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25/03/2010 | FRANCE | N°09DA00510

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 25 mars 2010, 09DA00510


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 26 mars 2009, présentée pour M. Rabah A, demeurant ..., par le Cabinet d'Avocats Cochet Denecker ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705887 du 5 février 2009 du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales portant chacune retrait de trois et quatre points de son permis de conduire consécutivement aux infractions commises les 27 septembre

2004 et 13 mai 2007 ;

2°) d'annuler les décisions attaquées ;

3°...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 26 mars 2009, présentée pour M. Rabah A, demeurant ..., par le Cabinet d'Avocats Cochet Denecker ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705887 du 5 février 2009 du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales portant chacune retrait de trois et quatre points de son permis de conduire consécutivement aux infractions commises les 27 septembre 2004 et 13 mai 2007 ;

2°) d'annuler les décisions attaquées ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réaffecter sept points à son permis de conduire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la réalité des infractions n'est pas établie, le ministre ne justifiant pas du paiement des amendes forfaitaires ni de l'émission de titres exécutoires ; que les articles L. 225-1 à L. 225-9 du code de la route ne sont pas cités, et leur contenu n'est pas repris ; qu'il n'a pas été informé que le traitement automatisé porte également sur la reconstitution de points ; qu'il est fait mention sur les procès-verbaux d'une information erronée sur le droit à copie ; que, s'agissant de l'infraction commise le 27 septembre 2004, il n'a jamais été mis en possession du document Cerfa, et n'a d'ailleurs pas signé le procès-verbal ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 7 avril 2009 fixant la clôture de l'instruction au 7 octobre 2009, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 23 avril 2009, et régularisé par la production de l'original le 27 avril 2009, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que la procédure de retrait de points dépend de la réalité de l'infraction telle qu'elle résulte de la procédure judiciaire, l'administration se trouvant en situation de compétence liée ; que les retraits de points interviennent sur la base des informations transmises par l'officier du ministère public sans pouvoir d'appréciation par le ministère de l'intérieur ; qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative d'apprécier le bien-fondé d'une contestation basée sur une prétendue absence de paiement ; que l'article R. 223-3 du code de la route n'impose pas que soit délivrée au contrevenant une information spécifique sur les possibilités de reconstitution du capital de points ; que la mention erronée selon laquelle le contrevenant n'a pas droit à copie des informations le concernant est sans influence sur la légalité des décisions de retrait de points ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 mai 2009, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu la lettre, en date du 15 janvier 2010, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Guillaume Mulsant, président de chambre, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que M. A relève appel du jugement du Tribunal administratif de Lille du 5 février 2009 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales portant chacune retrait de trois et quatre points de son permis de conduire consécutivement aux infractions commises les 27 septembre 2004 et 13 mai 2007 ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'examen des mémoires de première instance que le moyen de légalité interne tiré de ce que le ministre de l'intérieur n'établirait pas, en application de l'article L. 223-1 du code de la route, la réalité des infractions commises les 27 septembre 2004 et 13 mai 2007 relève d'une cause juridique distincte de celle de légalité externe ouverte en première instance dans le délai de recours contentieux, lequel a commencé à courir, devant cette juridiction, au plus tard à compter du 12 septembre 2007, date d'enregistrement au greffe de la demande de première instance ; que ce moyen qui n'a été développé qu'à l'occasion du dépôt d'un mémoire en réplique de l'intéressé devant le Tribunal le 28 novembre 2007, présentait ainsi le caractère d'un moyen nouveau qui, produit après l'expiration des délais de recours contentieux était tardif et doit être, par suite, écarté comme irrecevable ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions des articles L. 223-1, L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, lesquelles constituent une garantie essentielle lui permettant de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tout moyen, qu'elle a satisfait à cette obligation d'information ;

En ce qui concerne l'infraction commise le 27 septembre 2004 :

Considérant que le ministre de l'intérieur a produit le procès-verbal de contravention dressé à l'occasion de l'infraction constatée le 27 septembre 2004 ; que ce procès-verbal n'est pas signé par M. A et ne porte pas la mention selon laquelle il aurait refusé de signer ; que la circonstance que l'état civil, l'adresse et le numéro de permis du contrevenant figurent sur le second volet du procès-verbal produit ne suffit pas à établir que l'intéressé a reçu, lors de la constatation de cette infraction, l'information préalable requise par les dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; qu'ainsi, faute pour l'administration de démontrer que le requérant a bien été mis en possession du procès-verbal d'infraction et été destinataire de l'information préalable prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, le retrait de trois points consécutif à cette infraction doit être regardé comme intervenu au terme d'une procédure irrégulière et, par suite, comme entaché d'illégalité ;

En ce qui concerne l'infraction commise le 13 mai 2007 :

Considérant qu'il ressort du procès-verbal de contravention signé par M. A et du modèle Cerfa fourni par l'administration, que, contrairement à ce que soutient l'intéressé, celui-ci reconnait avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention , lequel contient l'ensemble des informations prévues par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route en ce qui concerne les modalités de retrait de points, l'existence d'un traitement automatisé de ces points et la possibilité pour l'auteur de l'infraction d'y accéder ; que si l'article L. 223-3 du code de la route prévoit d'informer le contrevenant de la possibilité d'exercer son droit d'accès à un traitement automatisé de ses points conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9 du même code, la circonstance que les formulaires communiqués à l'intéressé ne faisaient pas référence aux articles en cause n'a toutefois pas privé le contrevenant d'une information indispensable pour contester la réalité de l'infraction et en mesurer les conséquences sur la validité du permis, dès lors que les informations utiles auxquelles font référence les articles en cause ont été portées à sa connaissance ; que ces informations utiles portent sur l'existence d'un traitement automatisé des retraits de points et du droit d'accès et de rectification aux informations concernant le permis de conduire dont dispose le contrevenant auprès d'autorités identifiées, en vertu de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; qu'il ressort de ce qui a été dit ci-dessus que l'intéressé a eu connaissance de ces informations utiles ; que la circonstance que les mentions sur les avis de contravention aient indiqué que le contrevenant peut exercer, auprès du service préfectoral de son domicile, un droit d'accès au traitement automatisé, sans pouvoir en obtenir une copie, n'a pas privé l'intéressé d'une information constituant par elle-même une garantie substantielle ; qu'il en va de même s'agissant de la circonstance selon laquelle les mentions figurant sur l'avis de contravention n'aient pas indiqué que le traitement automatisé porte également sur la reconstitution de points ; que les modalités concrètes d'exercice du droit d'accès sont par elles-mêmes sans influence sur la légalité des décisions de retraits de points ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pu, de ce fait, bénéficier de l'accomplissement de formalités substantielles en ce qui concerne la perte de ses points, l'existence d'un traitement automatisé et la possibilité d'y avoir accès ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur portant retrait de trois points de son permis de conduire à la suite de la constatation de l'infraction commise le 27 septembre 2004 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que l'administration ayant retiré irrégulièrement trois points affectés au permis de conduire de M. A, le présent arrêt implique seulement que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales réaffecte trois points au capital du permis de conduire de celui-ci dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat à M. A une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lille du 5 février 2009 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur portant retrait de trois points de son permis de conduire à la suite de la constatation de l'infraction commise le 27 septembre 2004. Cette décision est également annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales de réaffecter trois points au permis de conduire de M. A dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Rabah A, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et au préfet du Nord.

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N°09DA00510


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09DA00510
Date de la décision : 25/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Guillaume Mulsant
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS COCHET DENECKER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-03-25;09da00510 ?
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