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28/01/2010 | FRANCE | N°08DA01597

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 28 janvier 2010, 08DA01597


Vu la requête, enregistrée le 17 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Paul A, élisant domicile ..., par Me Baquian, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400378 du 8 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant : 1°) à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1995, 1996 et 1997 ainsi que des compléments de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 1996 et 1997 ; 2°

) à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 1 525 euros en applic...

Vu la requête, enregistrée le 17 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Paul A, élisant domicile ..., par Me Baquian, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400378 du 8 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant : 1°) à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1995, 1996 et 1997 ainsi que des compléments de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 1996 et 1997 ; 2°) à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 1 525 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995, 1996 et 1997 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la procédure est irrégulière dès lors que la remise en cause de son domicile fiscal repose sur des documents le concernant qui ont été saisis chez un tiers sur le fondement de l'article L. 16 B, alors que l'ordonnance autorisant les opérations de visite ne le concernait pas ; que certains documents saisis ne concernaient que M. A en tant que contribuable ; que la saisie de ces documents excédait le champ de l'ordonnance autorisant la saisie pratiquée auprès de la société Fidem ; que M. A a ainsi fait l'objet d'une visite domiciliaire non autorisée ; qu'il a été privé des garanties en principe attachées à une telle procédure ; que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce, méconnaît l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la demande d'éclaircissements et de justifications est arrivée à Brosville, où il n'habitait pas ; qu'il a établi que les crédits d'origine indéterminée correspondent à des remboursements de frais par la société Apy International ; que M. A était domicilié, à partir de 1996, à Saint-Barthélemy, et non plus à Brosville, dans l'Eure ; que la direction des services fiscaux de l'Eure était incompétente pour procéder aux redressements en litige ; que l'administration ne rapporte la preuve ni de manoeuvres frauduleuses, ni de la mauvaise foi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que la visite domiciliaire effectuée auprès de la société Fidem n'avait pas pour objet la recherche de la preuve d'une domiciliation fictive de M. A à Saint-Barthélemy ; qu'elle n'a commis aucun détournement de procédure et que l'administration peut exploiter des documents saisis concernant des tierces personnes ; que les documents saisis désignant M. A ne constituaient pas les seuls documents saisis ; que les moyens de l'irrégularité des conditions de déroulement de la visite domiciliaire et de l'inconventionnalité de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales sont inopérants ; qu'il est établi que M. A était en réalité domicilié à Brosville, dans l'Eure, où se situait sa résidence principale ; que le requérant supporte la charge de la preuve du caractère non imposable des revenus d'origine indéterminée dont il a disposé ; qu'en ce qui concerne les sommes qui correspondraient à des remboursements de frais de la part de la SARL Apy International, le service n'a pu consulter la comptabilité de cette société en raison d'une opposition à contrôle fiscal et le contribuable ne justifie pas avoir fait l'avance des sommes qu'il aurait exposées au titre des frais professionnels ; qu'en ce qui concerne les autres sommes, le contribuable ne démontre pas leur caractère non imposable ; que les manoeuvres frauduleuses et la mauvaise foi sont établies ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 17 septembre 2009, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que l'administration a méconnu les dispositions de l'article 4 B du code général des impôts ;

Vu les nouvelles observations, enregistrées le 5 octobre 2009, présentées par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Antoine Durup de Baleine, premier conseiller, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Baquian, pour M. A ;

Considérant que M. Paul A a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 1995, 1996 et 1997 ; que l'administration fiscale a remis en cause les déclarations du contribuable selon lesquelles sa résidence en France se situait, à compter du 1er janvier 1996, sur l'île de Saint-Barthélemy, dans le département de la Guadeloupe, et estimé que cette résidence se situait en réalité et comme auparavant à Brosville, dans le département de l'Eure ; que sur cette base, elle a remis en cause le bénéfice de l'abattement prévu par les dispositions du 3 de l'article 197 du code général des impôts au bénéfice des contribuables domiciliés, notamment, dans le département de la Guadeloupe ; que, sur le fondement des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, elle a également procédé à la taxation d'office entre les mains de M. A de diverses sommes regardées comme constitutives de revenus d'origine indéterminée ; que les droits supplémentaires d'impôt sur le revenu procédant de la remise en cause de cet abattement ont été assortis d'une pénalité pour manoeuvres frauduleuses, tandis que ceux procédant de la taxation d'office susmentionnée ont été assortis d'une pénalité pour mauvaise foi ; que M. A relève appel du jugement susvisé du Tribunal administratif de Rouen du 8 juillet 2008, en tant que, par l'article 4 de son dispositif, il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1995, 1996 et 1997 ;

Sur les conclusions en décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, pour estimer que le lieu d'imposition de M. A en France doit être fixé à Brosville, dans l'Eure, et non, comme il l'avait déclaré, à Saint-Barthélemy, l'administration fiscale s'est fondée, d'une part, sur des renseignements obtenus de tiers dans l'exercice de son droit de communication et, d'autre part, sur plusieurs documents concernant M. A et dont elle a procédé à la saisie le 26 septembre 1996 à l'occasion d'une opération de visite et saisie effectuée dans un établissement de la SA Fidem situé à Saint-Barthélemy, opération autorisée par ordonnance du juge délégué par le président du Tribunal de grande instance de Basse-Terre en date du 24 septembre 1996 ;

Considérant que, si l'irrégularité d'une opération de visite et de saisie entreprise en application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales entraîne celle de la procédure d'imposition ultérieurement poursuivie à l'encontre du contribuable visé par cette opération, dans la mesure où les droits établis procèdent de l'exploitation des informations recueillies à cette occasion, cette irrégularité n'affecte pas, en revanche, la validité d'une procédure d'imposition distincte engagée à l'égard d'un autre contribuable, et dans laquelle l'administration se serait fondée sur des faits révélés par les documents saisis ; que, toutefois, il n'en est ainsi que lorsque des documents saisis dans le but d'établir que le contribuable visé par l'ordonnance ayant autorisé l'opération a éludé l'impôt révèlent, accessoirement, à l'administration des faits de nature à affecter la situation fiscale d'un tiers à la procédure d'imposition duquel la saisie sera restée étrangère ; qu'au contraire, lorsqu'en saisissant, au cours d'une opération dirigée contre un contribuable, des documents concernant exclusivement un tiers, les agents de l'administration procèdent, alors qu'ils n'y sont pas autorisés, au recueil d'éléments permettant d'établir que ce tiers a éludé l'impôt, ils effectuent par là-même à l'encontre de celui-ci une opération de visite et de saisie constitutive d'une première étape, irrégulière, de sa procédure d'imposition ;

Considérant que l'ordonnance susmentionnée du 24 septembre 1996 autorisait l'administration fiscale à procéder à une opération de visite et de saisie aux domiciles de la société d'expertise comptable SA Fidem, de M. B et de M. C ; qu'il résulte de l'instruction que, si, comme il a été dit, à l'occasion de cette opération, l'administration a saisi plusieurs documents concernant M. A et, pour procéder aux redressements, a ensuite effectivement utilisé neuf de ces documents, elle n'a pas, lors de cette opération, exclusivement saisi ces documents mais a également saisi des documents ne concernant pas M. A ; qu'en outre, ces documents ne concernaient pas exclusivement M. A, dès lors qu'il ressort de leur examen qu'ils concernaient également, selon le cas, la société Apy International, dont M. A était associé et gérant, la SA Fidem, M. C ou la Poste et que ceux de ces documents concernant notamment la société Apy International concernaient également la SA Fidem, dès lors que cette dernière était le prestataire de la société Apy International et que c'est en cette qualité et pour cette raison qu'elle était en possession de ces documents, la société Apy International ayant déclaré que son siège social se trouvait à une adresse à Saint-Barthélemy identique à celle de l'établissement de la SA Fidem dans cette localité, les numéros de téléphone et de télécopie de la société Apy International à ladite adresse étant identiques à ceux de la SA Fidem ; que la carte de visite au nom de la société Apy International et de M. A comportait l'indication des numéros de téléphone et de télécopie à Brosville au moyen desquels la SA Fidem et M. C correspondaient avec cette société et le requérant, en sorte que ce document concernait également et notamment la SA Fidem ; qu'il en va de même du document coté D.G.I.-D.N.E.F. 030002, qui constitue une fiche comportant l'indication de l'adresse à Brosville à laquelle il était demandé à la SA Fidem de renvoyer les courriers et fichiers Fidem concernant M. A et la société Apy International ; qu'enfin, le certificat de résidence délivré par le maire de Saint-Barthélemy concernait également M. C, dès lors que M. A l'avait chargé de faire établir et de retirer ce document auprès de la mairie de cette commune ; qu'il en résulte que le requérant, qui ne saurait dans ces conditions prétendre qu'au moyen de la demande d'autorisation de visite et de saisie adressée au juge judiciaire, l'administration cherchait en réalité des éléments lui permettant d'apporter la preuve des agissements de l'intéressé pour éluder l'impôt, ne peut utilement se prévaloir d'éventuelles irrégularités de l'opération de visite et saisie en question, qu'elles résultent d'une irrégularité de l'ordonnance les ayant autorisées ou d'une irrégularité de leurs conditions d'exécution ; que, dès lors, les moyens tirés de méconnaissances des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 et de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 45 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : Les agents de l'administration des impôts peuvent assurer le contrôle et l'assiette de l'ensemble des impôts ou taxes dus par les contribuables qu'ils vérifient ; qu'aux termes de l'article L. 45-0 A du même livre : Sans préjudice des dispositions de l'article 11 du code général des impôts, lorsque le lieu de déclaration ou d'imposition d'un contribuable a été ou aurait dû être modifié, les agents des impôts compétents à l'issue de ce changement peuvent également assurer l'assiette et le contrôle de l'ensemble des impôts ou taxes non atteints par la prescription ; qu'aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : I. (...) seuls les fonctionnaires titulaires de la direction générale des impôts appartenant à des corps de catégorie A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que notifier les redressements. (...) / II. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer leurs attributions que ces dispositions leur confèrent à l'égard des personnes physiques ou morales ou groupements de personnes de droit ou de fait qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial de leur service d'affectation une déclaration, un acte ou tout autre document ainsi qu'à l'égard des personnes ou groupements qui, en l'absence d'obligation déclarative, y ont été ou auraient dû y être imposés. / III. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I et compétents territorialement pour procéder aux contrôles visés à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales d'une personne physique ou morale ou d'un groupement peuvent exercer les attributions définies à cet alinéa pour l'ensemble des impositions, taxes et redevances, dues par ce contribuable, quel que soit le lieu d'imposition ou de dépôt des déclarations ou actes relatifs à ces impositions, taxes ou redevances. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 206 du livre des procédures fiscales : En ce qui concerne l'impôt sur le revenu et les taxes assimilées et l'impôt sur les sociétés, les contestations relatives au lieu d'imposition ne peuvent, en aucun cas, entraîner l'annulation de l'imposition ;

Considérant que, si le requérant soutient que la procédure de redressement a été conduite par un service des impôts métropolitain territorialement incompétent et que cette compétence n'appartenait qu'à un centre des impôts de la Guadeloupe, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 206 du livre des procédures fiscales que ce moyen est inopérant et ne peut, dès lors, qu'être écarté ; qu'au surplus, ainsi qu'il est dit ci-après, c'est à bon droit que l'administration a considéré que le lieu d'imposition de M. A au titre des années 1995, 1996 et 1997 se trouvait à Brosville, dans le département de l'Eure et non, comme il l'avait déclaré, à Saint-Barthélemy, dans le département de la Guadeloupe, à compter du 1er janvier 1996 ; que, dès lors, la direction des services fiscaux de l'Eure était territorialement compétente pour procéder à l'examen de la situation fiscale du requérant et décider les redressements en litige ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156, 199 sexies et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger. / L'administration peut demander au contribuable des justifications sur tous les éléments servant de base à la détermination du revenu foncier tels qu'ils sont définis aux articles 28 à 33 quinquies du code général des impôts. / Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur. / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 69 du même livre : (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la demande d'éclaircissements et de justifications en date du 1er avril 1999 adressée à M. A sur le fondement de l'article L. 16 précité l'a été, comme elle devait l'être, à l'adresse située à Saint-Barthélemy qu'il avait déclarée à l'administration fiscale être la sienne à compter du 1er janvier 1996 et non, contrairement à ce qu'il prétend, à une adresse située à Brosville, dans l'Eure ; qu'il a été accusé réception le 12 avril 1999 du pli recommandé contenant cette demande ; que M. A n'a pas répondu, dans le délai de deux mois qui lui était imparti à cet effet, à cette demande ; qu'il en résulte que l'administration a pu régulièrement procéder par voie de taxation d'office ;

En ce qui concerne le bien-fondé des droits supplémentaires d'imposition :

S'agissant du lieu d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 B du code général des impôts : 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. / 2. Sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France les agents de l'Etat qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus ; que, si le requérant se prévaut d'une méconnaissance de ces dispositions, il ne soutient toutefois pas qu'il ne serait pas imposable en France, mais seulement qu'en France il serait imposable, non en France métropolitaine, dans le département de l'Eure, mais en France d'outre-mer, à Saint-Barthélemy, qui fait partie du territoire de la République française ; qu'il a d'ailleurs spontanément souscrit des déclarations de revenus auprès de l'administration fiscale française au titre de chacune des trois années concernées par les impositions en litige et n'établit pas, ni même n'allègue, qu'il n'aurait en France aucun domicile fiscal ; que le moyen tiré de la méconnaissance desdites dispositions, en réalité inopérant dès lors que les redressements en litige ne sont nullement fondés sur ce texte, ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 10 du code général des impôts : Si le contribuable a une résidence unique en France, l'impôt est établi au lieu de cette résidence. / Si le contribuable possède plusieurs résidences en France, il est assujetti à l'impôt au lieu où il est réputé posséder son principal établissement ;

Considérant que l'administration établit que jusqu'au 31 décembre 1995, M. A a résidé dans une maison d'habitation située ... mais que ce contribuable a déclaré résider à compter du 1er janvier 1996 à une adresse située sur l'île de Saint-Barthélemy et, à compter du 1er janvier 1997, à une autre adresse située dans la même île ; que, toutefois, elle établit également qu'il avait donné procuration à une tierce personne à l'effet d'ouvrir à son nom une boîte postale auprès de la Poste de Saint-Barthélemy et lui avait donné tout pouvoir pour le fonctionnement et l'utilisation de cette boîte ; qu'il avait également donné tout pouvoir à cette même personne pour retirer en mairie de Saint-Barthélemy les documents relatifs à un certificat de résident, lequel certificat a été établi au seul vu d'une déclaration mais ne procède pas d'une vérification de l'exactitude et de la sincérité de cette déclaration ; que les documents de la SARL Apy International, dont M. A était associé, gérant ainsi que l'unique préposé et qui avait domicilié son siège social sur l'île de Saint-Barthélemy à l'adresse de la SA Fidem, font état d'un export office situé à Neuilly-sur-Seine et d'un head quarter situé à l'adresse susmentionnée à Brosville ; que, par un jugement n° 0000021 du 17 mai 2005, qui est définitif, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la SARL Apy International dirigée contre des suppléments d'imposition mis à sa charge au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997 au motif que cette société doit être regardée comme effectivement dirigée depuis le domicile personnel de son gérant, situé à Brosville ; que M. A a demandé que le courrier adressé à cette société à Saint-Barthélemy soit réexpédié par la SA Fidem à l'adresse de son domicile à Brosville ; qu'il ressort également des éléments recueillis par l'administration dans l'exercice de son droit de communication que le requérant était titulaire d'un abonnement au service de télépéage de la société des autoroutes Paris Normandie, que cet abonnement a été utilisé un très grand nombre de fois en 1997 et qu'un grand nombre d'appels téléphoniques professionnels ont été passés, au cours de la période vérifiée, à partir de la résidence de Brosville et à destination de pays où le requérant avait alors des clients ; que l'administration présente également plusieurs télécopies au nom de la société Apy International, signées de M. A, dont le numéro d'émission correspond à son domicile à Brosville, ainsi que des télécopies de la SA Fidem adressées à ce même numéro ; qu'elle établit, de même, que la société Apy, dont le requérant était le gérant, disposait d'un numéro d'appel téléphonique localisé à l'adresse de Brosville et figurant en liste rouge ; qu'enfin, le requérant, en sa qualité de préposé de la SARL Frarimpex, dont le siège était situé à Neuilly-sur-Seine, a signé et souscrit en 1996 et 1997 auprès d'un centre des impôts situé dans cette commune plusieurs déclarations ou demandes ; que l'adresse à Neuilly-sur-Seine de l'export office de la SARL Apy International est la même que celle de la SARL Frarimpex ;

Considérant que, si le requérant soutient néanmoins que son principal établissement se situait, au cours des années vérifiées, à Saint-Barthélemy, il n'apporte cependant, à l'appui de cette affirmation, aucun élément probant de nature à établir la réalité d'un séjour effectif et habituel de sa part sur cette île à un quelconque moment et le transfert dudit établissement de Brosville, dans le département de l'Eure, à Saint-Barthélémy, dans celui de la Guadeloupe ; qu'en particulier, il démontre, par les pièces produites devant les premiers juges, qu'au cours des années vérifiées, il a réalisé, à des fins professionnelles, un très grand nombre de voyages en France métropolitaine ou dans des pays étrangers ; que, cependant, ces pièces ne rendent compte que de déplacements effectués depuis Paris ou un aéroport de la région parisienne vers des destinations situées en France métropolitaine ou des pays étrangers situés en Europe, en Afrique ou en Asie ; qu'en revanche, aucun de ces documents ne retrace un quelconque déplacement dont le point de départ ou la destination aurait été Saint-Barthélemy, la Guadeloupe ou un point quelconque du continent américain ; qu'au contraire, les seuls déplacements à Saint-Barthélemy dont la réalité ressort des pièces du dossier remontent aux mois de février, mai et juillet 1995, soit avant la date du 1er janvier 1996 à compter de laquelle le requérant a déclaré résider sur cette île ; que l'allégation selon laquelle l'abonnement susmentionné à un service de télépéage était utilisé par d'autres personnes que son titulaire n'est assortie d'aucune précision ; qu'en outre, si le requérant soutient que son domicile de Brosville était loué à une tierce personne à compter du 1er janvier 1996, il résulte de l'instruction que cette personne cohabitait précédemment avec le requérant à la même adresse et que le loyer correspondant était débité de comptes bancaires du requérant pour y être ensuite reversé ;

Considérant qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'administration établit suffisamment qu'au cours des années vérifiées, le lieu du principal établissement de M. A se situait à Brosville mais non à Saint-Barthélemy, la domiciliation dans cette île déclarée par l'intéressée ne correspondant pas à une résidence effective et habituelle susceptible de constituer un tel établissement ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 10 du code général des impôts doit être écarté ;

S'agissant du bénéfice de l'abattement prévu à l'article 197 du code général des impôts :

Considérant qu'aux termes de l'article 197 du code général des impôts, relatif aux règles de calcul de l'impôt sur le revenu, dans sa rédaction applicable en l'espèce : (...) 3. le montant de l'impôt résultant de l'application des dispositions précédentes est réduit de 30 %, dans la limite de 33 310 francs, pour les contribuables domiciliés dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion (...) ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'au regard de la loi fiscale, le domicile de M. A se situait en France métropolitaine et non dans le département de la Guadeloupe ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le bénéfice de l'abattement prévu par les dispositions précitées du 3 de l'article 197 du code général des impôts ;

S'agissant des revenus d'origine indéterminée :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ; qu'aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : Dans le cas prévu à l'article L. 193, le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ; qu'il en résulte qu'il appartient au requérant de démontrer le caractère exagéré des suppléments d'imposition procédant de la taxation d'office entre ses mains de diverses sommes dont il a eu la disposition au cours des années 1996 et 1997 et regardées comme constitutives de revenus d'origine indéterminée ;

Considérant, en second lieu, que, s'agissant de ce chef de redressement, le requérant se borne, devant la juridiction d'appel, à soutenir qu'il a apporté, devant l'administration ou les premiers juges, toutes justifications établissant, d'après lui, que les sommes imposées comme revenus d'origine indéterminée correspondent à des remboursements de frais de la part de la société Apy International, à des dividendes, à des revenus fonciers ou à des remboursements de prêts ; que, ce faisant, il ne démontre pas que c'est à tort que l'administration a regardé comme constitutives de revenus d'origine indéterminée et en conséquence taxé d'office celles de ces sommes autres que celles dont les premiers juges ont décidé qu'elles doivent être imposées dans la catégorie des traitements et salaires ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ;

Considérant, en premier lieu, que l'administration établit que M. A, s'agissant de sa domiciliation à Saint-Barthélemy, a mis en oeuvre des procédés de nature à égarer et restreindre l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle à l'effet, à tout le moins, de bénéficier indûment de l'abattement prévu au 3 précité de l'article 197 du code général des impôts, alors que cette domiciliation présentait manifestement un caractère artificiel, le requérant n'ayant pas cessé de résider de manière effective et habituelle dans l'Eure et d'y avoir le lieu de son principal établissement ; que ces procédés ont consisté, notamment, à déclarer à l'administration un domicile ne correspondant pas à une résidence effective et habituelle, à ouvrir une boîte postale auprès de la Poste de Saint-Barthélemy tout en confiant à un tiers l'entier soin de faire ouvrir puis fonctionner et utiliser cette boîte postale, à se faire délivrer, par l'intermédiaire de ce même tiers, un certificat de résidence dans cette île, à utiliser des documents faisant apparaître une adresse à Saint-Barthélemy, à faire expédier des courriers depuis Saint-Barthélemy par la SA Fidem, tout en demandant à cette dernière de réexpédier à Brosville des courriers adressés à Saint-Barthélemy à M. A ou à la société Apy International ; que de tels procédés sont constitutifs de manoeuvres frauduleuses ; qu'il en résulte que c'est à bon droit que l'administration a assorti d'une majoration de 80 % les droits supplémentaires d'impôt sur le revenu procédant de la remise en cause de cet abattement ;

Considérant, en second lieu, que l'administration établit que les sommes taxées d'office comme revenus d'origine indéterminée ont représenté des montants très supérieurs à ceux de l'ensemble des revenus déclarés par M. A au titre des années 1996 et 1997 et qu'il s'est abstenu d'apporter une quelconque réponse à la demande de justifications susmentionnée du 1er avril 1999 ; qu'il s'est borné, à l'issue de la procédure de redressement et en particulier à l'appui de sa saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de l'Eure, à n'apporter que des explications et justifications très partielles, et à alléguer, s'agissant de la partie la plus importante de ces sommes, qu'il s'agissait de remboursements de frais émanant de la société Apy International et que ceci ressortait de la comptabilité de cette société qui avait été rejetée, alors que la vérification de la comptabilité de cette société n'a pu avoir lieu en raison de l'attitude de son gérant, M. A, qui a refusé de recevoir le vérificateur au lieu du siège réel de l'activité de cette société, à Brosville, ce qui a conduit l'administration à mettre en oeuvre les dispositions prévues par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales en cas d'opposition à contrôle fiscal, opposition d'ailleurs constatée par le jugement susmentionné du Tribunal administratif de Rouen du 17 mai 2005 ; que l'administration établit par de tels faits une volonté délibérée d'éluder l'impôt, constitutive de la mauvaise foi au sens de l'article 1729 du code général des impôts ; qu'il en résulte que c'est à bon droit qu'elle a assorti d'une majoration de 40 % les droits supplémentaires d'imposition procédant de la taxation d'office de revenus d'origine indéterminée ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande M. A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Paul A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

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N°08DA01597 10


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA01597
Date de la décision : 28/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Gayet
Rapporteur ?: M. Antoine Durup de Baleine
Rapporteur public ?: M. de Pontonx
Avocat(s) : SELARL DTA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-01-28;08da01597 ?
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