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30/07/2009 | FRANCE | N°09DA00276

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 30 juillet 2009, 09DA00276


Vu la requête, enregistrée le 20 février 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 23 février 2009 par courrier original, présentée par le PREFET DE L'OISE ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900174, en date du 23 janvier 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du 20 janvier 2009 prononçant la reconduite à la frontière de M. Ahmed A, ainsi que les décisions du même jour désignant la Tunisie comme pays

de destination de cette mesure et plaçant l'intéressé en rétention administra...

Vu la requête, enregistrée le 20 février 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 23 février 2009 par courrier original, présentée par le PREFET DE L'OISE ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900174, en date du 23 janvier 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du 20 janvier 2009 prononçant la reconduite à la frontière de M. Ahmed A, ainsi que les décisions du même jour désignant la Tunisie comme pays de destination de cette mesure et plaçant l'intéressé en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le président du Tribunal administratif de Rouen ;

3°) d'enjoindre à M. A de rembourser la somme de 500 euros qu'il a perçue en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le préfet soutient :

- que le premier juge a prononcé à tort l'annulation de l'arrêté attaqué au motif tiré de l'absence de consultation préalable du médecin inspecteur de la santé publique sur l'état de santé de M. A ; qu'en effet, l'intéressé n'a produit, avant l'intervention de la mesure d'éloignement en litige, aucune pièce médicale, ni n'a dit mot de son état de santé durant son audition ; que s'il a évoqué ses précédentes démarches administratives de façon lapidaire, ses déclarations ni précises, ni circonstanciées, ne sauraient être regardées comme constituant une demande sérieuse de voir sa situation réexaminée ; qu'il est d'ailleurs patent qu'il a refusé de voir un médecin durant sa garde à vue ; qu'en outre, rien dans son dossier ne laissait à penser que M. A pouvait entrer dans la catégorie des étrangers prévue au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; qu'en effet, le médecin chef de la préfecture de police de Paris a estimé, dans un avis établi le 12 février 2007, que M. A pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ; que, ce faisant, ce praticien a implicitement mais nécessairement estimé que M. A pouvait voyager sans risque ; que l'intéressé ne justifie d'aucun changement dans sa situation depuis le prononcé par le préfet de police le 12 octobre 2007 d'un refus de séjour sur le fondement de cet avis, le recours qu'il a exercé contre ce refus ayant été rejeté par le Tribunal administratif de Paris ; que, dans ces conditions et faute d'élément d'information suffisamment précis, l'autorité préfectorale a pu à bon droit estimer ne pas devoir recueillir préalablement au prononcé de l'arrêté de reconduite à la frontière en litige un avis du médecin inspecteur de la santé publique ;

- qu'aucun des autres moyens invoqués par M. A devant le premier juge n'est fondé ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué a été pris par une autorité régulièrement habilitée et s'avère suffisamment motivé tant en droit qu'en fait ; qu'en particulier, l'arrêté en litige n'avait pas à comporter une motivation spéciale relative à l'état de santé de l'intéressé ; qu'au fond, M. A, qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise par le préfet de police le 12 octobre 2007, définitive et exécutoire, entrait dans le cas visé au 3° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de décider qu'il serait reconduit à la frontière ; que, dès lors qu'un traitement approprié à l'état de santé de M. A est disponible dans son pays d'origine, l'intéressé n'établit pas qu'il se trouvait, à la date à laquelle l'arrêté en litige a été pris, dans la situation prévue à l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni dans celle prévue à l'article L. 511-4-10° du même code faisant obstacle à sa reconduite ; qu'en particulier, M. A ne justifie pas, par un certificat médical récent, circonstancié et établi par un médecin agréé, que son état de santé se serait à ce point aggravé qu'il ne pourrait plus désormais être soigné en Tunisie, où l'asthme est généralement pris en charge ; que cet état ne l'a d'ailleurs pas empêché de travailler illégalement sur des chantiers ; que, par ailleurs, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que l'intéressé a conservé des attaches familiales fortes dans son pays d'origine, où résident son épouse et leurs deux enfants mineurs ; qu'il ne justifie pas d'une intégration notable à la société française ; que l'arrêté en litige n'est ainsi pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ; que la désignation du pays de destination de cette mesure est légalement fondée, M. A n'établissant, en particulier, pas que sa vie ou sa liberté seraient menacées en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il ne peut davantage invoquer, dans les circonstances de l'espèce, son état de santé pour soutenir que ladite décision aurait méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 10 mars 2009 par laquelle le président de la Cour fixe la clôture de l'instruction au 27 avril 2009 ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 23 mars 2009, par lequel le PREFET DE L'OISE conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2009 par télécopie et confirmé le 20 avril 2009 par courrier original, présenté pour M. Ahmed A, demeurant ..., par Me Cosme, associée de la SCPA Dumont, Bortolotti, Combes et Associés ; M. A conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au PREFET DE L'OISE de procéder à un nouvel examen de sa situation administrative et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient :

- que le premier juge a accueilli à juste titre le moyen tiré du défaut de consultation préalable par le préfet du médecin inspecteur de la santé publique ; que le préfet ne saurait soutenir à l'appui de sa requête que l'exposant n'aurait pas fait état de ses problèmes de santé durant son audition, alors qu'il a expliqué les démarches qu'il avait effectuées pour régulariser sa situation administrative ; que le préfet a été informé de la nature de ces démarches et de ce que des titres et récépissés de séjour lui avaient été précédemment délivrés en tant qu'étranger malade ; qu'il a également pu être constaté qu'il possède en permanence des médicaments sur lui et les ordonnances permettant d'en obtenir le renouvellement ; que le préfet ne peut davantage déduire de l'absence de demande d'examen médical par l'exposant durant sa garde à vue qu'il n'entendait pas faire valoir ses problèmes de santé, ni invoquer l'impossibilité de suivre un traitement approprié dans son pays d'origine ; que le fait qu'un médecin inspecteur de la santé publique ait émis un avis le 12 février 2007, soit deux années avant le prononcé de l'arrêté en litige, n'était pas de nature à dispenser le préfet de recueillir de nouveau un avis médical, alors que l'asthme sévère dont l'exposant est atteint est une pathologie évolutive, susceptible d'engendrer de graves complications et dont le médecin chef de la préfecture de police de Paris a d'ailleurs estimé qu'elle présentait un caractère de longue durée ; que les seules mentions portées sur l'avis du médecin chef en date du 12 février 2007 ne permettent pas, en outre, d'établir que ce praticien se soit prononcé sur la question de savoir si l'exposant pouvait voyager sans risque, alors pourtant que l'arrêté ministériel du 8 juillet 1999 impose que le médecin inspecteur de la santé publique prenne expressément position sur ce point ; qu'enfin et contrairement à ce que soutient le préfet, le refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français qui lui avait été opposé n'est pas devenu définitif, dès lors qu'il a interjeté appel du jugement du Tribunal administratif de Paris rejetant son recours dirigé contre cette décision ; que la requête du préfet doit ainsi être rejetée ;

- qu'il entend invoquer de nouveau les moyens qu'il a développés devant le premier juge ; qu'ainsi, il n'est pas établi que les décisions en litige aient été prises par une autorité régulièrement habilitée par une délégation valablement publiée ; que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige est insuffisamment motivé, notamment en fait, au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979, plusieurs mentions, notamment celles relatives à la situation familiale de l'exposant, étant stéréotypées ; qu'au fond, il produit deux certificats médicaux rédigés par son médecin traitant, qui est un médecin agréé, dont l'un a été établi à une date postérieure à celle à laquelle l'avis du médecin chef de la préfecture de police de Paris a été émis, qui confirment que l'exposant doit suivre un traitement régulier, à base notamment de corticoïdes, pour soigner un asthme sévère avec complications cardio-respiratoires, dont le défaut nuirait gravement à sa santé et dont la poursuite est impossible dans son pays d'origine ; que cette situation avait précédemment justifié son admission au séjour pour raison médicale ; qu'aucun élément ne vient justifier le changement d'avis du médecin chef de la préfecture de police lorsqu'il s'est prononcé sur la demande de renouvellement de son titre de séjour qu'il avait présentée ; que la situation sanitaire existant en Tunisie n'a pas évolué depuis son admission au séjour de telle manière qu'il pourrait désormais y bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé ; que ce dernier ne s'est pas davantage amélioré depuis lors ; qu'en présence de deux avis médicaux contraires, celui du médecin chef de la préfecture de police, dont se prévaut le PREFET DE L'OISE, doit être écarté, dès lors notamment que ce praticien, contrairement à son médecin traitant, ne l'a pas examiné ; que le préfet n'apporte aucun élément sérieux au soutien de ses allégations quant aux offres de traitement disponibles en Tunisie ; qu'au regard de ces éléments, l'exposant figurait parmi les étrangers visés au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; que l'arrêté en litige a donc méconnu ces dispositions et s'avère, en outre, entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur son état de santé ; que cet arrêté a, par ailleurs, été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'exposant réside, en effet, en France depuis l'année 2000 et a tissé de nombreux liens personnels et privés sur le territoire ; qu'il a séjourné durant une partie de cette période en situation régulière de séjour, ce qui lui a permis de travailler ; qu'il a respecté ses obligations fiscales ; que, dans ces conditions, ledit arrêté porte, alors même qu'il ne dispose pas d'attache familiale en France, à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'alors qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Tunisie, la désignation du pays de renvoi méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la même convention et s'avère entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur son état de santé ; qu'enfin, la décision du même jour le plaçant en rétention administrative doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement sur laquelle elle est fondée ; que le préfet ne justifie pas avoir effectivement vérifié la disponibilité d'un moyen de transport pour procéder à son réacheminement vers la Tunisie ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 18 avril 2009 par télécopie et confirmé le 21 avril 2009 par courrier original, présenté pour M. A et par lequel celui-ci conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 20 avril 2009 par laquelle le président de la Cour décide la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 25 mai 2009, présenté par le PREFET DE L'OISE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; le préfet soutient, en outre, que l'appel formé par M. A contre le jugement du Tribunal administratif de Paris rejetant sa demande dirigée contre le refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français qui lui avait été opposé a été rejeté par la Cour administrative d'appel de Paris à une date antérieure à celle à laquelle l'arrêté et les décisions en litige ont été pris ; que, par ailleurs, M. A n'a pas bénéficié, comme il l'allègue, pendant plus de trois ans de titres de séjour en tant qu'étranger malade pour la pathologie dont il fait état ; qu'il ne justifie pas d'une intégration significative à la société française ; que la décision de placement en rétention en litige a été compétemment prise et s'avère, au fond, légalement justifiée ;

Vu la décision en date du 15 juin 2009 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant à M. A l'aide juridictionnelle totale pour la présente procédure ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 26 juin 2009 et confirmé par la production de l'original le 1er juillet 2009, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; M. A soutient, en outre, que la désignation de la Tunisie comme pays de renvoi et la décision distincte le plaçant en rétention administrative ont méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 juillet 2009 par télécopie, présenté par le PREFET DE L'OISE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. André Schilte, président de la Cour, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Mahieu de la Selarl Eden Avocats, substituant le Cabinet d'avocats Dumont, Bortolloti, Combes et Associés, pour M. A ;

Considérant que, pour annuler, par le jugement attaqué, en date du 23 janvier 2009, l'arrêté du 20 janvier 2009 par lequel le PREFET DE L'OISE a décidé de reconduire M. A, ressortissant tunisien, né le 3 février 1968, à la frontière et a désigné la Tunisie comme pays de destination de cette mesure, ainsi, par voie de conséquence, que la décision du même jour décidant de placer l'intéressé en rétention administrative, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé que le PREFET DE L'OISE, qui devait être regardé comme ayant eu une connaissance suffisante de la nature et de la gravité des troubles dont souffrait M. A, avait omis de consulter le médecin inspecteur de la santé publique avant de prendre l'arrêté de reconduite à la frontière en litige afin, notamment, de s'assurer que l'intéressé pouvait voyager sans risque et que cette omission était de nature à entacher la légalité dudit arrêté ; que le PREFET DE L'OISE forme appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet (...) d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 du même code : L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux deux premiers alinéas de l'article R. 313-22 ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...). L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ; qu'enfin, l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dernières dispositions prévoit que le médecin inspecteur de la santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émette un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays, quelle est la durée prévisible du traitement, et indiquant si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elles prévoient des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du médecin inspecteur de la santé publique ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi que le fait valoir le PREFET DE L'OISE, que M. A n'a fait aucune allusion à son état de santé au cours de l'audition qui a suivi son interpellation, mais s'est borné à déclarer à cette occasion avoir effectué des démarches en 2004 auprès de la préfecture de police de Paris dans le but d'obtenir une admission au séjour, s'être vu délivrer un titre de séjour, qui n'a pas été renouvelé, et être en attente d'une réponse de la préfecture ; que ces déclarations évasives n'étaient pas par elles-mêmes de nature à faire naître un doute sur l'état de santé de l'intéressé et, notamment, sur la possibilité pour lui de voyager sans risque, justifiant une consultation par le PREFET DE L'OISE du médecin inspecteur de la santé publique avant de prendre l'arrêté de reconduite à la frontière en litige ; que si, par ailleurs, le PREFET DE L'OISE a produit devant le magistrat délégué des documents confirmant que M. A s'était précédemment vu délivrer par le préfet de police de Paris un titre de séjour en qualité d'étranger malade et avait fait ensuite l'objet, de la part de cette même autorité et après avis du médecin chef de la préfecture de police, d'un premier refus de séjour le 27 octobre 2004, puis d'un second refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 12 octobre 2007, il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE L'OISE ait disposé, à la date à laquelle il a prononcé la mesure de reconduite à la frontière en litige, d'éléments d'information sur l'état de santé de l'intéressé de nature à justifier une consultation préalable du médecin inspecteur de la santé publique ; que, dès lors, l'arrêté en litige n'a pas été pris sur une procédure irrégulière ; qu'ainsi, le PREFET DE L'OISE est fondé à soutenir que le premier juge a retenu à tort ce motif pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière en litige de même que, par voie de conséquence, la désignation du pays de destination de cette mesure et la décision du même jour plaçant M. A en rétention administrative ;

Considérant qu'il appartient, toutefois, au président de la Cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A tant devant le président du Tribunal administratif de Rouen que devant lui ;

Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui a été prise le 12 octobre 2007 par le préfet de police de Paris et qui est demeurée exécutoire après le rejet, devenu depuis définitif, par le Tribunal administratif de Paris le 15 février 2008 du recours pour excès de pouvoir que l'intéressé avait formé à son encontre ; que M. A entrait donc, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant au PREFET DE L'OISE de décider qu'il serait reconduit à la frontière ;

Considérant, en deuxième lieu, que, par un arrêté du 6 janvier 2009 publié le 8 janvier suivant au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Oise, Mme Patricia B, sous-préfet, secrétaire général de la préfecture, a reçu délégation de M. Grégoire, PREFET DE L'OISE, pour signer en son nom tout arrêté, correspondance, décision, requête et circulaire relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les arrêtés de reconduite à la frontière ; que Mme B était donc régulièrement habilitée à signer l'arrêté en litige ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué, qui manque en fait, doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort de l'examen des motifs de l'arrêté en litige que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la mesure de reconduite à la frontière prise à l'égard de M. A et permettent de s'assurer que le PREFET DE L'OISE s'est livré à un examen de la situation particulière de l'intéressé au regard des dispositions et stipulations applicables ; que, par suite et alors même que ces motifs ne comportent pas d'appréciation spécifique sur l'état de santé de l'intéressé et que certaines mentions seraient rédigées à l'aide de formules stéréotypées, l'arrêté attaqué répond aux exigences de motivation posées tant par les dispositions susrappelées de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers que par les dispositions de la loi susvisée du 11 juillet 1979, modifiée ; que, dans ces conditions, les moyens tirés de ce que ledit arrêté serait insuffisamment motivé et de ce que le PREFET DE L'OISE ne se serait pas livré à un examen effectif de la situation personnelle de M. A, qui manquent en fait, doivent être écartés ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. A fait valoir qu'il souffre d'un asthme sévère associé à des complications cardio-respiratoires, pour lesquels il suit en France un traitement à base notamment de corticoïdes ; que s'il est constant que cette pathologie a justifié l'admission au séjour de l'intéressé, qui a notamment bénéficié de la délivrance d'une première carte de séjour temporaire valable du 5 août 2003 au 4 août 2004, il ressort des pièces du dossier, ainsi que le fait valoir le PREFET DE L'OISE, que le renouvellement de ce titre a été refusé à M. A le 27 octobre 2004 par le préfet de police de Paris et que cette même autorité a, ensuite, refusé de nouveau de délivrer un titre de séjour à l'intéressé le 12 octobre 2007 et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que ces deux refus de séjour successifs ont été pris au vu de deux avis concordants du médecin chef de la préfecture de police selon lesquels si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale de longue durée dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié à son état était cependant disponible dans son pays d'origine ; que ni les certificats médicaux versés au dossier par M. A, ni ses allégations, qui sont contestées, concernant les possibilités de traitement disponibles en Tunisie ne sont de nature à remettre en cause l'appréciation ainsi portée sur son état de santé par l'administration ; que, dès lors, M. A n'établit pas qu'il aurait figuré, à la date à laquelle l'arrêté en litige a été pris, parmi les étrangers visés au 10° précité de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne peuvent faire l'objet d'une reconduite à la frontière ; qu'il n'est pas davantage établi, dans ces circonstances, que ce même arrêté soit entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur l'état de santé de l'intéressé ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que M. A entend invoquer le bénéfice de ces stipulations en faisant valoir qu'il réside en France depuis l'année 2000, qu'il y a séjourné durant une partie de cette période en situation régulière de séjour, ce qui lui a permis de travailler, et qu'il a tissé de nombreux liens amicaux sur le territoire et a respecté ses obligations fiscales ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'intéressé a conservé des attaches familiales fortes dans son pays d'origine, dans lequel résident, ainsi qu'il l'a lui-même déclaré à l'administration, son épouse et leurs deux enfants mineurs ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard, en outre, aux conditions de son séjour, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit de M. A, malgré la bonne intégration dont il aurait fait preuve et les liens qu'il aurait tissés sur le territoire français, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, dès lors, par méconnu les stipulations susrappelées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la désignation du pays de destination de cette mesure :

Considérant, d'une part, que l'arrêté susmentionné du PREFET DE L'OISE en date du 6 janvier 2009, publié le 8 janvier suivant au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Oise, a pu légalement donner délégation à Mme Patricia B, sous-préfet, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer la désignation en litige ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué, qui manque en fait, doit être écarté ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi (...) ; qu'aux termes de l'article 3 de la même convention : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; que si M. A entend se prévaloir de ces stipulations en invoquant son état de santé, il ne ressort pas, ainsi qu'il vient d'être dit, des pièces du dossier que l'intéressé ne puisse bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée à son état en Tunisie, où l'asthme est généralement traité ; qu'il n'est ainsi pas établi, dans ces conditions, que M. A risquerait actuellement et à titre personnel d'être soumis, en tout état de cause, à des traitements prohibés par les stipulations précitées en cas de retour dans ce pays ; que, dès lors, ledit moyen ne peut qu'être écarté ; qu'il n'est pas davantage établi, dans ces circonstances, que cette même décision serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur l'état de santé de l'intéressé ;

Considérant, enfin, que compte tenu de ce qui a été dit précédemment concernant les circonstances caractérisant la vie privée et familiale de M. A et eu égard notamment aux attaches familiales fortes conservées par l'intéressé dans son pays d'origine, ladite désignation n'a pas méconnu les stipulations susrappelées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision du même jour plaçant l'intéressé en rétention administrative :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté susmentionné du PREFET DE L'OISE en date du 6 janvier 2009, publié le 8 janvier suivant au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Oise, a pu légalement donner délégation à Mme Patricia B à l'effet de signer la décision en litige ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué, qui manque en fait, doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. A soutient que le PREFET DE L'OISE ne justifierait pas avoir effectivement vérifié la disponibilité d'un moyen de transport pour procéder à son réacheminement vers la Tunisie, il ressort de l'examen de ladite décision que celle-ci n'est, en tout état de cause, pas fondée sur ce seul motif, mais également sur celui, non contesté, tiré de ce que l'intéressé est démuni de document de voyage ; que, dès lors, ledit moyen, qui est inopérant, doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que compte tenu de ce qui a été dit précédemment concernant les circonstances caractérisant la vie privée et familiale de M. A, il ne ressort pas, en tout état de cause, des pièces du dossier que ladite décision ait méconnu les stipulations susrappelées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'aucun des moyens présentés par M. A à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière en litige ne peut être accueilli ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision le plaçant en rétention administrative doit être annulée en conséquence de l'illégalité dudit arrêté ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 20 janvier 2009 décidant de reconduire M. A à la frontière et désignant la Tunisie comme pays de destination de cette mesure, ainsi que la décision du même jour plaçant l'intéressé en rétention administrative ; que, dès lors, la demande présentée par M. A devant le président du Tribunal administratif de Rouen, de même, en tout état de cause, que ses conclusions, au demeurant nouvelles en appel, tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à l'administration de procéder à un nouvel examen de sa situation administrative, doivent être rejetées ; qu'enfin, il n'appartient pas au juge d'appel des reconduites à la frontière, dans le cadre de la présente instance, d'enjoindre à l'intéressé de reverser à l'Etat la somme qui a été mise à sa charge par le premier juge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions présentées à cette fin par le PREFET DE L'OISE doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0900174 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en date du 23 janvier 2009 est annulé.

Article 2 : La demande et les conclusions respectivement présentées par M. A devant le président du Tribunal administratif de Rouen et devant le président de la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du PREFET DE L'OISE est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Ahmed A.

Copie sera adressée au PREFET DE L'OISE.

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N°09DA00276 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 09DA00276
Date de la décision : 30/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. André Schilte
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS DUMONT BORTOLOTTI COMBES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-07-30;09da00276 ?
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