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15/12/2009 | FRANCE | N°09DA01128

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 15 décembre 2009, 09DA01128


Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par la production de l'original le 3 août 2009, présentée pour M. Mohamed A, demeurant ..., par Me Lequien ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902447 du 23 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2009 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et

décidant qu'il pourrait être reconduit d'office à destination du pays do...

Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par la production de l'original le 3 août 2009, présentée pour M. Mohamed A, demeurant ..., par Me Lequien ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902447 du 23 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2009 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et décidant qu'il pourrait être reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à venir, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'arrêté attaqué a été signé par une personne n'ayant pas délégation pour le faire, la délégation de signature accordée à M. Guillaume B étant générale, illégale et reconnue uniquement les jours non ouvrables ; que la fonction de secrétaire général adjoint n'est pas prévue par les textes ; qu'en ne visant pas dans sa décision et en n'appliquant pas à sa situation l'accord franco-marocain en date du 9 octobre 1987, le préfet a commis une erreur de droit ; qu'eu égard à la présence en France de son beau-frère et de sa soeur, au fait qu'il s'occupe financièrement de son père resté au Maroc qui a contracté des dettes et a toujours à charge huit de ses frères et soeurs, il est en droit de solliciter l'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet a, par sa décision, commis une erreur manifeste d'appréciation compte tenu des considérations humanitaires précitées ; qu'il est inséré professionnellement et socialement ; qu'il a ainsi demandé à passer du statut d'étudiant à celui de salarié ; qu'il a ainsi sollicité un changement de statut afin d'obtenir un titre de séjour fondé sur l'article L. 313-10-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'est pas une menace à l'ordre public ; qu'il est célibataire et ne vit pas en état de polygamie ; qu'il a été scolarisé depuis l'âge de 18 ans en France où il réside depuis 6 ans ; que la décision du préfet a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et ainsi violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 septembre 2009, présenté par le préfet du Nord, qui conclut au rejet de la requête aux motifs que la décision préfectorale attaquée a été signée par la personne compétente conformément à l'article 3 de l'arrêté de délégation de signature en date du 3 novembre 2008, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord ; que le requérant ne remplit pas les conditions posées par l'article 3 de l'accord franco-marocain, à savoir être titulaire d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, pour exercer une activité professionnelle en France ; qu'il ne peut obtenir de titre de séjour mention salarié ; que le requérant ne remplit pas les conditions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prétendre à l'octroi d'un titre de séjour mention vie privée et familiale ; qu'il est célibataire, sans enfant ; qu'il n'est pas isolé au Maroc où demeurent ses parents et huit de ses onze frères et soeurs ; que sa décision ne contrevient pas aux dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a commis ni erreur de droit, ni erreur manifeste d'appréciation dans la situation de M. A ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 24 septembre 2009 par télécopie et confirmé par la production de l'original le 28 septembre 2009, présenté pour M. A, qui maintient ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et fait valoir, en outre, que la décision du préfet du Nord a violé les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il se trouvait en situation régulière sur le territoire au moment du dépôt de sa demande et qu'il a sollicité un changement de statut comme le permettent les articles L. 5221-5 et R. 5221-14 du code du travail ; que le préfet ne démontre pas que les conditions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas remplies ; qu'en fondant sa décision de refus de séjour sur la considération qu'il ne rentre pas dans le champ d'application de l'article L. 313-10 précité, le préfet commet une erreur de droit ; que la condition de visa de long séjour ne lui est pas opposable contrairement à ce qu'invoque le préfet du Nord ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi en date du 9 octobre 1987 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Michel Durand, président-assesseur, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Lachal, pour M. A ;

Considérant que M. A, de nationalité marocaine, est entré en France selon ses déclarations le 15 août 2003 ; qu'il a, le 30 décembre 2004, sollicité un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ; qu'il a fait l'objet d'un arrêté en date du 26 octobre 2005 portant refus de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il a ensuite été admis au séjour pour la période du 16 mars 2007 au 2 septembre 2008 sous le couvert d'une carte de séjour temporaire portant la mention étudiant ; qu'il a sollicité le 3 septembre 2008 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention salarié ; que, par arrêté du 9 mars 2009 du préfet du Nord, M. A a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire et fixant le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il est légalement admissible comme pays de destination ; que l'intéressé relève appel du jugement du 23 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à l'annulation dudit arrêté du 9 mars 2009 ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 susvisé : Le préfet de département peut donner délégation de signature : 1° en toutes matières (...) au secrétaire général et aux chargés de missions ; 2° pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs des services des administrations civiles de l'Etat dans le département (...) ; qu'il est constant que M. Guillaume B, sous préfet, a été nommé en qualité de chargé de mission par décret du 30 avril 2008 ; que, d'une part, en vertu de l'article 1er de l'arrêté du 3 novembre 2008 du préfet du Nord publié au recueil des actes administratifs du département, il a reçu délégation à l'effet de signer (...) tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de la direction de la réglementation et des libertés publiques (...) ; qu'ainsi, M. Guillaume B pouvait légalement signer l'arrêté attaqué y compris en dehors des périodes de permanence ; que la circonstance qu'il l'ait signé en qualité de secrétaire général adjoint est sans incidence sur la régularité de la décision attaquée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article de 3 de l'accord franco-marocain susvisé : Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. (...). Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence (...) et qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) La carte porte la mention salarié lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A ne justifiait pas disposer à la date de l'arrêté attaqué d'un contrat de travail visé par le directeur du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Nord ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 3 précité de l'accord franco-marocain et celles de l'article L. 313-10 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A soutient que le préfet n'a pas examiné sa situation au regard des dispositions de l'accord franco-marocain susvisé relatives aux conditions de délivrance d'un titre de résident de longue durée portant la mention salarié ; que, toutefois, l'arrêté du préfet, s'il ne vise pas en tant que tel l'accord précité, vise l'article D. 131-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui renvoie à cet accord ; que, dès lors, ce moyen doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. A soutient qu'il peut bénéficier du régime prévu par l'article L. 5221-5 du code du travail en faveur des étrangers qui demandent un changement de statut ; que, toutefois, l'intéressé ne peut utilement demander l'application de ces dispositions dès lors qu'à la date de sa demande de titre de séjour salarié , il n'était plus en situation régulière sur le territoire, la durée de validité de sa carte de séjour en qualité d'étudiant ayant expiré et, qu'en tout état de cause, il ne justifiait pas, ainsi que cela a été déjà dit ci-dessus, détenir un contrat de travail visé par les autorités compétentes ;

Considérant, en cinquième lieu, que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; qu'il est constant que M. A a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention salarié ; qu'ainsi, il ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à l'admission au séjour à titre humanitaire et exceptionnelle, à l'encontre du refus du préfet du Nord opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article ;

Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que M. A, qui est célibataire, sans enfant, fait valoir que sa soeur et son beau-frère résident en France où il vit depuis près de six ans et que son insertion dans la société est bonne ; que, toutefois, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 18 ans et où résident onze de ses frères et soeurs ainsi que son père ; que, dès lors, eu égard aux conditions de séjour de l'intéressé, il n'est pas établi que la décision du préfet du Nord a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait contraire aux dispositions de l'article L. 313-11-7° précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ces circonstances ne sont pas de nature à faire regarder l'arrêté attaqué comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2009 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Considérant que le rejet des conclusions à fin d'annulation entraîne, par voie de conséquence, celui des conclusions à fin d'injonction et de celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohamed A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

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N°09DA01128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09DA01128
Date de la décision : 15/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Kimmerlin
Rapporteur ?: M. Michel (AC) Durand
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : LEQUIEN - LACHAL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-12-15;09da01128 ?
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