La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2010 | FRANCE | N°08DA01624

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 26 janvier 2010, 08DA01624


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 22 septembre 2008 et régularisée par la production de l'original le 23 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SA PENNY MARKET, dont le siège social est situé Parc d'Entreprise de la Motte du Bois à Harnes (62440), par Me Emin et Me Bacrot ; la SA PENNY MARKET demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0501562 du vice-président du Tribunal administratif de Lille en date du 26 juin 2008 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les achats de

viande et de taxe additionnelle auxquelles elle a été assujettie au tit...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 22 septembre 2008 et régularisée par la production de l'original le 23 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SA PENNY MARKET, dont le siège social est situé Parc d'Entreprise de la Motte du Bois à Harnes (62440), par Me Emin et Me Bacrot ; la SA PENNY MARKET demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0501562 du vice-président du Tribunal administratif de Lille en date du 26 juin 2008 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les achats de viande et de taxe additionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er décembre 2002 au 31 décembre 2003, assorties des intérêts moratoires ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui rembourser les frais de l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que postérieurement au 31 décembre 2000, la taxe sur les achats de viande est toujours la source de financement de la mission de service public de l'équarrissage ; que la jurisprudence GEMO reste applicable à la période postérieure au 31 décembre 2000 ; que la taxe constitue une aide d'Etat prohibée par l'article 87 du traité de la communauté européenne et devait être notifiée en vertu de l'article 88 paragraphe 3 de ce traité ; que dans une décision du 14 décembre 2004, la commission a reconnu que le dispositif d'exonération maintenu après le 1er janvier 2001 pour les petites entreprises constituait une aide d'Etat ; que dans une note interne du 6 février 2004, le directeur du service juridique de la direction générale des impôts a lui-même reconnu que la taxe même postérieure au 31 décembre 2000 est contraire au droit communautaire ; que dans une réponse ministérielle Masson du 9 décembre 2004, la même position était soutenue par le ministre de l'économie et des finances ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête aux motifs que la taxe n'est plus nécessairement affectée au financement du service public de l'équarrissage depuis le 31 décembre 2000 mais au budget général de l'Etat ; que la note interne du 6 février 2004 invoquée par la requérante n'a pas été publiée et ne peut être opposée au service sur le fondement de l'article L. 80A du livre des procédures fiscales ; que d'ailleurs, l'administration est revenue sur la position qui y est exprimée ; que l'argument tiré du non respect du principe pollueur payeur est inopérant dès lors que ce principe communautaire n'est pas invocable directement en droit interne ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 décembre 2008, présenté pour la SAS SOCIETE NOUVELLE DES MAGASINS ED venant aux droits de la SA PENNY MARKET, dont le siège social est situé 120 rue du Général Malleret Joinville à Vitry-sur-Seine cedex (94405), par Me Emin et Me Bacrot qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et soutient au surplus que dans une décision du 5 juillet 2005, la commission a affirmé que l'exemption de taxe des commerçants réalisant un chiffre d'affaires inférieur semble constituer une aide d'Etat prohibée, ce qui n'est pas remis en cause par les arrêts Pape et Streekgewest de la Cour de justice des communautés européennes invoqués par le service ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;

Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Boutou, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Sur l'application de la loi fiscale :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des communautés européennes, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la société requérante ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, par ailleurs, que compte tenu de l'absence de lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande et le service public de l'équarrissage à compter du 1er janvier 2001, est inopérant au soutien d'une demande en restitution de la taxe sur les achats de viande acquittée au titre des années 2002 à 2003, le moyen tiré de ce que le régime d'aide constitué par le service public de l'équarrissage aurait dû être notifié à l'origine à la Commission européenne ;

Considérant enfin que le moyen tiré de ce que le dispositif d'exonération au profit de certaines entreprises de la taxe en litige serait constitutif d'une aide d'Etat contraire à l'article 87 du traité de la communauté européenne est sans influence sur le présent litige relatif à une demande de restitution de taxe sur les achats de viande acquittée au titre des années 2002 et 2003 ;

Sur l'application de la doctrine administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ;

Considérant que les impositions en litige constituent des impositions primitives et ne résultent pas, en conséquence, d'un rehaussement ; que, par suite, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 80A du livre des procédures fiscales pour opposer à l'administration les termes de la note interne du directeur du service juridique de la direction générale des impôts en date du 6 février 2004 et des réponses ministérielles Masson du 9 décembre 2004, Delebarre du 7 décembre 2004 et Lefait du 7 décembre 2004 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA PENNY MARKET n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la SA PENNY MARKET au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA PENNY MARKET est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS SOCIETE NOUVELLE DES MAGASINS ED venant aux droits de la SA PENNY MARKET et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

''

''

''

''

2

N°08DA01624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA01624
Date de la décision : 26/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Kimmerlin
Rapporteur ?: M. Bertrand Boutou
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : FIDAL SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-01-26;08da01624 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award