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04/03/2010 | FRANCE | N°09DA01667

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 04 mars 2010, 09DA01667


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 1er décembre 2009 et régularisée par la production de l'original le 3 décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Fatima Zohra A, demeurant ..., par Me Robin, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904412 du 22 octobre 2009 du Tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2009 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé à son égard une mesure d'obligation de qui

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Vu la requête, enregistrée par télécopie le 1er décembre 2009 et régularisée par la production de l'original le 3 décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Fatima Zohra A, demeurant ..., par Me Robin, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904412 du 22 octobre 2009 du Tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2009 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé à son égard une mesure d'obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois et a fixé le pays dont elle a la nationalité comme pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa situation à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, d'enjoindre audit préfet, dans les mêmes conditions, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'il n'est pas établi que le secrétaire général adjoint, signataire de la décision, ait reçu une délégation de signature avant le 11 juin 2009, régulièrement publiée ; que cette délégation de signature consentie à M. B, signataire de ladite décision, est trop générale en ce qu'elle ne lui donne pas compétence pour signer les obligations de quitter le territoire français ; que M. B n'a compétence pour signer les décisions prises en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que dans le cadre de la permanence préfectorale ;

- que l'arrêté en litige est insuffisamment motivé en droit et en fait ; que cette motivation est stéréotypée en ce que le préfet du Nord n'a pas pris en considération les évolutions dans sa situation entre le 12 octobre 2007 et le 11 juin 2009 ;

- que l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet du Nord a également commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ; qu'elle est entrée en France le 18 juin 2006 ; que, depuis cette date, elle a noué de nombreux liens avec les membres de sa famille installés sur le territoire français ainsi que des liens amicaux ; que ses deux filles vivent en France et ont une activité professionnelle ; qu'elle a une relation affective sincère avec son concubin de nationalité française ; qu'elle est également dans une situation précaire sur le plan physique voire psychique et que le préfet du Nord n'a pas examiné sa situation au regard des stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien ;

- qu'elle craint pour sa vie ou sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine ; que la situation demeure toujours tendue en Algérie ; qu'en retournant en Algérie après plus de trois ans d'absence, elle serait socialement stigmatisée ; qu'elle ne peut repartir dans son pays d'origine compte tenu de son état de santé ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2009, présenté par le préfet du Nord ; le préfet conclut au rejet de la requête ; il fait valoir :

- que l'arrêté du 11 juin 2009 a été signé par une autorité compétente ; que M. Guillaume B, secrétaire général adjoint de la préfecture, bénéficiait d'une délégation de signature, par un arrêté du 3 novembre 2008 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord de la même date, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de la direction de la réglementation et des libertés publiques et de l'administration générale ; que l'arrêté attaqué est suffisamment motivé en droit et en fait ;

- s'agissant de la décision de refus de séjour, que la situation de Mme A a été examinée au regard des stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien ; que l'intéressée, démunie de visa de long séjour, ne démontre pas être dépendante de sa fille titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, ni ne pouvoir être aidée par sa fille restée en Algérie ou par celles vivant aux Pays-Bas avec lesquelles elle a des contacts réguliers ; qu'elle ne justifie pas être démunie de ressources et être dans l'impossibilité de poursuivre son existence de façon autonome en Algérie où elle y a toujours vécu ; que ladite décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, nonobstant la présence de sa fille régulièrement établie en France, Mme A n'est pas isolée en Algérie où demeurent sa fille Souad, sa mère et sa fratrie ; que son fils mineur, qui est entré en France démuni du visa mineur scolarisé, est scolarisé depuis moins d'un an à la date de l'arrêté attaqué ; que si l'intéressée se prévaut de son concubinage avec un ressortissant français, elle n'apporte aucune précision sur la durée et la nature de cette relation à la supposer établie ;

- s'agissant de la décision d'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination, que Mme A ne produit aucun élément permettant d'établir qu'elle serait actuellement et personnellement exposée à des risques de persécutions ou de traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'intéressée ne conteste pas être de nationalité algérienne ; qu'elle peut être reconduite à la frontière à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays dont elle établit légalement être admissible ; que Mme A ne justifie pas se trouver dans l'un des cas dans lesquels un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 janvier 2010, présenté pour Mme A, par lequel elle conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que Mme A, de nationalité algérienne, a déclaré être entrée en France le 18 juin 2006 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Etats Schengen de type C d'une durée de 45 jours, délivré par les autorités consulaires des Pays-Bas à Alger, et a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français ; que, par un arrêté du 11 juin 2009, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, a prononcé à son égard une mesure d'obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois et a fixé le pays dont elle a la nationalité comme pays de destination ; que Mme A relève appel du jugement du 22 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté du 11 juin 2009 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que, par un arrêté du 3 novembre 2008 régulièrement publié, le préfet du Nord a donné délégation de signature à M. Guillaume B, en qualité de secrétaire général adjoint de la préfecture du Nord, pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de la direction de la réglementation et des libertés publiques ; qu'il n'est pas contesté que les arrêtés portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination relèvent de la direction de la réglementation et des libertés publiques ; qu'ainsi, M. Guillaume B pouvait légalement signer l'arrêté attaqué y compris en dehors des périodes de permanence ; que, par ailleurs, la portée générale de cette délégation n'affecte pas, en tout état de cause, sa régularité ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de ce signataire doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que si Mme A soutient que la motivation de l'arrêté du 11 juin 2009 est stéréotypée, il ressort, toutefois, de l'examen dudit arrêté que celui-ci, qui énonce les considérations de droit sur lesquelles il se fonde, comporte également les considérations de fait relatives à la situation personnelle de l'intéressée ; que le moyen tiré de ce qu'il ne serait pas suffisamment motivé en droit et en fait doit, dès lors, être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que Mme A, née le 28 février 1960, est entrée en France le 18 juin 2006 ; que si l'intéressée soutient que depuis cette date, elle a noué de nombreux liens avec les membres de sa famille installés sur le territoire français ainsi que des liens amicaux, que deux de ses filles vivent en France et ont une activité professionnelle, il est constant que Mme A, qui est divorcée depuis 1999, a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de quarante-six ans ; qu'elle n'établit pas être à la charge de ses filles, ni être isolée dans son pays d'origine où résident sa mère, sa fratrie et une autre de ses filles ; qu'en outre, son fils mineur, qui est entré en France en 2008, a une scolarisation récente ; que si Mme A soutient également qu'elle a une relation affective sincère avec son concubin de nationalité française, elle ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de cette relation, ni même, à la supposer établie, la stabilité et l'ancienneté de cette vie maritale ; qu'enfin, si Mme A soutient que le préfet du Nord n'a pas examiné sa situation au regard des stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien dans la mesure où elle est dans une situation précaire sur le plan physique voire psychique, il est constant que l'intéressée n'a pas demandé la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales sur le fondement de ces stipulations ; qu'en tout état de cause, les trois certificats médicaux qu'elle produit ne sont pas de nature à établir que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de Mme A, l'arrêté attaqué ne saurait être regardé comme portant au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage établi que le préfet du Nord a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A alors même qu'elle aurait tissé de nombreux liens amicaux en France ;

Considérant, en quatrième lieu, que si Mme A soutient qu'elle craint pour sa vie ou sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine, elle ne le démontre pas en ne produisant aucun élément au soutien de ses allégations ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que l'arrêté du 11 juin 2009 en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2009 du préfet du Nord ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions de Mme A à fin d'injonction assorties d'astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Fatima Zohra A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

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N°09DA01667 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Gayet
Rapporteur ?: Mme Marianne (AC) Terrasse
Rapporteur public ?: M. de Pontonx
Avocat(s) : ROBIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Date de la décision : 04/03/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09DA01667
Numéro NOR : CETATEXT000022364370 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-03-04;09da01667 ?
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