La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2009 | FRANCE | N°08DA00940

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 01 octobre 2009, 08DA00940


Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Hervé A, demeurant ..., par Me Denecker ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0703917-0703918-0703919-0703920-0706718, en date du 29 mai 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a, après avoir annulé les décisions ministérielles portant retrait de deux et trois points de son permis de conduire consécutives aux infractions commises les 24 juin et 11 septembre 2003, rejeté le surplus de ses dema

ndes tendant à l'annulation, d'une part de la décision du 1er octobre...

Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Hervé A, demeurant ..., par Me Denecker ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0703917-0703918-0703919-0703920-0706718, en date du 29 mai 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a, après avoir annulé les décisions ministérielles portant retrait de deux et trois points de son permis de conduire consécutives aux infractions commises les 24 juin et 11 septembre 2003, rejeté le surplus de ses demandes tendant à l'annulation, d'une part de la décision du 1er octobre 2007 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a retiré quatre points de son permis de conduire et l'a informé de la perte de sa validité, et, d'autre part, des décisions ministérielles portant retrait de quatre, quatre et un points dudit titre consécutives aux infractions commises les 6 septembre 2004, 30 avril 2006 et 19 juin 2006 ;

2°) d'annuler les décisions attaquées ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réaffecter douze points sur son permis de conduire ;

4°) de mettre à la charge du ministre de l'intérieur la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le premier juge n'a pas tiré les conséquences de l'ajout de points dont il a bénéficié suite au stage de sensibilisation qu'il a effectué le 5 octobre 2005 ; que la réalité des infractions n'est pas établie par le règlement des amendes ou par l'émission de titres exécutoires, conformément aux articles L. 223-1 et R. 223-3 du code de la route ; que les décisions subséquentes de retrait de points sont entachées d'illégalité ; que les décisions portant retraits de points méconnaissent les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; que les formulaires cerfa produits par l'administration ne citent pas les articles L. 221-5 à L. 225-9 du code de la route ; qu'il a été destinataire d'une information erronée, les formulaires produits relatifs aux différentes infractions commises mentionnant que le contrevenant ne peut obtenir copie des informations relatives à son permis de conduire, et ce, en méconnaissance de l'article L. 225-3 du code de la route et de l'article 4 de la loi du 17 juillet 1978 ; qu'il n'a pas été informé du fait que le traitement automatisé porte également sur la reconstitution de points ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu l'ordonnance, en date du 30 juin 2008, portant clôture de l'instruction au 30 octobre 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2008, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui demande à la Cour de rejeter la requête ; il soutient qu'il n'y a plus d'obligation d'informer le contrevenant du nombre de points susceptible de lui être retiré ; que les informations prévues par les textes ont été portées à la connaissance de M. A ; que le défaut de notification de chaque décision de retrait de points est sans incidence sur la légalité de la décision référencée 48S ; que l'établissement de la réalité de l'infraction relève de la procédure judiciaire, le ministre de l'intérieur étant en situation de compétence liée ; que le requérant n'a pas contesté les infractions dans le délai requis ; qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative d'apprécier une contestation relative au paiement des amendes forfaitaires ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 20 août 2008, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que le procès-verbal relatif à l'infraction commise le 19 juin 2006, n'est pas signé, et pour laquelle le contrevenant n'a pas reconnu avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention ; que l'absence d'une seule des informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route entraîne l'annulation de la décision de retrait de points ;

Vu la lettre, en date du 24 juin 2009, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Albert Lequien, président-assesseur, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que M. A relève appel du jugement, en date du 29 mai 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a, après avoir annulé les décisions ministérielles portant retrait de deux et trois points de son permis de conduire consécutives aux infractions commises les 24 juin et 11 septembre 2003, rejeté le surplus de ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 1er octobre 2007 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a retiré quatre points de son permis de conduire et l'a informé de la perte de sa validité, et, d'autre part, des décisions ministérielles portant retrait de quatre, quatre et un points dudit titre consécutives aux infractions commises les 6 octobre 2004, 30 avril 2006 et 19 juin 2006 ;

Sur la légalité des décisions ministérielles portant retrait de points :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'examen des mémoires de première instance que le moyen tiré de ce que le ministre de l'intérieur n'établirait pas, en application de l'article L. 223-1 du code de la route, la réalité des différentes infractions relève d'une cause juridique distincte de celle ouverte en première instance dans le délai de recours contentieux, lequel a commencé à courir, devant cette juridiction, au plus tard à la date d'enregistrement au greffe des demandes de première instance ; que ce moyen qui n'a été développé qu'à l'occasion du dépôt d'un mémoire en réplique de l'intéressé devant le Tribunal le 3 janvier 2008, présentait ainsi le caractère d'un moyen nouveau qui, produit après l'expiration des délais de recours contentieux était tardif et doit, par suite, être écarté comme irrecevable ;

Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 223-1, L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, lesquelles constituent une garantie essentielle lui permettant de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tout moyen, qu'elle a satisfait à cette obligation d'information ;

En ce qui concerne l'infraction commise le 6 octobre 2004 :

Considérant qu'il ressort du procès-verbal d'audition et de l'annexe relative à l'information du contrevenant concernant le retrait de points produits par l'administration que, si M. A a signé cette annexe, laquelle précise notamment qu'il encourt un retrait de points ainsi que l'existence et les modalités d'accès au traitement automatisé, l'intéressé n'a en revanche pas été avisé des informations lui permettant de contester la réalité de cette infraction ; qu'ainsi, l'administration n'ayant pas satisfait à l'obligation d'information préalable, la décision ministérielle portant retrait de quatre points du permis de conduire de M. A consécutive à l'infraction commise le 6 octobre 2004 est intervenue au terme d'une procédure irrégulière et doit, par suite, être annulée ;

En ce qui concerne l'infraction commise le 30 avril 2006 :

Considérant que si l'administration produit une quittance établie le jour où l'infraction a été commise et remise le jour même par l'agent verbalisateur à M. A contre règlement de l'amende forfaitaire et au verso de laquelle figurent les éléments d'information prévus par le code de la route, le ministre de l'intérieur n'établit ni même n'allègue que cette information a été préalable au paiement de l'amende ; que le requérant doit donc être regardé comme ayant été placé dans l'impossibilité de faire le choix, en connaissance de cause, d'acquitter ou non l'amende forfaitaire ; qu'ainsi, M. A n'a pas pu bénéficier de l'information préalable exigée par les dispositions précitées du code de la route qui présente un caractère substantiel ; que, par suite, le requérant est fondé à soutenir que le retrait de quatre points affectant son permis de conduire est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière ;

En ce qui concerne l'infraction commise le 19 juin 2006 :

Considérant que le procès-verbal produit par l'administration ne comporte pas l'identité du contrevenant et n'est pas signé par l'intéressé ; qu'un tel procès-verbal ne suffit pas à établir que M. A se serait vu délivrer l'ensemble des informations prévues par les dispositions susmentionnées du code de la route ; que, dès lors, le retrait de points opéré à la suite de l'infraction précitée doit être regardé comme intervenu au terme d'une procédure irrégulière et, par suite, comme entaché d'illégalité ;

En ce qui concerne l'infraction commise le 1er mars 2007 :

Considérant que l'administration a produit devant les premiers juges le procès-verbal de contravention relatif à l'infraction du 1er mars 2007 où figurent notamment les mentions selon lesquelles le contrevenant ne reconnaît pas l'infraction et reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention qui comportent les informations exigées par les articles L. 223-1, L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route en ce qui concerne les modalités de retrait de points, l'existence d'un traitement automatisé portant sur le retrait et, contrairement à ce que soutient M. A, sur la reconstitution de ces points et la possibilité pour l'auteur de l'infraction d'y accéder ; que le procès-verbal indique que le contrevenant a refusé de signer ; que, toutefois, nonobstant ce refus, l'intéressé doit être regardé comme ayant pris connaissance au préalable du contenu du document qu'il refusait de signer et notamment des mentions précitées ; que, si l'article L. 223-3 du code de la route prévoit d'informer le contrevenant de la possibilité d'exercer son droit d'accès à un traitement automatisé de ses points, ainsi qu'il est précisé dans la rédaction de l'article issu de la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003, conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9 du même code, la circonstance que le formulaire communiqué à l'intéressé ne faisait pas référence aux articles L. 225-1 à L. 225-9 du code de la route, n'a toutefois pas privé le contrevenant d'une information indispensable pour contester la réalité de l'infraction et en mesurer les conséquences sur la validité du permis ; que la circonstance enfin que ces mentions aient indiqué que le contrevenant peut exercer, auprès du service préfectoral de son domicile, un droit d'accès au traitement automatisé, sans pouvoir en obtenir une copie n'a pas privé l'intéressé d'une information constituant par elle-même une garantie substantielle ; que les modalités concrètes d'exercice du droit d'accès sont par elles-mêmes sans influence sur la légalité des décisions de retraits de points ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pu, de ce fait, bénéficier de l'accomplissement de la formalité substantielle prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route en ce qui concerne la perte de ses points, l'existence d'un traitement automatisé et la possibilité d'y avoir accès ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions ministérielles portant retrait de quatre, quatre et un points, consécutives aux infractions commises les 6 octobre 2004, 30 avril 2006 et 19 juin 2006 ; qu'ainsi, quatorze points ont été irrégulièrement retirés au capital de points affectant le permis de conduire de M. A sur les dix-huit points qui lui ont été retirés ; que, par ailleurs, suite à un stage, M. A a bénéficié de la reconstitution de quatre points sur son permis de conduire, le 5 octobre 2005 ; que, par voie de conséquence, et le solde de points du permis de conduire du requérant n'étant pas réduit à zéro à la date de la décision du ministre de l'intérieur du 1er octobre 2007 portant invalidation de son titre de conduite, celle-ci doit être également annulée ; qu'en revanche, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur lui retirant quatre points de son permis de conduire à la suite de l'infraction au code de la route commise le 1er mars 2007 a été rejetée ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'exécution du présent arrêt implique, en l'état de l'instruction, et sous réserve que le requérant n'ait pas commis d'autres infractions ayant entraîné une perte de points, la restitution de douze points au permis de conduire de M. A ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser la somme de 1 500 euros à M. A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lille, en date du 29 mai 2008, la décision du ministre de l'intérieur du 1er octobre 2007 en tant qu'elle porte invalidation du permis de conduire de M. A, et les décisions ministérielles portant retrait de quatre, quatre et un points, consécutives aux infractions commises les 6 octobre 2004, 30 avril 2006 et 19 juin 2006 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, sous réserve que M. A n'ait pas commis d'autres infractions ayant entraîné une perte de points, de restituer douze points à son permis de conduire.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. A une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hervé A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Copie sera transmise, en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative, au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Lille.

''

''

''

''

2

N°08DA00940


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS COCHET DENECKER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Date de la décision : 01/10/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08DA00940
Numéro NOR : CETATEXT000022364196 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-10-01;08da00940 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award