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20/10/2009 | FRANCE | N°07DA00376

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 20 octobre 2009, 07DA00376


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 9 mars 2007 et régularisée par la production de l'original le 14 mars 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SOCIETE LEON GROSSE, dont le siège est rue de l'Avenir, BP 605 à Aix les Bains (73100), par la CMS Bureau Francis Lefebvre ; la SOCIETE LEON GROSSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0302483 du 9 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que la Région Nord/Pas-de-Calais soit condamnée à lui verser la somme de 1 298 081

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Vu la requête, enregistrée par télécopie le 9 mars 2007 et régularisée par la production de l'original le 14 mars 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SOCIETE LEON GROSSE, dont le siège est rue de l'Avenir, BP 605 à Aix les Bains (73100), par la CMS Bureau Francis Lefebvre ; la SOCIETE LEON GROSSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0302483 du 9 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que la Région Nord/Pas-de-Calais soit condamnée à lui verser la somme de 1 298 081,53 euros hors taxes soit 1 552 505,51 euros toutes taxes comprises au titre des dépenses supplémentaires, 347 618,61 euros au titre des intérêts moratoires et 50 000 euros au titre des intérêts compensatoires ainsi que les frais d'expertise fixés à la somme de 6 174,17 euros et 25 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre principal, de mettre à la charge de la Région Nord/Pas-de-Calais la somme de 1 552 505,51 euros toutes taxes comprises correspondant aux dépenses supplémentaires supportées par l'entreprise, de condamner la Région à lui verser les intérêts au taux légal sur cette somme, ceux-ci étant capitalisés au 1er octobre 2004 ainsi que des intérêts compensatoires d'un montant de 50 000 euros, de mettre enfin à sa charge les frais d'expertise fixés à la somme de 6 174,17 euros et 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la Région Nord/Pas-de-Calais au paiement d'une somme de 214 086,61 euros hors taxes au titre de l'enrichissement sans cause, de 1 083 994,92 euros hors taxes en réparation du préjudice subi ou, subsidiairement, de 214 086,61 euros hors taxes si l'enrichissement sans cause n'est pas admis et au paiement des intérêts sur ces sommes ;

Elle soutient que le jugement du Tribunal administratif de Lille a été rendu sans qu'il ait été tenu compte du mémoire de la SOCIETE LEON GROSSE enregistré le 1er octobre 2004 et de celui produit en réponse au moyen d'ordre public ; que ce jugement est fondé sur un moyen tiré de la nullité du marché qui a été, à tort, soulevé d'office par le juge ; que ce marché signé et transmis au préfet le 21 avril 1998 puis notifié à l'entreprise le 13 mai 1998 n'est pas entaché de nullité nonobstant un calendrier prévisionnel des travaux et un début d'exécution antérieurs à la notification ; que le constat de la nullité du marché caractérise une atteinte au principe de sécurité juridique ; que la présence d'amiante dans les colles a entraîné des travaux non prévus au marché et des délais d'exécution supplémentaires induisant des surcoûts pour lesquels l'entreprise doit être rémunérée ; que le décalage dans le démarrage des travaux par rapport au calendrier prévisionnel consécutif au retard mis par le maître de l'ouvrage pour ordonner l'exécution du marché a bouleversé l'économie de l'offre de l'entreprise tant en raison de l'immobilisation de capacités de production dans l'attente de l'ordre de service et des modifications apportées à l'organisation des travaux que par l'accomplissement d'une part importante des travaux en période hivernale et en dehors des vacances scolaires ; que les travaux de désamiantage représentent un enrichissement sans cause pour la région Nord/Pas-de-Calais ; que les dépenses supplémentaires exposées pour exécuter les travaux durant la période hivernale et en dehors des vacances scolaires ont présenté un caractère utile pour l'administration ; que la nullité du marché résulterait d'une faute de la Région qui engagerait sa responsabilité quasi délictuelle au regard des préjudices constitués par le manque à gagner subi par la société durant les quatre mois de retard et par les coûts supplémentaires induits par ce retard ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2007, présenté pour la Région Nord/Pas-de-Calais, dont le siège est Hôtel de Région à Lille Cedex (59555), représentée par son président en exercice, par la SCP Levasseur, Castille, Levasseur, qui conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que la Cour ne prononce que la nullité relative du marché au motif que le marché n'a pris effet qu'après sa notification régulière postérieure à la transmission au préfet et n'a donc pas été conclu en violation des dispositions de l'article 250 du code des marchés publics malgré l'existence d'un calendrier prévisionnel et la tenue de réunions préparatoires antérieures à la notification ; que le désamiantage éventuel des colles avait été évoqué lors de la conclusion du marché et la SOCIETE LEON GROSSE avait expressément envisagé la possibilité de devoir adapter sa méthodologie en cas de présence d'amiante dans les colles ; que le décalage intervenu dans le démarrage du chantier est invoqué par rapport à un calendrier prévisionnel sans valeur contractuelle et si des surcoûts ont effectivement pu être induits par le retard, ces derniers ont déjà donné lieu au paiement d'une provision ; que la durée totale du chantier n'a pas été modifiée ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 février 2008, présenté pour la SOCIETE LEON GROSSE qui conclut aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens et fait valoir en outre que le calendrier était inclus dans l'offre de telle sorte que les modifications apportées à ce calendrier par la Région engagent sa responsabilité ; que la Région a reconnu la réalité des coûts supplémentaires induits par le décalage du programme des travaux ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 mars 2008, présenté pour la SOCIETE LEON GROSSE ; elle demande la capitalisation des intérêts pour l'année expirée et pour les échéances ultérieures ;

Vu l'ordonnance en date du 20 octobre 2008 fixant la clôture d'instruction au 19 décembre 2008, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 1er octobre 2009 et régularisé par la production de l'original le 5 octobre 2009, présenté pour la SOCIETE LEON GROSSE après clôture de l'instruction ;

Vu la note en délibéré, enregistrée par télécopie le 7 octobre 2009 et confirmée par la production de l'original le 9 octobre 2009, présentée pour la SOCIETE LEON GROSSE, par Me Tenailleau de la CMS Bureau Francis Lefebvre ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance en date du 7 juin 2002 par laquelle le président du Tribunal administratif de Lille a taxé et liquidé les frais d'expertise à un montant de 6 174,17 euros ;

Vu l'ordonnance en date du 20 décembre 2004 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Lille a accordé une provision de 300 000 euros à la SOCIETE ANONYME LEON GROSSE ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Michel Durand, président-assesseur, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Weill, pour la SOCIETE LEON GROSSE et Me Levasseur, pour la Région Nord/Pas-de-Calais ;

Considérant que la Région Nord/Pas-de-Calais et le groupement d'entreprises Léon Grosse Rémy, représenté par la SOCIETE LEON GROSSE ont conclu le 21 avril 1998 pour une durée de dix ans un marché portant sur des travaux de rénovation et d'entretien du lycée Chatelet à Douai d'un montant de 171 221 011,11 francs (26 102 474,87 euros) ; que, par requête enregistrée le 2 juin 2003 la SOCIETE LEON GROSSE a saisi le Tribunal administratif de Lille d'une demande de condamnation de la Région Nord/Pas-de-Calais à lui payer une somme d'un montant de 1 552 505,51 euros toutes taxes comprises ainsi que les intérêts moratoires afférents à cette somme et 50 000 euros d'intérêts compensatoires en conséquence de travaux supplémentaires constitués par le désamiantage des colles de revêtements de sols et de surcoûts résultant du bouleversement du calendrier d'exécution des travaux ; que, par jugement du 9 janvier 2007, dont la SOCIETE LEON GROSSE relève appel, le Tribunal administratif de Lille a soulevé d'office la nullité du marché et a rejeté sa demande ; que, par la requête susvisée, la SOCIETE LEON GROSSE demande, à titre principal, à ce que la Région Nord/Pas-de-Calais soit condamnée à lui verser une indemnité de 1 552 505,51 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts de droit et de 50 000 euros d'intérêts compensatoires en application du marché ou, à titre subsidiaire, 214 086,61 euros hors taxes au titre de l'enrichissement sans cause et 1 083 994,92 euros hors taxes en réparation du préjudice subi au titre de la responsabilité quasi délictuelle de la Région et, à titre subsidiaire, 214 086,61 euros hors taxes si le fondement de l'enrichissement sans cause n'était pas retenu ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative dans sa rédaction alors applicable : Les jugements et arrêts (...) contiennent (...) les visas des pièces et des dispositions législatives ou réglementaires dont ils font l'application ;

Considérant que le jugement litigieux ne fait pas mention dans ses visas du mémoire produit par la SOCIETE LEON GROSSE le 4 décembre 2006 et enregistré le 7 décembre suivant, en réponse à la communication par le Tribunal d'un moyen qu'il soulevait d'office, et sur lequel la juridiction a ensuite fondé sa décision ; que, dès lors et, à défaut d'avoir répondu aux observations utilement articulées par la SOCIETE LEON GROSSE dans son mémoire susmentionné, ce jugement est entaché d'omission à statuer et doit, pour ce motif, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE LEON GROSSE devant le Tribunal administratif de Lille ;

Sur la nullité du marché :

Considérant qu'aux termes de l'article 250 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable au présent litige : Sous réserve des dispositions de l'article 321, les marchés des collectivités territoriales et de leurs établissements publics sont passés sous la forme de contrats écrits dont les cahiers des charges visés à l'article 318 sont des éléments constitutifs (...) Les marchés doivent être notifiés avant tout commencement d'exécution. ; qu'aux termes des stipulations de l'article 43 du cahier des charges auquel renvoient les articles 2 et 10 de l'acte d'engagement pour la détermination des documents contractuels, le calendrier d'exécution des travaux figure au nombre des documents contractuels ; qu'il ressort du document intitulé phasage prévisionnel des travaux établi par la SOCIETE LEON GROSSE à la date du 27 novembre 1997, que les travaux de rénovation du lycée Chatelet à Douai devaient démarrer le 1er février 1998 ; qu'ainsi, et nonobstant le libellé de l'article 4 de l'acte d'engagement stipulant que le marché prend effet à compter de sa date de notification, la date prévue de commencement de l'exécution du marché signé le 21 avril 1998 et notifié le 13 mai suivant est antérieure à sa conclusion et à sa notification et a donc été fixée contrairement aux dispositions d'ordre public de l'article 250 précité du code des marchés publics dont la méconnaissance a pu être, à bon droit, relevée d'office par les premiers juges ; qu'ainsi, le marché litigieux est nul et n'a pu, par suite, faire naître aucune obligation à la charge de la Région ; que la SOCIETE LEON GROSSE n'est pas fondée à soutenir que le constat de la nullité du marché en cours d'exécution porterait une atteinte excessive au principe de sécurité juridique dès lors que la société dispose de la possibilité d'exercer un recours en indemnité en réparation des préjudices résultant de cette nullité ;

Considérant que, d'une part, il résulte de ce qui vient d'être dit, que la SOCIETE LEON GROSSE n'est pas fondée à demander, en application du marché susmentionné, la condamnation de la Région Nord/Pas-de-Calais à lui payer le coût des dépenses de travaux de désamiantage ainsi que les charges induites par la modification du calendrier des travaux ; que, d'autre part, la Région Nord/Pas-de-Calais n'est pas fondée à demander que la nullité dudit marché d'une durée de dix ans soit limitée à la période de trente six mois d'exécution des travaux ;

Considérant, toutefois, que le cocontractant de l'administration, dont le contrat est entaché de nullité, est fondé à réclamer le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte, comme en l'espèce, d'une faute de l'administration, il peut en outre prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et, le cas échéant, demander à ce titre le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat si toutefois le remboursement au cocontractant de ses dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procuré et bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles ;

Sur l'enrichissement sans cause de la Région Nord/Pas-de-Calais :

Considérant que si la SOCIETE LEON GROSSE demande le paiement des travaux de désamiantage des colles des revêtements de sols du bâtiment A représentant un coût de 527 437,50 francs (80 407,33 euros) hors taxes en invoquant leur utilité pour la Région, il ressort de l'article 43 du cahier des charges relatif au marché qu'un rapport de recherche d'amiante ainsi qu'un document intitulé questions réponses figurent parmi les documents à valeur contractuelle ; qu'il résulte de ces documents que la présence éventuelle d'amiante dans les colles avait été évoquée avec l'entreprise et que celle-ci avait prévu, le cas échéant, d'adapter sa méthode d'intervention pour tenir compte de cette présence ; qu'ainsi, le coût résultant des travaux de désamiantage éventuel des colles entre dans l'objet du marché et ne peut constituer un enrichissement sans cause pour la Région ;

Considérant, par ailleurs, que l'entreprise LEON GROSSE demande le paiement de charges associées au bouleversement du calendrier contractuel des travaux pour un montant de 133 679,16 euros, les dépenses en cause étant constituées par la fermeture provisoire des logements du Bâtiment A et par le chauffage de ce bâtiment, par les installations provisoires de chauffage du bâtiment C2, par l'aménagement de dortoirs dans le lycée Corot destiné à suppléer l'indisponibilité d'une partie des dortoirs du lycée Chatelet du fait des travaux, par la mise à disposition pour une durée supplémentaire de quatre mois et demi de locaux provisoires pour l'administration du lycée et, enfin, par l'éclairage du chantier afférent à l'exécution de travaux durant l'hiver ; que de telles dépenses qui correspondent à des contraintes liées au fonctionnement de l'établissement d'enseignement durant les travaux sont dépourvues d'utilité pour la Région Nord/Pas-de-Calais ; que, par suite, la société n'est pas fondée à lui en demander le paiement sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE LEON GROSSE n'est pas fondée à demander la condamnation de la Région Nord/Pas-de-Calais à lui payer une indemnité de 214 086,61 euros hors taxes au titre de l'enrichissement sans cause ;

Sur la responsabilité quasi délictuelle :

Considérant, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, le cocontractant de l'administration peut prétendre, en sus des dépenses utiles éventuellement remboursées au titre de l'enrichissement sans cause, à la réparation du dommage imputable à cette faute, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes ; qu'à ce titre, il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment le bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

Considérant qu'aucune indemnité n'ayant été allouée à la SOCIETE LEON GROSSE au titre des dépenses utiles, celle-ci peut prétendre à la réparation des dommages imputables à la faute de la Région ; qu'il résulte de l'instruction que la société aurait eu droit sur le fondement contractuel à l'indemnisation des surcoûts engendrés par le bouleversement du calendrier des travaux de rénovation ; que la société requérante peut donc prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de la Région, qui a conclu un marché nul en raison d'une date d'effet antérieure à sa notification ; que, toutefois, en tant que professionnelle avertie, la SOCIETE LEON GROSSE ne pouvait ignorer l'irrégularité affectant la signature du marché et qui est à l'origine de sa nullité ; qu'eu égard à la faute ainsi commise par cette société, qui a accepté de signer un contrat dont elle n'ignorait pas l'illégalité, il y a lieu de laisser à sa charge la moitié des conséquences dommageables de la nullité du marché ;

En ce qui concerne le préjudice constitué par le manque à gagner :

Considérant que si la SOCIETE LEON GROSSE soutient que le démarrage du chantier avec un retard de quatre mois et demi lui aurait fait perdre le chiffre d'affaires prévu au marché à proportion de ce retard, il est constant que ce dernier n'a eu aucun effet sur la durée effective des travaux qui ont duré trente-six mois conformément aux prévisions contractuelles ; qu'ainsi, il n'est pas établi que le retard constaté, par rapport au calendrier contractuel des travaux, aurait entraîné une réduction du chiffre d'affaires pour l'entreprise ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que la SOCIETE LEON GROSSE aurait subi un manque à gagner du fait de l'impossibilité de conclure d'autres marchés en raison de ce retard ; que la SOCIETE LEON GROSSE n'est dès lors pas fondée à invoquer un manque à gagner au nombre des préjudices dont elle demande réparation ;

En ce qui concerne l'indemnisation des dépenses de personnel, de matériel ainsi que des dépenses supplémentaires d'encadrement et des dépenses résultant des conséquences des retards ayant affecté les travaux du bâtiment B :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le surcoût de 592 000 francs (90 249,82 euros) représenté par les dépenses de personnel et de matériel nécessaires au respect du calendrier contractuel des travaux ainsi que celui de 2 161 316,37 francs (329 490,56 euros) résultant à la fois des travaux nécessités par les modifications apportées à la nature du bâtiment B et de la mise à disposition de bâtiments provisoires pour une durée supérieure à celle qui avait été initialement prévue au contrat et celui de 2 007 505 francs (306 045,16 euros) correspondant à des dépenses supplémentaires d'encadrement également induites par la modification du calendrier, correspondent à des dépenses à caractère contractuel dont la SOCIETE LEON GROSSE aurait pu demander le paiement sur le fondement de la responsabilité contractuelle ; que le montant des sommes réclamées n'est pas contesté par la Région Nord/Pas-de-Calais ; qu'ainsi les dépenses évaluées à un montant de 725 785,54 euros constituent un préjudice directement imputable à la faute de la Région Nord/Pas-de-Calais dont la SOCIETE LEON GROSSE est fondée à demander réparation ;

En ce qui concerne l'indemnisation des coûts induits par la nécessité de procéder à une nouvelle consultation pour sélectionner des entreprises de second oeuvre :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le bouleversement du calendrier des travaux a entraîné la défection des entreprises de second oeuvre initialement sélectionnées par la SOCIETE LEON GROSSE et a imposé la recherche de nouveaux sous traitants ; que cette recherche a nécessité une procédure de consultation représentant un coût de 115 050 francs (17 539,26 euros) dont la société aurait pu demander à être indemnisée au titre de la responsabilité contractuelle ; que, par suite, la SOCIETE LEON GROSSE est également fondée à demander la condamnation de la Région Nord/Pas-de-Calais à l'indemniser au titre de ce préjudice ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE LEON GROSSE est fondée à demander la condamnation de la Région Nord/Pas-de-Calais à lui verser une indemnité de 2 437 935,69 francs (371 662,4 euros) correspondant, compte tenu du partage de responsabilité de 50 % retenu, à la moitié du préjudice total évalué à la somme de 4 875 871,38 francs (743 324,80 euros) ;

Considérant que la société est également fondée à demander l'application à cette somme du coefficient de révision des prix du marché de 0,5 % non contesté par la Région Nord/Pas-de-Calais soit 12 189,65 francs (1 858,30 euros) dès lors qu'il résulte de l'instruction que la société aurait eu droit à cette révision en exécution du marché ;

Considérant qu'en revanche, pour demander le paiement du montant de 179 851,83 francs (27 418,23 euros) correspondant à l'actualisation du marché, la SOCIETE LEON GROSSE ne justifie pas de l'application durant les quatre mois et demi de retard dans le démarrage du chantier d'une formule d'actualisation entièrement fondée sur l'intégralité de l'évolution de l'index BT du bâtiment alors que la formule régissant le marché ne retient qu'une fraction de l'évolution de cet index ; que cette dernière demande ne pourra donc qu'être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE LEON GROSSE est fondée à demander la condamnation de la Région Nord/Pas-de-Calais à lui payer une indemnité s'élevant au montant de 373 520,70 euros ; que la SOCIETE LEON GROSSE ayant obtenu, par l'ordonnance susvisée du juge des référés du Tribunal administratif de Lille en date du 20 décembre 2004, une somme de 300 000 euros à titre de provision, il y a lieu de condamner la Région Nord/Pas-de-Calais à verser à la SOCIETE LEON GROSSE la somme restant due de 73 521,20 euros ;

Sur les intérêts :

Considérant que si en application de l'article 1153 du code civil, la SOCIETE LEON GROSSE a droit aux intérêts de la somme de 373 521,20 euros à compter de l'enregistrement de sa requête introductive devant le Tribunal administratif de Lille le 2 juin 2003, elle ne saurait prétendre en application du dernier alinéa de cet article au versement d'intérêts compensatoires dès lors qu'elle n'établit pas, ni même n'invoque, l'existence d'un mauvais vouloir manifeste du débiteur dans le paiement des sommes dues ; que, par suite, sa demande tendant à la condamnation de la Région Nord/Pas-de-Calais à lui payer 50 000 euros d'intérêts compensatoires ne pourra qu'être rejetée ;

Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant, par ailleurs, qu'en application de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de dire que seront capitalisés les intérêts auxquels la SOCIETE LEON GROSSE a droit à compter du 1er octobre 2004, date à laquelle il était dû une année entière d'intérêts et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que les frais et honoraires de l'expert liquidés et taxés à la somme de 6 174,17 euros par l'ordonnance susvisée du président du Tribunal administratif de Lille en date du 7 juin 2002 doivent être mis à la charge définitive de la Région Nord/Pas-de-Calais ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en application des dispositions susmentionnées, il y a lieu de condamner la Région Nord/Pas-de-Calais, qui est la partie perdante, au paiement à la SOCIETE LEON GROSSE d'une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0302483 du Tribunal administratif de Lille du 9 janvier 2007 est annulé.

Article 2 : La Région Nord/Pas-de-Calais est condamnée à verser une somme d'un montant de 373 520,70 euros à la SOCIETE LEON GROSSE sous déduction de la provision versée pour un montant de 300 000 euros.

Article 3 : La somme de 373 520,70 euros portera intérêts à compter du 2 juin 2003.

Article 4 : Les intérêts susmentionnés à l'article 3 ci-dessus seront capitalisés chaque année à compter du 1er octobre 2004.

Article 5 : Les frais d'expertise liquidés et taxés par ordonnance du 7 juin 2002 à la somme de 6 174,17 euros sont mis à la charge de la Région Nord/Pas-de-Calais.

Article 6 : La Région Nord/Pas-de-Calais versera à la SOCIETE LEON GROSSE une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE LEON GROSSE est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE LEON GROSSE et à la Région Nord/Pas-de-Calais.

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N°07DA00376


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA00376
Date de la décision : 20/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Kimmerlin
Rapporteur ?: M. Michel Durand
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-10-20;07da00376 ?
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