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29/04/2010 | FRANCE | N°09DA01676

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (ter), 29 avril 2010, 09DA01676


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 3 décembre 2009 et régularisée par la production de l'original le 7 décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Lahcen A, demeurant ..., par Me Clément, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904985 du 5 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2009 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et assorti ce refus d'une obligation

de quitter le territoire français, d'autre part, à ce qu'il soit ordonné au...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 3 décembre 2009 et régularisée par la production de l'original le 7 décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Lahcen A, demeurant ..., par Me Clément, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904985 du 5 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2009 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, d'autre part, à ce qu'il soit ordonné audit préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention artisan dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de cette notification, sous astreinte de 155 euros par jour de retard et, enfin, à ce que l'Etat soit condamné à lui payer une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement est irrégulier dès lors que son conseil n'a pas été régulièrement avisé de la date de l'audience ; que le refus de délivrance d'un titre de séjour est entaché d'une erreur de fait et d'un défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé, le préfet ayant ignoré sa qualité d'artisan ; qu'il a droit au séjour en application de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et porté atteinte à sa vie privée et familiale ; que l'obligation de quitter le territoire français procède d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2010, présenté par le préfet du Nord, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir qu'il n'a pas commis d'erreur de fait et que le requérant n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation, ni n'a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Antoine Durup de Baleine, premier conseiller, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Gommeaux, avocat substituant Me Clément, pour M. A ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-6 du code de justice administrative : A l'exception de la notification prévue aux articles R. 751-1 à R. 751-4, les actes de procédure sont accomplis à l'égard du mandataire ou du représentant unique mentionné à l'article R. 411-5, selon le cas ; qu'aux termes de l'article R. 775-4 du même code : Le président de la formation de jugement peut, dès l'enregistrement de la requête, faire usage du pouvoir prévu au premier alinéa de l'article R. 613-1 de fixer la date à laquelle l'instruction sera close. Il peut, par la même ordonnance, fixer la date et l'heure de l'audience au cours de laquelle l'affaire sera appelée. Dans ce cas, l'ordonnance tient lieu de l'avertissement prévu à l'article R. 711-2 ; qu'aux termes de ce dernier : Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. (...) L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande présentée par M. A, agissant par le ministère d'un avocat, a été enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Lille le 30 juillet 2009 sous le n° 0904985 ; que, par une ordonnance du 3 août 2009, notifiée à cet avocat le 5 août 2009, le président de la cinquième chambre de ce Tribunal, faisant usage des pouvoirs qu'il tient des dispositions précitées de l'article R. 775-4 du code de justice administrative, a fixé au 22 octobre 2009 à 9 h 30 la date et l'heure de l'audience au cours de laquelle cette affaire serait appelée ; que, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 septembre 2009, notifiée le 30 septembre 2009, le mandataire de M. A a été averti que la date et l'heure de l'audience au cours de laquelle seraient appelées l'affaire enregistrée sous le n° 0904985, ainsi qu'une autre affaire dans laquelle était également constitué cet avocat, étaient reportées au 21 octobre 2009 à 9 h 30, date et heure auxquelles cette audience s'est tenue ; qu'ainsi, le mandataire de M. A a été averti, sept jours au moins avant l'audience à se tenir dans l'affaire n° 0904985, de la date et de l'heure de cette audience ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement, faute d'un tel avertissement, doit être écarté ;

Sur les conclusions en annulation :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, par la demande de titre de séjour souscrite le 8 octobre 2008, le requérant, qui, sur l'imprimé de demande de titre, s'est borné à cocher la mention autre catégorie sans en revanche cocher la mention commerçant / artisan / industriel , n'a pas, sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité d'artisan ; que la lettre de motivation de cette demande est vierge de toute mention ; que, si le requérant soutient qu'en cours d'instruction de cette demande, il en a modifié l'objet afin de solliciter un titre de séjour en qualité d'artisan et, à cet effet, a produit diverses pièces, il ne l'établit pas au moyen des attestations des 15 et 16 juillet 2009 produites au soutien de la requête ; que, contrairement à ce qui est soutenu, il n'incombe pas au préfet d'établir que le requérant n'a pas modifié de la sorte l'objet de sa demande de titre de séjour ; que la circonstance qu'à compter du 8 décembre 2008 lui ont été délivrés successivement trois récépissés, valant autorisation provisoire de séjour, l'autorisant à travailler, n'a eu ni pour objet, ni pour effet, de modifier l'objet de la demande de titre de séjour souscrite le 8 octobre 2008 ; que c'est seulement dans son recours gracieux du 23 juillet 2009, postérieur à l'arrêté attaqué du 7 juillet 2009 et qui ne constitue pas une demande de titre de séjour, que le requérant a exposé des éléments relatifs à une activité professionnelle qu'il a développée en France à compter du 5 février 2009 ;

Considérant, dès lors, que c'est à bon droit et sans erreur de fait que le préfet n'a estimé être saisi que d'une demande tendant, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ; qu'il suit de là qu'au soutien des conclusions dirigées contre la décision rejetant cette demande, sont inopérants les moyens de la requête tirés de ce que le préfet du Nord s'est abstenu de procéder à un examen de la situation du requérant au regard de l'activité artisanale développée par ce dernier en 2009 et de rechercher si le requérant était en droit de prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité d'artisan ; qu'en outre, la délivrance d'une telle carte de séjour n'étant pas, aux termes du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de plein droit au cas où les conditions en sont remplies, le moyen tiré de ce que M. A aurait été en droit de prétendre à une telle délivrance est inopérant au soutien des conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Nord a assorti le rejet de la demande de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;

Considérant que, si le requérant, qui est né en 1976 au Maroc et qui est ressortissant marocain, soutient qu'il est entré en France le 27 juillet 2005 et, depuis cette date, a résidé habituellement en France, il ne l'établit pas ; que son entrée en France, quelle qu'en soit la date, était irrégulière, dès lors que le requérant était dépourvu de visa ; qu'il s'est ensuite maintenu irrégulièrement sur le territoire français jusqu'au 8 octobre 2008 ; qu'il est célibataire et n'a personne à charge ; que la demande de titre de séjour souscrite par le requérant ne fait pas état de membre de sa famille proche résidant en France et que, si M. A soutient toutefois qu'une grande partie de sa famille, à savoir une soeur, une demi-soeur et des cousins, réside en France, cette allégation n'est assortie d'aucune précision, ni appuyée d'aucun élément de preuve ; qu'il ressort également des pièces du dossier que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc, où réside son père, quand bien même ce dernier est âgé ; que le requérant a vécu au Maroc pendant au moins 29 ans ; que, s'il se prévaut d'une activité artisanale qu'il a développée en France à compter du début de l'année 2009, cette circonstance, très récente à la date de l'arrêté en litige, ne se rapporte pas directement, en elle-même, à sa vie privée et familiale ; qu'il ne saurait davantage se prévaloir des conséquences de toute nature que cet arrêté est susceptible d'avoir sur la pérennité de cette activité, dont la conduite n'a été rendue possible que par les autorisations provisoires de séjour délivrées les 8 décembre 2008, 25 février 2009 et 25 mai 2009, chacune d'une durée de trois mois, lesquelles autorisations, qui n'ont pas la nature d'une carte de séjour temporaire en qualité d'artisan, présentaient un caractère précaire et n'étaient, dès lors, pas propres à fonder le développement pérenne en France de ladite activité par un ressortissant non communautaire arrivé dans ce pays dans des conditions irrégulières ; qu'ainsi, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de M. A en France, le préfet du Nord, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts de ces décisions ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit, dès lors, être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui précisent les cas dans lesquels les étrangers présents sur le territoire national ont droit à la délivrance d'un titre de séjour, ne font pas obligation au préfet de refuser un titre de séjour à un étranger qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit, sauf lorsqu'elles l'interdisent expressément ; que, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est ainsi confié, il appartient au préfet d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé et des conditions non remplies, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;

Considérant que, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de M. A, notamment des circonstances qu'il est entré en France puis s'y est maintenu dans des conditions irrégulières et qu'il n'y justifie pas de liens personnels intenses, anciens et stables, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne lui délivrant pas, en tant que mesure de régularisation, un titre de séjour ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en décidant d'assortir le rejet de la demande de titre de séjour d'une obligation faite à M. A de quitter le territoire français, le préfet du Nord n'a, nonobstant les conséquences que l'exécution d'une telle obligation est propre à avoir sur l'activité artisanale que le requérant a estimé pouvoir développer en France à compter du 5 février 2009 à la faveur de simples récépissés de demandes de titre de séjour et alors au surplus que le requérant ne soutient pas qu'il ne serait pas à même d'entreprendre au Maroc une activité de même nature, pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle obligation sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions en annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce que, sous astreinte, il soit ordonné au préfet du Nord de délivrer à M. A un titre de séjour ou de réexaminer sa situation ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. A à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Lahcen A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

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N°09DA01676 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 09DA01676
Date de la décision : 29/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Gayet
Rapporteur ?: M. Antoine Durup de Baleine
Rapporteur public ?: M. de Pontonx
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-04-29;09da01676 ?
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