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20/10/2009 | FRANCE | N°08DA01263

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 20 octobre 2009, 08DA01263


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 5 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par la production de l'original le 8 août 2008, présentée pour Mme Augustina A, demeurant ..., par la Selarl Eden Avocats ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801194 du 3 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2008 du préfet de la Seine-Maritime refusant de l'admettre au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un

mois et fixant le pays de renvoi et à ce que le Tribunal enjoigne audit p...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 5 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par la production de l'original le 8 août 2008, présentée pour Mme Augustina A, demeurant ..., par la Selarl Eden Avocats ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801194 du 3 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2008 du préfet de la Seine-Maritime refusant de l'admettre au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de renvoi et à ce que le Tribunal enjoigne audit préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour valable un an portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à payer à la Selarl Eden Avocats, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'elle avait expressément demandé au Tribunal l'annulation de la décision du préfet en raison de l'absence de saisine du médecin inspecteur de la santé publique en ce qui concerne l'état de santé de son fils ; que le Tribunal n'a pas répondu à ce moyen d'annulation se bornant à évoquer le moyen d'annulation tiré de l'absence de saisine du médecin inspecteur concernant son propre cas ; qu'elle avait demandé l'annulation de la décision préfectorale en raison de l'absence de production de l'avis du médecin inspecteur de la santé publique pourtant impliqué par le visa de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard duquel sa situation a été prétendument examinée ; que le Tribunal s'est abstenu d'examiner ledit moyen ; qu'elle avait demandé l'annulation de la décision au regard des conséquences extrêmement graves qu'elle emportait sur la situation personnelle de son fils Mickaël ; que le Tribunal n'a pas non plus répondu à ce moyen ; que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 911-2 et L. 911-4 du code de justice administrative et celles de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que le préfet devait examiner sa situation non à la date de sa première décision mais à la date à laquelle il a pris sa nouvelle décision ; qu'à cette dernière date, il ne pouvait ignorer qu'elle et son fils présentaient de graves troubles de santé ; que le préfet aurait dû saisir le médecin inspecteur de la santé publique pour obtenir un avis ; que la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que son état de santé et celui de son fils nécessitent des traitements indisponibles au Nigeria, et dont le défaut pourrait entraîner pour tous les deux des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que ces traitements ne sont pas disponibles au Nigeria, puisque les traumatismes de son fils sont liés à la situation de sa famille dans ce pays ; que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3-1° de la convention internationale des droits de l'enfant ; que la décision priverait ses deux enfants soit de leur père, soit de leur mère ; que s'agissant de son fils, la décision le priverait soit de sa mère, soit des soins et traitements qui lui sont nécessaires ; qu'en outre, il est scolarisé ; s'agissant de sa fille, celle-ci ne connaît pas le Nigeria et risque d'être excisée dans ce pays ; que le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé dégradé, de l'état de son fils, de sa présence en France depuis plus de deux ans à la date de la décision litigieuse, à la naissance en France de sa fille Juliette qui n'a connu que ce pays, de la scolarisation fructueuse de son fils qu'elle suit et encourage, de sa maîtrise rapide du français et de son accès facilité à l'autonomie notamment par le travail, de sa capacité d'insertion professionnelle, de son engagement bénévole dans sa paroisse, de ses nombreuses relations amicales nouées en France, du soutien de la population et de l'Eglise, de son absence de lien au Nigeria ; que l'arrêté portant refus de titre étant illégal, celui portant obligation de quitter le territoire français est dépourvu de base légale ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est contraire à l'article 3-1° de la convention internationale des droits de l'enfant et, à tout le moins, procède d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le Nigeria comme pays de destination contrevient aux dispositions de l'article L. 513-2-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu la décision du 15 septembre 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai admettant Mme A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2008, présenté par le préfet de la Seine-Maritime, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la décision attaquée ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 911-2 et L. 911-4 du code de justice administrative dès lors que, comme enjoint par le Tribunal administratif de Rouen dans son jugement du 31 janvier 2008, il a été procédé à un réexamen de la situation de Mme A et qu'en l'absence d'éléments nouveaux et précis permettant de lui attribuer le titre de séjour sollicité, il a été répondu à sa demande par un arrêté de refus de titre assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux relations entre l'administration et les usagers ne s'applique pas à la situation de l'intéressée puisque sont exclus du champ d'application de cette procédure, les cas où il est statué sur demande de l'administré ; que le refus de titre de séjour était consécutif au rejet de la demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ; que l'injonction de réexaminer sa demande se rapporte nécessairement à la demande initiale présentée par l'intéressée ; que la décision a également été prise au regard des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'un étranger ne peut invoquer la méconnaissance d'une disposition dès lors que sa demande de titre n'a pas été présentée sur son fondement ; qu'il ne peut être reproché à l'administration de n'avoir pas recueilli préalablement l'avis du médecin inspecteur de la santé publique dès lors que la requérante n'a fait parvenir aucun certificat médical et qu'elle n'a effectué aucune demande sur la base de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aucun élément ne permet de remettre en cause l'arrêté de refus de séjour et de considérer que sa situation pourrait relever de l'article L. 511-4-10° dudit code dès lors qu'aucune des personnes lui ayant délivré ces certificats médicaux n'est agréée par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Seine-Maritime ; que ces certificats ont été remis en mains propres à l'intéressée et à sa demande et ne peuvent donc avoir valeur de compte rendu médical tel que défini par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'intéressée n'a pas jugé utile ou n'a pas été en capacité de produire des documents récents ; que l'arrêté attaqué n'enfreint pas les dispositions de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle de ses enfants ; que le risque d'excision doit être écarté dès lors que le Nigeria a déjà légiféré sur ce sujet ; que les deux enfants sont très jeunes et donc en mesure de pouvoir s'intégrer dans le pays d'origine de leurs parents ; que la pétition signée par des professeurs des écoles et parents d'élèves n'est pas de nature à prouver que l'intéressée remplit une des conditions d'attribution d'un titre de séjour ; que la mesure contestée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'elle a sur la situation personnelle de l'intéressée ; que les relations amicales et sociales qu'elle dit avoir tissées sur cette période sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée ; qu'elle a vécu au Nigeria jusqu'à l'âge de 38 ans ; qu'en outre, elle ne dispose d'aucun logement autonome et est hébergée dans un centre d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile et l'intégration dont elle fait état n'est qu'un critère et ne peut permettre à lui seul de justifier une admission au séjour ; que la décision attaquée ne méconnaît ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle a formé une demande de titre sur la base des dispositions de l'article L. 314-11-8° dudit code ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Commission des recours des réfugiés ont rejeté par deux fois sa demande ; qu'elle n'est pas en mesure d'établir qu'elle serait soumise en cas de retour dans son pays d'origine à des traitements inhumains et dégradants ; que la décision attaquée ne fixe le Nigeria comme pays de destination que par défaut ; que l'intéressée a la possibilité de quitter la France par ses propres moyens ou avec l'aide de l'ANAEM à destination de son pays ou de tout autre pays acceptant de l'accueillir ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dominique Kimmerlin, président de chambre, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant que, par jugement en date du 31 janvier 2008, le Tribunal administratif de Rouen a annulé, pour incompétence de son auteur, l'arrêté du 6 novembre 2006 refusant d'admettre Mme A au séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, et a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement ; que, par un nouvel arrêté du 11 mars 2008, pris en exécution de ce jugement, le préfet de la Seine-Maritime a de nouveau opposé un refus de titre de séjour à l'intéressée, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que l'administration, qui se trouvait ressaisie de la demande de Mme A, devait la placer en situation régulière à titre provisoire et statuer à nouveau au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ; que, dès lors, il appartenait au préfet de la convoquer afin de lui remettre une autorisation provisoire de séjour et de la mettre ainsi à même, avant de prendre sa nouvelle décision, de faire valoir tous les éléments de fait nouveaux ayant affecté sa situation depuis la date à laquelle avait été prise la décision initiale annulée ; qu'il est constant que Mme A n'a pas été convoquée à la préfecture avant que l'arrêté litigieux ait été pris ; que, par suite, Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2008 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt implique seulement, compte tenu du motif d'annulation, que soit délivrée à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour et que le préfet de la Seine-Maritime examine à nouveau la situation de Mme A pour statuer sur son droit au séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à payer à la Selarl Eden Avocats, avocat de Mme A, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que cet avocat renonce à la perception de l'indemnité prévue par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1 : Le jugement n° 0801194 du Tribunal administratif de Rouen en date du 3 juillet 2008 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 11 mars 2008 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à Mme A une autorisation provisoire de séjour jusqu'au réexamen de sa situation, qui devra intervenir, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, en fonction des éléments de fait et de droit existant au jour de ce réexamen.

Article 4 : L'Etat versera à la Selarl Eden Avocats, à condition qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Augustina A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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N°08DA01263 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA01263
Date de la décision : 20/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Kimmerlin
Rapporteur ?: Mme Dominique Kimmerlin
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-10-20;08da01263 ?
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