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16/03/2010 | FRANCE | N°09DA01289

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 16 mars 2010, 09DA01289


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 30 août 2009 et confirmée par la production de l'original le 2 septembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Ramadan A, demeurant ..., par la Selarl Eden Avocats ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901372 du 9 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 10 avril 2009 du préfet de l'Eure qui a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé l

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Vu la requête, enregistrée par télécopie le 30 août 2009 et confirmée par la production de l'original le 2 septembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Ramadan A, demeurant ..., par la Selarl Eden Avocats ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901372 du 9 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 10 avril 2009 du préfet de l'Eure qui a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale et ce, dans un délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, enfin, à la condamnation de l'Etat à verser à la Selarl Eden Avocats la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

M. A soutient que la décision portant refus de séjour présente une motivation contradictoire dans la mesure où elle vise l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'elle mentionne qu'il a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour ; que ladite décision est également insuffisamment motivée en fait ; que ladite décision est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où le préfet aurait dû saisir la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en application de l'article L. 5221-2 du code du travail ; que l'administration a commis une erreur de droit, soit en examinant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 313-10 dudit code alors qu'il avait déposé une demande d'admission exceptionnelle, soit en méconnaissant l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison du métier en tension pour lequel il dispose d'une promesse d'embauche, sans qu'il ait besoin d'un visa de long séjour ; que l'article L. 313-14 précité ne conditionne pas la délivrance d'un titre de séjour portant la mention salarié à un motif exceptionnel ; qu'à titre subsidiaire, il justifie au demeurant d'un tel motif, par la production d'une promesse d'embauche en tant que plaquiste, métier en tension ; que l'application des listes de métiers par nationalité annexées aux deux arrêtés du 18 janvier 2008 présente un caractère discriminatoire au regard de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, quoiqu'il en soit, le métier de plaquiste peut être rattaché à la catégorie d'ouvrier de l'étanchéité et de l'isolation figurant dans la liste des 150 métiers en tension ouvrant droit à la délivrance à titre exceptionnel d'un titre de séjour ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en raison de l'état de santé de sa fille, de la scolarité de son fils, de la présence de sa femme et des risques qui pèsent sur eux en cas de retour au Kosovo ; que le premier juge n'a pas pris en compte l'ensemble de sa situation ; que la décision préfectorale méconnaît l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ; que sa fille est atteinte de troubles psychologiques qui ne peuvent être soignés dans son pays d'origine ; qu'elle suit en France un enseignement adapté à son handicap en classe d'intégration scolaire ; que lui-même, son épouse et sa fille ont été agressés au Kosovo ; que sa vie privée et familiale y est donc impossible ; que son fils est également scolarisé en France où il obtient de bons résultats ; qu'il n'a plus de liens familiaux au Kosovo ; que la décision du préfet porte atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille en méconnaissance de l'article 3-1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'il peut également bénéficier de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité d'accompagnant de malade ; que la décision du préfet a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation ; que la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ; que les dispositions législatives qui permettent de l'édicter n'ont pas été rappelées ; que le préfet se contente de viser l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors qu'il devait également viser l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet n'a pas vérifié si sa décision méconnaissait les dispositions de l'article L. 513-2 précité et a ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ; que les pièces versées permettent de démontrer qu'il met sa vie et sa liberté en danger en cas de retour au Kosovo ; que la décision est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions de l'article L. 513-2 susvisé ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu la décision du 14 septembre 2009 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 12 février 2010 et confirmé par la production de l'original le 15 février 2010, présenté par le préfet de l'Eure, qui conclut au rejet de la requête par les motifs que sa décision est motivée en droit et en fait, qu'il n'avait pas besoin de saisir le directeur du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, qu'il n'a été saisi d'aucune demande de régularisation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'au demeurant, le requérant n'a fait valoir dans sa demande aucun motif exceptionnel ou humanitaire justifiant son admission exceptionnelle au séjour, que sa décision ne méconnaît ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'intéressé ne justifie pas d'attaches familiales ni d'être inséré en France, que la pathologie de sa fille peut être prise en charge dans son pays d'origine qui dispose de traitements appropriés en la matière, que sa décision n'est pas contraire à l'article 3-1° de la convention relative aux droits de l'enfant, qu'il n'était pas tenu de délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation, que sa décision fixant le pays de renvoi n'est pas contraire aux articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le requérant n'apporte aucun élément sur les risques encourus dans son pays d'origine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un état membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux ressortissants des Etats de l'Union Européenne soumis à des dispositions transitoires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Michel Durand, président-assesseur, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Arbi, substituant la Selarl Eden Avocats, pour M. A ;

Considérant que M. A, ressortissant se disant de nationalité kosovar, né le 27 avril 1967, déclare être entré en France en février 2007 ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 21 mai 2007 et par la Cour nationale du droit d'asile le 4 mars 2008 ; qu'il a, le 10 octobre 2008, sollicité son admission au séjour ; que, par un arrêté du 10 avril 2009 du préfet de l'Eure, l'intéressé a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire et fixant comme pays de renvoi le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible ; que l'intéressé relève appel du jugement du 9 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant à l'annulation dudit arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de séjour :

Considérant que M. A a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour motifs exceptionnels en se prévalant de sa vie privée et familiale et de son insertion professionnelle ; que le préfet de l'Eure a rejeté la demande de l'intéressé aux motifs, d'une part, qu'il ne remplissait ni les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour salarié , ni celles du 7° de l'article L. 313-11 du même code pour se voir délivrer un titre de séjour vie privée et familiale et, d'autre part, qu'il ne présentait pas de motifs exceptionnels permettant de régulariser son séjour ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : (...) Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; que l'arrêté du 10 avril 2009 pris par le préfet de l'Eure, qui expose que M. A est venu rejoindre son épouse et ses enfants en février 2007, que ses demandes d'asile ont été rejetées, qu'il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour pour vivre et travailler en France, qui précise par ailleurs qu'il ne dispose pas des visas d'installation conformément à l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui indique que son épouse fait l'objet d'une mesure d'éloignement identique, que la cellule familiale peut, dès lors, se reconstituer dans son pays d'origine avec ses deux enfants, que l'intéressé ne présente pas de motifs exceptionnels d'admission au séjour et qui fait référence aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait insuffisamment motivée en fait ou qu'elle serait incohérente ;

Considérant, en deuxième lieu qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ; qu'il ne résulte pas des dispositions précitées que lorsque l'administration statue sur une demande de régularisation exceptionnelle en qualité de travailleur salarié, elle soit tenue d'instruire ladite demande selon les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit notamment la saisine du directeur du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ; que, par suite, M. A, qui ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de l'article L. 5221-2 du code du travail applicable aux ressortissants étrangers désireux d'entrer en France, n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision du préfet de l'Eure refusant son admission exceptionnelle au séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Considérant, en troisième lieu, que le requérant soutient que le préfet a commis une erreur de droit en fondant le rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le défaut de visa de long séjour ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet, saisi d'une demande de titre de séjour salarié , l'a instruite à double titre, à la fois sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais également sur celui des dispositions de l'article L. 313-14 du même code ; que, d'une part, il est constant que M. A ne disposait pas de visa de long séjour et, d'autre part, la seule existence d'une promesse d'embauche ne constitue pas un motif exceptionnel et ne pouvait servir de fondement à la délivrance d'un titre de séjour pour motif exceptionnel ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que, d'une part, la réglementation française, en tant qu'elle prévoit qu'à l'exception des métiers connaissant des difficultés de recrutement et inscrits sur une liste prévue à l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la situation de l'emploi demeure opposable aux étrangers non ressortissants de l'Union Européenne, de l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, n'est pas disproportionnée à l'objectif d'intérêt général de régulation des flux migratoires consistant notamment dans l'accès réglementé au marché du travail ; que, d'autre part, les traités d'adhésion à l'Union européenne, en tant qu'ils prévoient que les Etats membres doivent instaurer un régime préférentiel pour les travailleurs ressortissants de l'Union européenne par rapport aux travailleurs ressortissants d'Etats tiers, ont pour but de rendre effective la liberté de circulation des travailleurs à l'intérieur des Etats membres de l'Union européenne ; que M. A n'est donc pas fondé à soutenir que la différence de traitement entre ressortissants des Etats tiers et ressortissants de l'Union européenne ne reposerait, en ce qui concerne l'accès au marché du travail, sur aucune justification objective et raisonnable et méconnaîtrait, par suite, l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en cinquième lieu, que le requérant se disant de nationalité kosovar, ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance par le préfet de la liste des 150 métiers ouverts aux ressortissants roumains et bulgares annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008 susvisé relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux ressortissants des états de l'Union Européenne soumis à des dispositions transitoires ;

Considérant, en sixième lieu, que M. A invoque à l'appui de sa demande de titre de séjour pour motifs exceptionnels, l'état de santé de sa fille née en 1997 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le médecin inspecteur de la santé publique a, le 6 janvier 2009, estimé que l'état de santé de la fille du requérant nécessitait un traitement médical disponible dans le pays d'origine dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, que l'enfant a bénéficié d'un traitement médical lorsqu'elle résidait au Kosovo où sa maladie a été diagnostiquée ; que, par ailleurs, les différents avis, ordonnances et certificats médicaux versés au dossier par le requérant, dont l'un est, au demeurant, postérieur à la décision attaquée, qui décrivent les symptômes dont souffre l'enfant et indiquent qu'un suivi médical est nécessaire, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du médecin inspecteur de la santé publique ; que, dès lors, ce moyen doit être écarté ;

Considérant, en septième lieu, que M. A, qui n'a pas sollicité la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut utilement se prévaloir dudit article ;

Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que M. A soutient que sa vie privée et familiale ne peut se reconstituer au Kosovo où il est isolé, que sa fille est scolarisée en France dans une classe adaptée à son handicap et que son fils obtient de bons résultats ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'épouse du requérant fait également l'objet d'une même mesure d'éloignement ; qu'ainsi, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé et à la possibilité de reconstituer la cellule familiale hors de France, le préfet de l'Eure n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code susvisé et des stipulations susmentionnées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

Considérant, en neuvième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1° de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 publiée par décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment, en ce qui concerne la vie privée et familiale, la durée et les conditions de séjour en France, que M.A n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Eure, en refusant de l'admettre au séjour, a méconnu les stipulations précitées de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la décision du préfet portant refus de séjour ne pouvait être regardée comme étant entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation du requérant ou comme emportant des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du même code : L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Considérant que la décision par laquelle le préfet fixe le pays de destination auprès duquel sera reconduit l'étranger s'il ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en fait comme en droit en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant que si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 susrappelés, lequel est, du reste, mentionné dans la décision attaquée ; que le législateur ayant décidé par l'article 41 de la loi du 20 novembre 2007 de dispenser l'administration de viser la disposition législative qui fonde l'obligation de quitter le territoire, cette dispense s'attache, dans la même mesure, à la décision fixant le pays de destination fondée sur la même disposition législative ; qu'ainsi, le requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée en droit, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant pas, quant à elles, à être visées dès lors qu'elles ne s'attachent qu'aux modalités d'exécution de la mesure ; que, par ailleurs, le préfet n'a pas insuffisamment motivé sa décision en mentionnant que le requérant n'indiquait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, l'intéressé n'établissant pas avoir fait état, dans sa demande, de risques autres que ceux invoqués à l'appui de ses demandes d'asile, lesquelles ont été rejetées par les décisions susmentionnées de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas exercé son pouvoir d'appréciation de la situation du requérant ; que, dès lors, ce moyen doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; que M. A soutient que lui-même, sa femme et sa fille ont été agressés au Kosovo ; que, toutefois, aucune pièce versée au dossier ne permet de tenir pour établies ces allégations ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet en tant qu'elle fixe le pays de destination serait contraire aux stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions susvisées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. A tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Eure portant refus de séjour, l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays de destination doit être rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le rejet des conclusions à fin d'annulation entraîne, par voie de conséquence, celui des conclusions à fin d'injonction ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que M. A demande au titre de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ramadan A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera adressée au préfet de l'Eure.

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N°09DA01289 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Kimmerlin
Rapporteur ?: M. Michel (AC) Durand
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 16/03/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09DA01289
Numéro NOR : CETATEXT000022203335 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-03-16;09da01289 ?
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