durée de la présence en France de l'intéressée, l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais a porté au droit de Mme B épouse A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et méconnaît, dès lors, les stipulations de l'article 8 de la convention précitée ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et qu'il fixe le pays de destination :

Considérant que l'illégalité dont est entachée la décision par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme B épouse A entache, par voie de conséquence, la légalité des décisions portant respectivement obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B épouse A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

Considérant que les motifs, par lesquels le présent arrêt annule la décision en date du 28 décembre 2007 du préfet du Pas-de-Calais refusant à Mme B épouse A la délivrance d'un titre de séjour, impliquent nécessairement que le préfet délivre à l'intéressée un tel titre ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de délivrer à Mme B épouse A un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, toutefois, d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la Société d'avocats Potié, Lequien, Cardon, Thiéffry, Lachal et Williate, conseil de Mme B épouse A, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-64 du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce au versement de l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0805290 du Tribunal administratif de Lille du 12 novembre 2008 et l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 28 décembre 2007 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Pas-de-Calais de délivrer à Mme B épouse A un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à la Société d'avocats Potié, Lequien, Cardon, Thiéffry, Lachal et Williate, sous réserve de la renonciation de la Société d'avocats Potié, Lequien, Cardon, Thiéffry, Lachal et Williate à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Rkia B épouse A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.

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N°08DA02018 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA02018
Date de la décision : 30/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Guillaume Mulsant
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : LEQUIEN - LACHAL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-07-30;08da02018 ?
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