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20/10/2009 | FRANCE | N°08DA01345

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 20 octobre 2009, 08DA01345


Vu la requête, enregistrée le 19 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0801385-0801388 du 31 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé, d'une part, son premier arrêté en date du 10 avril 2008 par lequel il a refusé de délivrer à Mme Juliet A un titre de séjour sollicité en qualité de réfugiée, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le Nigeria comme pays de destination et, d'autre part,

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Vu la requête, enregistrée le 19 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0801385-0801388 du 31 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé, d'une part, son premier arrêté en date du 10 avril 2008 par lequel il a refusé de délivrer à Mme Juliet A un titre de séjour sollicité en qualité de réfugiée, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le Nigeria comme pays de destination et, d'autre part, son second arrêté de la même date lui refusant la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour ;

2°) de rejeter la demande de Mme A ;

Il soutient que la demande d'asile initiale de l'intéressée a été examinée et rejetée trois fois par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, en dernier lieu le 1er avril 2008 ; qu'une demande de titre de séjour pour raison médicale a fait l'objet d'un avis défavorable du médecin inspecteur de la santé publique et qu'enfin, une nouvelle demande d'asile a été rejetée en procédure prioritaire par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'elle est entrée en France en juin 2004 où elle réside en situation provisoire dans l'attente de l'examen de sa demande d'asile après avoir vécu 28 ans dans son pays d'origine ; que les circonstances que son enfant y est né un mois après son arrivée, qu'elle a travaillé quelques semaines et participe aux activités d'une association ne permettent pas d'établir une violation des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'obligation de quitter le territoire n'est pas dépourvue de base légale ; que la décision fixant le pays de destination est motivée et que l'intéressée ne démontre pas encourir des risques en cas de retour dans son pays d'origine ; que la décision de refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour est motivée par la circonstance que Mme A ne peut ignorer que ses demandes d'asile et de réexamen ont toutes été étudiées et rejetées et que sa dernière demande est donc purement dilatoire et relevait, en conséquence, des dispositions de l'article L. 741-4 du même code ; que sa dernière demande d'asile ayant été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 1er avril 2008, elle était susceptible de faire l'objet de manière imminente d'une mesure d'éloignement ; qu'elle a été convoquée pour se voir notifier l'obligation de quitter le territoire et a pu présenter ses observations ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 17 avril 2009 et régularisé par la production de l'original le 22 avril 2009, présenté pour Mme Juliet A, demeurant ..., par la Selarl Eden Avocats, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à verser à la Selarl Eden Avocats la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ladite condamnation valant renonciation au versement de l'aide juridictionnelle ; elle fait valoir que la décision portant obligation de quitter le territoire a été prise sans tenir compte de sa nouvelle demande de réexamen ; que la seule référence aux précédents refus d'asile n'établit pas le caractère frauduleux de cette nouvelle demande et que le refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour était donc illégal ; que cette dernière décision est insuffisamment motivée ; que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne précise pas sa nationalité ;

Vu la décision du 22 juin 2009 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant à Mme A l'aide juridictionnelle totale pour la présente procédure ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Michel Durand, président-assesseur, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que Mme A, de nationalité nigériane, est entrée en France, selon ses dires, en juin 2004 et a sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugiée ; que sa demande a été rejetée une première fois définitivement par la Commission des recours des réfugiés le 1er juillet 2005, de même que deux demandes de réexamen, rejetées l'une par la Commission des recours des réfugiés le 3 février 2006 et l'autre par la Cour nationale du droit d'asile le 1er avril 2008 ; que le PREFET DE L'EURE relève appel du jugement du 31 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé, d'une part, un premier arrêté du 10 avril 2008 refusant à Mme A un titre de séjour sollicité en qualité de réfugiée, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le Nigeria comme pays de destination et, d'autre part, un second arrêté de la même date lui refusant la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour ;

Sur la légalité de l'arrêté du 10 avril 2008 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente ; qu'aux termes de l'article L. 742-1 du même code : Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour statue ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code : L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Commission des recours. Il dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification du refus de renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 723-3, alinéa 2, du même code : Lorsque, à la suite d'une décision de rejet devenue définitive, la personne intéressée entend soumettre à l'office des éléments nouveaux, sa demande de réexamen doit être précédée d'une nouvelle demande d'admission au séjour et être présentée selon la procédure prévue à l'article R. 723-1(...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) rejetant la deuxième demande de réexamen de Mme A a été notifiée le 8 avril 2008 et que, par suite, l'intéressée avait, à compter du 9 avril suivant, perdu le droit provisoire au séjour dont elle bénéficiait jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile ; que, par ailleurs, la circonstance que la décision de la Cour nationale du droit d'asile ne plaçait pas le PREFET DE L'EURE en situation de compétence liée pour refuser à Mme A la délivrance d'un titre de séjour et ne lui interdisait donc pas de faire usage de son pouvoir d'appréciation pour accorder éventuellement un titre de séjour sur un autre fondement que l'asile, ne faisait, toutefois, pas obstacle à ce qu'il puisse opposer légalement un refus à la demande de titre de séjour dont il était saisi sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'arrêté attaqué portant refus de titre de séjour méconnaissait les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'à la date de signature de l'arrêté attaqué, Mme A se trouvait en situation irrégulière dans des conditions justifiant une décision de refus de titre de séjour ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur l'ensemble des moyens présentés par Mme A devant le Tribunal administratif de Rouen et devant la Cour ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ; que la reconnaissance du statut de réfugié implique la délivrance immédiate d'un titre de séjour ; que, dès lors, la décision portant refus d'un titre de séjour à un étranger dont la qualité de réfugié a été refusée doit être regardée comme prise en réponse à une demande d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile ; que, par suite, les dispositions précitées ne peuvent être invoquées à l'encontre d'une telle décision ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'alinéa 2 de l'article R. 723-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que Mme A avait l'obligation de présenter une nouvelle demande d'admission au séjour pour pouvoir demander à nouveau le réexamen de son dossier par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'aux termes des dispositions de l'article R. 742-1 : Dans un délai de quinze jours après qu'il a satisfait aux obligations prévues à l'article R. 741-2, l'étranger est mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour portant la mention en vue de démarches auprès de l'OFPRA , d'une validité d'un mois, pour autant qu'il ne soit pas fait application du 1° au 4° de l'article L. 741-4 sans préjudice des dispositions du premier alinéa de l'article L. 742-6 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, lorsque Mme A s'est rendue le 9 avril à la préfecture pour demander ce réexamen, elle aurait présenté un dossier complet satisfaisant aux conditions posées par la réglementation, ni que sa demande n'aurait pas été accueillie et aurait fait l'objet d'un traitement particulier constitutif d'un détournement de procédure ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait considéré comme lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 1er avril 2008 et n'aurait pas procédé à un examen particulier du dossier ;

Considérant, en quatrième lieu, que Mme A vit seule en France où elle est entrée en juin 2004 et où sa fille est née un mois plus tard ; que si ses parents sont décédés et si elle dit ignorer où se trouve son mari, cinq de ses frères et soeurs résident au Nigeria ; que si elle fait valoir qu'elle a tissé des liens d'amitié en France, participe aux activités d'une communauté évangélique et dispose d'une promesse d'embauche, ces seules circonstances ne suffisent pas à établir que la décision de refus de séjour serait contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de la violation de l'article L. 313-11-7° est inopérant dès lors que l'intéressée n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le signataire de la décision a régulièrement reçu délégation pour signer, notamment, les décisions relatives aux étrangers ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de défaut de base légale résultant de l'illégalité de la décision de refus de délivrance du titre de séjour manque en fait ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

Considérant que la décision attaquée, qui précise que Mme A, dont il n'est pas contesté qu'elle est ressortissante du Nigeria où elle est née et où réside sa famille, n'établit pas être exposée à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, est ainsi suffisamment motivée et n'a pas été prise en violation desdites stipulations, ni des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'EURE est fondé à soutenir que la demande de Mme A tendant à l'annulation de l'arrêté portant refus de titre de séjour doit être rejetée ;

Sur la légalité de l'arrêté du 10 avril 2008 portant refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour :

Considérant que, ainsi qu'il a été dit, la quatrième demande d'admission au séjour de Mme A aux fins d'un troisième réexamen de sa situation par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'a été enregistrée que le 15 avril 2008 ; que, par suite, le préfet ne pouvait, par son second arrêté du 10 avril 2008, refuser à l'intéressée la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au motif que la demande de réexamen avait un caractère dilatoire avant même que la demande d'admission au séjour soit complétée et présentée conformément aux dispositions précitées de l'article R. 742-1 ; que le PREFET DE L'EURE n'est donc pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges ont annulé son second arrêté du 10 avril 2008 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'EURE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 10 avril 2008 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen du 31 juillet 2008 est annulé en tant qu'il annule l'arrêté du 10 avril 2008 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DE L'EURE est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de Mme A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à Mme Juliet A.

Copie sera transmise au PREFET DE L'EURE.

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N°08DA01345 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA01345
Date de la décision : 20/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Kimmerlin
Rapporteur ?: M. Michel Durand
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-10-20;08da01345 ?
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