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08/10/2009 | FRANCE | N°08DA01358

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 08 octobre 2009, 08DA01358


Vu la requête, enregistrée le 20 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Sylviane A, demeurant ..., par Me Legendre, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601487 du 12 juin 2008 du Tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2005 par laquelle la Commission départementale d'aménagement foncier de l'Eure a, à la suite de la réclamation de M. et Mme Jean B et M. Emmanuel B, gérant du GAEC de la Huline, modifié ses attributions dans le cadre des o

pérations de remembrement du secteur II A 28 menées notamment sur la ...

Vu la requête, enregistrée le 20 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Sylviane A, demeurant ..., par Me Legendre, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601487 du 12 juin 2008 du Tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2005 par laquelle la Commission départementale d'aménagement foncier de l'Eure a, à la suite de la réclamation de M. et Mme Jean B et M. Emmanuel B, gérant du GAEC de la Huline, modifié ses attributions dans le cadre des opérations de remembrement du secteur II A 28 menées notamment sur la commune de Bosc Benard Crescy ;

2°) d'annuler ladite décision du 13 octobre 2005 ;

3°) d'enjoindre à la commission départementale d'aménagement foncier de statuer à nouveau dans un délai d'un an à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que c'est à tort que le premiers juges ont estimé qu'elle avait été en mesure de faire valoir ses observations devant la commission départementale d'aménagement foncier quant aux conséquences de l'échange des parcelles YC 13 et YD 5 ; qu'elle a indiqué dans un courrier du 2 janvier 2006 adressé à la présidente de ladite commission qu'elle a été confrontée d'emblée à sa nouvelle situation parcellaire et n'a eu que quatre minutes pour annoncer son désaccord ; qu'elle n'a pas été entendue dans des conditions normales et n'a pu vérifier le tableau de calcul des coefficients d'éloignement qui lui a été soumis ;

- que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision du 13 octobre 2005 en litige n'aggravait pas ses conditions d'exploitation ; qu'elle a établi un tableau de coefficient d'éloignement dont le contenu est sensiblement différent de celui sur lequel le tribunal administratif s'est fondé ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu l'ordonnance du 28 août 2008 portant clôture de l'instruction au 28 novembre 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2008, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche ; il conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme A à lui verser une somme de 1 168 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il fait valoir :

- que contrairement à ce qui est soutenu par Mme A, elle a été convoquée le 11 octobre 2005 devant la commission départementale d'aménagement foncier pour y présenter ses éventuelles observations à la séance du 13 octobre 2005 ; que dès lors que la réalité de la convocation est établie, peu importe que celle-ci ait pris une forme orale ; qu'un géomètre a été mis à la disposition des requérants ou des tiers intéressés, dont Mme A, pour les éclairer sur leurs intérêts ;

- que la commission départementale d'aménagement foncier a respecté, à l'échelle de son exploitation, l'équivalence en valeur de productivité réelle entre les apports et les attributions de chaque propriétaire ; qu'en l'espèce, à la suite de la nouvelle répartition, Mme A a bénéficié d'une augmentation de la superficie des terres de classe 1 dont la valeur à l'hectare a été fixée à 10 000 points avec en corollaire, une diminution des surfaces dans les classes 2, 3 et 4 avec une valeur culturale à l'hectare fixée respectivement à 9 500, 9 000 et 8 000 points ; que la requérante ne peut valablement se prévaloir de son tableau de coefficient d'éloignement modifié, la déviation de la RD 313 n'étant pas encore réalisée ; qu'il n'était pas possible à ce stade du projet de connaître de façon précise le schéma de rétablissement des voies de desserte coupées par la future emprise routière ;

Vu l'ordonnance du 27 novembre 2008 portant réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 décembre 2008, présenté pour M. Jean B, demeurant ..., Mme Annick B, demeurant ..., M. Emmanuel B, demeurant ..., M. Philippe B, demeurant ..., et le GAEC de la Huline, dont le siège est ..., par la SCP Person et Hemery ; ils concluent au rejet de la requête et à la condamnation de Mme A à leur verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils font valoir :

- que conformément à l'article R. 121-11 du code rural, la commission départementale d'aménagement foncier peut convoquer devant elle ceux des intéressés qu'elle juge devoir être entendus ; que si la jurisprudence impose un délai suffisant entre l'envoi de la convocation et la date de la réunion, une convocation orale 48 heures avant la tenue de la séance n'est pas pour autant illégale ; que Mme A a démontré, par sa présence à la réunion du 13 octobre 2005, qu'elle avait eu le temps de se préparer à celle-ci ; que dans ces conditions, le caractère contradictoire de l'instruction n'a pas été méconnu ;

- que la commission départementale d'aménagement foncier a respecté, à l'échelle de son exploitation, l'équivalence en valeur de productivité réelle entre les apports et les attributions de chaque propriétaire ; qu'en l'espèce, à la suite de la nouvelle répartition, Mme A a bénéficié d'une augmentation de la superficie des terres de classe 1 dont la valeur à l'hectare a été fixée à 10 000 points avec en corollaire, une diminution des surfaces dans les classes 2, 3 et 4 avec une valeur culturale à l'hectare fixée respectivement à 9 500, 9 000 et 8 000 points ; que la requérante ne peut valablement se prévaloir de son tableau de coefficient d'éloignement modifié, la déviation de la RD 313 n'étant pas encore réalisée ; qu'il n'était pas possible à ce stade du projet de connaître de façon précise le schéma de rétablissement des voies de desserte coupées par la future emprise routière ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 septembre 2009, présenté pour Mme A ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 septembre 2009, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Pulvermacker, avocat, pour Mme A ;

Considérant que par un jugement du 12 juin 2008, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de Mme Sylvianne A dirigée contre la décision du 13 octobre 2005 par laquelle la Commission départementale d'aménagement foncier de l'Eure a, à la suite de la réclamation de M. et Mme Jean B et M. Emmanuel B, gérant du GAEC de la Huline, modifié ses attributions dans le cadre des opérations de remembrement du secteur II A 28 menées notamment sur la commune de Bosc Benard Crescy ; que Mme A relève appel de ce jugement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-10 du code rural, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : La commission départementale d'aménagement foncier a qualité pour modifier les opérations décidées par la commission communale ou intercommunale d'aménagement foncier. (...) ; qu'aux termes de l'article R. 121-11 du même code, dans sa rédaction alors applicable : Les intéressés présentent par écrit à la commission départementale d'aménagement foncier leurs observations et réclamations. Sur leur demande adressée par écrit au président de cette commission, ils sont entendus par celle-ci. La commission départementale peut en outre convoquer devant elle ceux des intéressés qu'elle juge devoir être entendus. (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque la commission départementale d'aménagement foncier est saisie d'une réclamation formée par un intéressé et à l'occasion de l'examen de laquelle une modification des attributions d'un propriétaire de terres comprises dans le périmètre des opérations est susceptible d'être opérée, celle-ci est tenue, avant de statuer sur ladite réclamation, d'apporter en temps utile audit propriétaire les informations de nature à le mettre à même de formuler d'éventuelles observations quant à la modification envisagée ;

Considérant que, par une décision du 13 octobre 2005, la Commission départementale d'aménagement foncier de l'Eure, statuant sur la réclamation présentée par M. et Mme Jean B et M. Emmanuel B, gérant du GAEC de la Huline, a modifié la situation de Mme A en ce qu'elle lui a attribué une partie de la parcelle YD 5, propriété de M. et Mme Jean B en échange de la parcelle YC 13 qui lui avait été initialement attribuée ; que si le ministre de l'agriculture et de la pêche fait valoir que Mme A a été convoquée oralement le 11 octobre 2005 à la réunion de la commission du 13 octobre 2005, et invitée à formuler à cette occasion ses observations sur la réclamation formée par les consorts B, il est constant que Mme A n'a été destinataire d'aucun document préalablement à son audition par la commission ; que, dès lors, et nonobstant la circonstance qu'elle ait été présente à la réunion de ladite commission, Mme A n'a pas été mise à même de présenter utilement ses observations sur la modification qui a été apportée par la décision attaquée au plan arrêté par la commission intercommunale d'aménagement foncier ; que, par suite, ladite décision est intervenue au terme d'une procédure irrégulière méconnaissant le principe du contradictoire ; qu'il suit de là que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu d'annuler ledit jugement ainsi que la décision du 13 octobre 2005 par laquelle la Commission départementale d'aménagement foncier de l'Eure, statuant sur la réclamation des consorts B, a modifié les attributions de Mme A ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d 'exécution dans un sens déterminé, la juridiction saisie en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 121-10 du code rural : En cas d'annulation (juridictionnelle) d'une décision de la commission départementale, la nouvelle décision de la commission doit intervenir dans le délai d'un an à compter de la date à laquelle cette annulation est devenue définitive. ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 121-10 du code rural que l'annulation de la décision par laquelle la Commission départementale d'aménagement foncier de l'Eure a, à la suite de la réclamation de M. et Mme Jean B et M. Emmanuel B, modifié les attributions de Mme A implique seulement un nouvel examen de sa situation dans le délai d'un an ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme à M. et Mme Jean B, MM Emmanuel et Philippe B et le GAEC de la Huline ainsi qu'à l'Etat au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Mme A de la somme de 1 500 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0601487 du 12 juin 2008 du Tribunal administratif de Rouen et la décision du 13 octobre 2005 de la Commission départementale d'aménagement foncier de l'Eure statuant sur la réclamation des consorts B sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la Commission départementale d'aménagement foncier de l'Eure de réexaminer la situation de Mme A dans un délai d'un an.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l'Etat et de MM Emmanuel et Philippe B et du GAEC de la Huline tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Sylviane A, au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, à M. Jean B, Mme Annick B, M. Emmanuel B, M. Philippe B et au GAEC de la Huline.

Copie sera transmise au préfet de l'Eure.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA01358
Date de la décision : 08/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Gayet
Rapporteur ?: Mme Marianne (AC) Terrasse
Rapporteur public ?: M. de Pontonx
Avocat(s) : LEGENDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-10-08;08da01358 ?
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