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10/12/2009 | FRANCE | N°08DA01100

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 10 décembre 2009, 08DA01100


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 16 juillet 2008 et régularisée par la production de l'original le 17 juillet 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SA RABOT DUTILLEUL, dont le siège social est situé 10 avenue de Flandre à Wasquehal (59290), par Me Cabanes ; la SA RABOT DUTILLEUL demande à la Cour :

1°) l'annulation du jugement n° 0204555 du Tribunal administratif de Lille du 6 mai 2008 en tant qu'il a assorti la condamnation du département du Nord à lui verser une somme de 120 337,16 euros du paiement des intérêts au ta

ux légal à compter du 17 novembre 2000 ;

2°) la condamnation du départ...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 16 juillet 2008 et régularisée par la production de l'original le 17 juillet 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SA RABOT DUTILLEUL, dont le siège social est situé 10 avenue de Flandre à Wasquehal (59290), par Me Cabanes ; la SA RABOT DUTILLEUL demande à la Cour :

1°) l'annulation du jugement n° 0204555 du Tribunal administratif de Lille du 6 mai 2008 en tant qu'il a assorti la condamnation du département du Nord à lui verser une somme de 120 337,16 euros du paiement des intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2000 ;

2°) la condamnation du département du Nord à lui verser en sus de l'indemnité accordée par le Tribunal administratif de Lille en première instance, les intérêts moratoires à compter du 2 septembre 2000 ;

Elle soutient que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en appliquant à la créance de la requérante née du marché conclu avec le département, les intérêts au taux légal définis par l'article 1153 du code civil dès lors que s'agissant de créances contractuelles, il convenait d'appliquer les intérêts moratoires définis par l'article 182 du code des marchés publics et l'arrêté alors en vigueur du 17 décembre 1993, soit au taux légal majoré de deux points ; que la date à compter de laquelle doivent être calculés ces intérêts doit être fixée au 2 septembre 2000 et non au 17 novembre 2000, aucune demande préalable de paiement n'ayant à intervenir en l'espèce en application de l'article 352 bis du code des marchés publics alors en vigueur et de l'article 3.3.6 du cahier des clauses administratives particulières du marché ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2009, présenté pour le département du Nord, par Me Cattoir qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la requérante à lui verser une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la demande de fixer à la date du 2 septembre 2000 le point de départ du calcul des intérêts est nouvelle en appel et est irrecevable ; qu'il en est de même de la demande tendant à ce que les intérêts soient calculés sur la base du taux légal majoré de deux points ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 8 juin 2009 et régularisé par la production de l'original le 10 juin 2009, présenté pour la SA RABOT DUTILLEUL qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient au surplus que sa demande n'est pas nouvelle dès lors qu'en première instance, elle demandait que les intérêts litigieux soient calculés à une date encore antérieure soit le 15 septembre 1999 et que cette demande portait sur les intérêts moratoires ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 juillet 2009, présenté pour le département du Nord qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient au surplus que la demande de majoration du taux de l'intérêt légal n'a pu aboutir en première instance dès lors qu'elle a été présentée dans un mémoire complémentaire ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 28 juillet 2009 et régularisé par la production de l'original le 30 juillet 2009, présenté pour la SA RABOT DUTILLEUL qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient au surplus que la demande d'intérêts moratoires était présente dans la requête introductive d'instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 août 2009, présenté pour le département du Nord qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 3 septembre 2009 et régularisé par la production de l'original le 8 septembre 2009, présenté pour la SA RABOT DUTILLEUL qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 septembre 2009, présenté pour le département du Nord qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu la décision contestée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'arrêté du 17 décembre 1993 modifiant l'arrêté du 17 janvier 1991 relatif aux intérêts moratoires dus en application du code des marchés publics ;

Vu le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux du 21 janvier 1976 modifié ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Boutou, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Pezin, pour la SA RABOT DUTILLEUL et Me Baisy, pour le département du Nord ;

Considérant que la société RABOT DUTILLEUL s'est vue confier par le département du Nord par marché signé le 9 octobre 1997, la réalisation de travaux de réfection d'un pont qui ont été réceptionnés définitivement le 29 juin 2000 ; que la société a présenté par courrier du 30 mai 2000, dont il n'est pas contesté qu'il a été réceptionné le 2 juin suivant, le décompte final du marché ; que le décompte général définitif du marché du 9 octobre 2000 n'a été notifié que le 11 octobre 2000 et incluait un montant de pénalités de retard de 120 337,16 euros ; que la société a présenté un mémoire en réclamation le 17 novembre 2000 ; que le litige a été soumis au comité interrégional de règlement amiable des litiges en matière de marchés publics de Nancy dont l'avis, en date du 13 mars 2002, préconisant la remise totale de ces pénalités, a été accepté par le département du Nord selon ce qui résulte d'une délibération du conseil général du Nord du 10 février 2003 ; qu'en l'absence d'exécution de cette délibération, la société RABOT DUTILLEUL a saisi d'une requête le Tribunal administratif de Lille qui, par jugement du 6 mai 2008, a condamné le département du Nord à verser à la requérante une somme de 121 278,03 euros comprenant la somme de 120 337,16 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2000 ; que la société RABOT DUTILLEUL demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a prévu l'application à cette somme des intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2000 ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le département du Nord :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA RABOT DUTILLEUL avait demandé, en première instance, que les sommes dont elle réclamait le paiement au département du Nord soient assorties des intérêts moratoires, au taux légal majoré de deux points, à compter du 15 septembre 1999 ; qu'ainsi, en tout état de cause, la demande en appel de la société, qui porte sur le versement d'intérêts moratoires au taux légal majoré de deux points calculés à partir du 2 septembre 2000, n'excède pas celle présentée devant le tribunal administratif ; que la fin de non recevoir opposée par le département du Nord tirée de ce que la demande de la requérante présente, en partie, le caractère de conclusions nouvelles ne peut qu'être rejetée ;

Sur la nature des intérêts applicables à la créance de la société RABOT DUTILLEUL :

Considérant qu'aux termes de l'article 178 du code des marchés publics alors en vigueur, applicable aux marchés des collectivités territoriales en vertu de l'article 352 du même code : II. Le défaut de mandatement dans le délai prévu au I ci-dessus fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant, des intérêts moratoires, à partir du jour suivant l'expiration dudit délai jusqu'au quinzième jour inclus suivant la date du mandatement du principal (...) ;

Considérant que les intérêts moratoires s'appliquent à l'ensemble des créances de l'entrepreneur qui trouvent leur origine dans les stipulations du contrat ; qu'il en est ainsi de la créance née en l'espèce du défaut de paiement du prix du marché en raison de l'application, qui s'est avérée ensuite injustifiée, de pénalités de retard ;

Sur le taux d'intérêt applicable :

Considérant qu'aux termes de l'article 182 du code des marchés publics alors en vigueur, applicable aux marchés des collectivités territoriales en vertu de l'article 352 du même code : Le taux et les modalités de calcul des intérêts moratoires prévus aux articles 178, 178bis, 178ter, 185 et 186quater sont fixés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre du budget, compte tenu de l'évolution moyenne des taux d'intérêts appliqués de façon usuelle pour le financement à court terme des entreprises. ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 17 décembre 1993 modifiant l'arrêté du 17 janvier 1991 relatif aux intérêts moratoires dus en application du code des marchés publics : (...) Le taux des intérêts moratoires prévu à l'article 182 du code des marchés publics est le taux d'intérêt légal, en vigueur à la date à laquelle les intérêts ont commencé à courir, majoré de deux points ; qu'il résulte des dispositions précitées que la société RABOT DUTILLEUL est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que le taux d'intérêt applicable à la créance de la société requérante était le taux légal dès lors que, s'agissant d'intérêts moratoires, celui-ci devait être fixé au taux légal augmenté de deux points ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SA RABOT DUTILLEUL devant le Tribunal administratif de Lille ;

Sur la période au titre de laquelle les intérêts moratoires sont dus :

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 178 précité du code des marchés publics et des articles 11.7, 13.42 et 13.431 du cahier des clauses administratives générales des marchés de travaux applicables au marché en litige en vertu du B de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières, les intérêts courent automatiquement sur le solde du marché dont la durée contractuelle est supérieure à six mois, et sauf stipulation particulière, à compter du 61ème jour suivant la notification à l'entreprise du décompte général, laquelle doit intervenir dans les 45 jours suivant la remise du décompte final ; qu'en l'espèce toutefois, l'article 3.3.6 du cahier des clauses administratives particulières a prévu un délai de mandatement de 45 jours ;

Considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté que le décompte final du 30 mai 2000 a été remis au département du Nord le 2 juin 2000 ; qu'ainsi le département du Nord devait notifier à l'entreprise le décompte général au plus tard le 17 juillet suivant ; que le département n'a procédé à cette notification que le 11 octobre 2000 ; qu'en ce qu'il a différé d'autant le point de départ du délai de 45 jours de mandatement du solde à l'expiration duquel l'entreprise pouvait bénéficier de plein droit des intérêts moratoires, ce retard doit donner lieu à paiement d'intérêts ; qu'il y a lieu de dire que le solde de 120 337,16 euros que le département du Nord a été condamné à payer par le jugement du Tribunal administratif de Lille attaqué sera assorti des intérêts moratoires courant du 17 juillet au 10 octobre 2000, puis à nouveau à compter du 25 novembre 2000, premier jour suivant l'expiration du délai de mandatement, calculés selon le taux défini par l'article 1er de l'arrêté du 17 décembre 1993 précité ; que la société RABOT DUTILLEUL est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lille a fixé au 17 novembre 2000, date de présentation du mémoire en réclamation de l'entreprise opposé au décompte général définitif, le point de départ du calcul des intérêts applicables à sa créance ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que le département du Nord a procédé au mandatement du solde du marché au versement duquel il a été condamné par le jugement attaqué du Tribunal administratif de Lille le 19 septembre 2008 ; que les intérêts moratoires doivent, en vertu des dispositions alors en vigueur de l'article 178 précité du code des marchés publics, être calculés jusqu'au 15ème jour suivant le mandatement attendu ; que, par suite, en l'espèce, les intérêts moratoires sont en principe dus sur la période courant du 17 juillet 2000 au 10 octobre 2000, puis du 25 novembre 2000 jusqu'au 4 octobre 2008, quinzième jour suivant le mandatement ; que, cependant, la société RABOT DUTILLEUL arrête son décompte au 30 juin 2008 ; que dans ces conditions, elle est seulement fondée à obtenir le paiement, sur le principal de sa dette de 120 337,16 euros, des intérêts moratoires au taux de l'intérêt légal majoré de deux points sur la période courant du 17 juillet 2000 au 10 octobre 2000, puis du 25 novembre 2000 au 30 juin 2008 ; qu'il y a lieu de condamner le département du Nord à verser la somme correspondant à ce calcul et de réformer en ce sens le jugement du Tribunal administratif de Lille ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le département du Nord doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 0204555 du Tribunal administratif de Lille du 6 mai 2008 est annulé en tant qu'il fixe les intérêts dus sur la créance de la société RABOT DUTILLEUL au taux de l'intérêt légal à compter du 17 novembre 2000.

Article 2 : Le département du Nord est condamné à verser à la société RABOT DUTILLEUL les intérêts moratoires au taux légal majoré de deux points dus pour la période du 17 juillet au 10 octobre 2000 puis du 25 novembre 2000 au 30 juin 2008, sur la somme de 120 337,16 euros.

Article 3 : La demande du département du Nord fondée sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA RABOT DUTILLEUL et au département du Nord.

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N°08DA01100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA01100
Date de la décision : 10/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Kimmerlin
Rapporteur ?: M. Bertrand Boutou
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : CABINET CABANES ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-12-10;08da01100 ?
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