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06/05/2010 | FRANCE | N°08DA00899

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 06 mai 2010, 08DA00899


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 9 juin 2008 et le 18 juillet 2008 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 21 juillet 2008, présentés pour la société COLAS NORD PICARDIE, dont le siège est Siège Social 235 boulevard Clémenceau à Marcq-en-Baroeul (59706), par la SCP Boivin et Associes ; la société COLAS NORD PICARDIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501173-0502168 du 1er avril 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a, d'une part,

rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 3 mars 20...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 9 juin 2008 et le 18 juillet 2008 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 21 juillet 2008, présentés pour la société COLAS NORD PICARDIE, dont le siège est Siège Social 235 boulevard Clémenceau à Marcq-en-Baroeul (59706), par la SCP Boivin et Associes ; la société COLAS NORD PICARDIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501173-0502168 du 1er avril 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 3 mars 2005 du préfet de la Somme lui imposant des mesures complémentaires de surveillance du site qu'elle exploite au sein de la zone industrielle d'Amiens Nord et de l'arrêté du 10 juin 2005 le modifiant, et lui a, d'autre part, infligé une amende de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative ;

2°) à titre principal, d'annuler ces arrêtés ;

3°) à titre subsidiaire, d'abroger ces arrêtés ;

4°) en toute hypothèse, d'annuler le jugement en tant qu'il lui a infligé une amende de 3 000 euros ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement est entaché d'irrégularité dans la mesure où il ne vise pas le mémoire du 13 février 2006 déposé dans le cadre de l'instance n° 0501173 ; qu'à titre principal, les prescriptions litigieuses n'étaient pas nécessaires au regard des objectifs poursuivis par la police des installations classées ; qu'en effet, elles sont motivées par le fait que les teneurs en certaines substances dépassent les valeurs de constat d'impact en usage sensible prévues par le guide de gestion des sites pollués, lequel dépassement sert aussi de référence pour déterminer les conséquences éventuelles à tirer des résultats d'analyse alors que selon le rapport même de l'inspection des installations classées du 8 octobre 2004, un tel dépassement ne permet en aucune façon de justifier de la nécessité de procéder aux mesures de surveillance en cause compte tenu de ce que la nappe phréatique n'a pas d'usage d'eau potable au niveau de la zone industrielle ; que ni les valeurs de constat d'impact, qui selon l'annexe 5C du guide méthodologique recommandé par le ministère de l'écologie ne sont valables que pour l'usage de l'évaluation simplifiée des risques, et ne représentent pas, en particulier, des seuils de réhabilitation ou de dépollution , ni les valeurs de définition de source sol , lesquelles permettent de déterminer l'existence d'une source de pollution d'un sol, ne servent à décider s'il convient ou non de surveiller ou de dépolluer les eaux souterraines ou un site donné ; que l'inspection des installations classées ne pouvait donc utiliser les valeurs de constat d'impact comme seuil de surveillance voire de dépollution alors qu'elles ne peuvent l'être que pour l'établissement des évaluations simplifiées des risques ; que l'inspection comme le préfet de la Somme ont en outre appliqué des valeurs de type usage sensible correspondant à un usage résidentiel du site, alors qu'elles sont plus basses que celles de type usage non sensible correspondant comme en l'espèce à un usage industriel et commercial ; qu'à titre subsidiaire, les mesures ne sont plus nécessaires à la date de la lecture de l'arrêt et doivent faire l'objet d'une abrogation, laquelle peut être prononcée par le juge dès lors que le contentieux des installations classées est un contentieux de pleine juridiction ; qu'en effet, il ressort d'une réunion tenue le 2 avril 2008 postérieurement au jugement attaqué en présence notamment des exploitants du site d'Amiens que la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de Picardie a l'intention de proposer au préfet de retirer les prescriptions imposées en raison d'une absence d'identification d'une source de pollution et d'obligation réglementaire ; qu'après l'annulation du jugement et des arrêtés du préfet de la Somme, la condamnation injustifiée au paiement d'une amende pour recours abusif devra être annulée ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu la lettre en date du 25 février 2010 par laquelle la Cour, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, a informé les parties de ce que son arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 avril 2010, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, qui conclut, d'une part, au rejet de la demande de la société COLAS NORD PICARDIE en tant qu'elle tend à l'annulation des arrêtés du préfet de la Somme en date des 3 mars et 10 juin 2005 et, d'autre part, à ce qu'il soit fait droit à sa demande présentée à titre subsidiaire tendant à leur abrogation ; il fait valoir qu'il s'en remet aux observations présentées par le préfet en première instance ; que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ainsi que la Cour l'a relevé d'office, dès lors qu'il a été présenté plus de deux mois après l'expiration du délai d'appel et que la requête ne comportait que des moyens relatifs au bien-fondé du jugement ; que les mesures prescrites étaient initialement justifiées et proportionnées ainsi que cela ressort en particulier du rapport d'inspection du 8 octobre 2004 ; qu'eu égard aux différentes analyses effectuées par les sociétés voisines, il est peu probable que la société requérante soit responsable en partie de la pollution en cause et les arrêtés étant devenus sans objet, ils doivent être abrogés ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 avril 2010 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 16 avril 2010, présenté pour la société COLAS NORD PICARDIE qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le note en délibéré, enregistrée le 26 avril 2010 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 30 avril 2010, présentée pour la société COLAS NORD PICARDIE ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Breton, pour la société COLAS NORD PICARDIE ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ; qu'aux termes de l'article 17 du décret susvisé du 21 septembre 1977, codifié à l'article R. 512-28 du code de l'environnement : L'arrêté d'autorisation et, le cas échéant, les arrêtés complémentaires fixent les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1, L. 220-1 et L. 511-1 du code de l'environnement. Ces prescriptions tiennent compte notamment, d'une part, de l'efficacité des meilleures techniques disponibles et de leur économie, d'autre part, de la qualité, de la vocation et de l'utilisation des milieux environnants ainsi que de la gestion équilibrée de la ressource en eau (...) ; qu'aux termes de l'article 18 du même texte, codifié à l'article R. 512-31 du code de l'environnement : Des arrêtés complémentaires peuvent être pris sur proposition de l'inspection des installations classées (...). Ils peuvent fixer toutes les prescriptions additionnelles que la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 rend nécessaires ou atténuer celles des prescriptions primitives dont le maintien n'est plus justifié. (...) ;

Considérant que par un arrêté en date du 27 mars 2002 pris sur le fondement des dispositions des articles L. 511-1 et suivants du code de l'environnement, le préfet de la Somme a autorisé la société COLAS NORD PICARDIE à exploiter une usine de fabrication de liants hydrocarbonatés dans la zone industrielle d'Amiens où elle exploite d'autres installations ; que par un arrêté en date du 3 mars 2005, pris sur le fondement des dispositions précitées de l'article 18 du décret du 21 septembre 1977, le préfet a imposé à la société des prescriptions additionnelles relatives à la surveillance des eaux souterraines en raison de la pollution de la nappe phréatique ; que cet arrêté a été modifié par un arrêté du 10 juin 2005 précisant les parcelles concernées et reportant le point de départ des délais de réalisation des mesures à la notification de cette nouvelle décision ; que la société COLAS NORD PICARDIE relève appel du jugement du 1er avril 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, rejeté ses demandes, enregistrées sous les nos 0501173 et 0502168 qu'il a jointes, tendant à l'annulation de ces arrêtés et, d'autre part, lui a infligé une amende de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative en raison du caractère abusif de la seconde de ses demandes ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que la société COLAS NORD PICARDIE a présenté le moyen tiré de l'irrégularité du jugement dans un mémoire enregistré le 18 juillet 2008 postérieurement à la date d'expiration du délai d'appel le 17 juin 2008 sans qu'elle n'ait présenté antérieurement de moyen se rattachant à cette cause juridique ; que, par suite, le moyen est irrecevable et ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions présentées à titre principal tendant à l'annulation des arrêtés des 3 mars et du 10 juin 2005 :

Considérant que la société COLAS NORD PICARDIE soutient que les mesures litigieuses ne sont pas nécessaires dans la mesure où elles se fondent sur le dépassement des valeurs de constat d'impact pour un usage sensible telles que définies par l'annexe 5 C du Guide de gestion des sites (potentiellement) pollués (visite préliminaire, diagnostic initial, évaluation simplifiée des risques) réalisé par le ministère de l'aménagement du territoire de l'environnement alors, d'une part, que ces valeurs ne sont pas pertinentes pour déterminer s'il convient de surveiller des eaux souterraines ou un site donné, et, d'autre part, que l'usage de son site est industriel et par conséquent non sensible ;

Considérant, toutefois que dans son rapport du 8 octobre 2004 au vu duquel le préfet a pris les mesures litigieuses, l'inspection des installations classées s'est bornée à faire état des valeurs de constat d'impact au titre d'un usage sensible à titre purement indicatif selon ses mentions mêmes, en relevant que la nappe phréatique n'avait pas d'usage d'eau potable au niveau de la zone industrielle ; que la société requérante ne conteste pas sérieusement l'existence même d'une pollution de la nappe phréatique par des hydrocarbures, benzène, solvants chlorés et azote Kjeldhal ; que, par exemple, le chlorure de vinyle et le benzène ont été relevés à un niveau pouvant atteindre respectivement 2 000 et 710 microgramme par litre pour des seuils de 0,5 et 1 microgramme par litre correspondant à un usage sensible et pour des seuils 2,5 et 5 microgramme par litre correspondant à un usage non sensible ; que, par suite, la circonstance que le préfet de la Somme ait estimé sans autre précision que les teneurs en polluants dépassaient très largement les valeurs de constat d'impact correspondant à un usage sensible n'est pas de nature à démontrer que les mesures de surveillance décidées par le préfet étaient inutiles ;

Considérant, par ailleurs, que le préfet pouvait en toute hypothèse se fonder sur le dépassement de ces valeurs pour prescrire les mesures de surveillance en cause dans la mesure où, selon l'annexe 5 C déjà évoquée, elles sont précisément valables pour l'usage de l'évaluation simplifiée des risques et que si, selon le même texte, elles ne représentent pas, en particulier, des seuils de réhabilitation ou de dépollution , aucune opération de ce type n'a été prescrite à la société requérante ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société COLAS NORD PICARDIE, qui avait d'ailleurs été à l'origine de déversements accidentels d'eaux polluées à trois reprises en 1996 et 2001, n'est pas fondée à soutenir que les mesures de surveillance prescrites n'étaient pas nécessaires ;

Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire tendant à l'abrogation des arrêtés des 3 mars et du 10 juin 2005 :

Considérant que saisi d'un recours de plein contentieux formé contre un arrêté préfectoral ayant pour objet de prescrire des mesures complémentaires de surveillance, le juge administratif peut être amené à constater que les mesures prescrites, qui étaient légalement justifiées lorsqu'elles ont été prises, ne sont plus nécessaires à la date où il statue ; qu'il doit alors, non pas annuler l'arrêté attaqué, car une telle annulation revêt un caractère rétroactif, mais seulement l'abroger pour l'avenir ;

Considérant qu'il est constant qu'à la date du présent arrêt, la pollution de la nappe phréatique a cessé ; que dans ses écritures en défense, le ministre de l'écologie de l'énergie, du développement durable et de la mer admet qu'il est peu probable que la société COLAS NORD PICARDIE ait été en partie responsable de cette pollution ; que, dans ces conditions, les mesures de surveillance litigieuses n'étant plus nécessaires, elles doivent être abrogées ;

Sur l'amende pour recours abusif :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros ;

Considérant qu'eu égard à l'objet de la requête n° 0502168 de la société COLAS NORD PICARDIE et aux moyens qui y étaient développés, le Tribunal administratif d'Amiens l'a inexactement qualifiée d'abusive ; que son jugement doit, par suite, être annulé en tant qu'il a condamné la société requérante à une amende pour recours abusif ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société COLAS NORD PICARDIE est seulement fondée à demander que la Cour abroge les arrêtés préfectoraux en date des 3 mars et 10 juin 2005 et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée au paiement d'une amende pour recours abusif ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société COLAS NORD PICARDIE et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Amiens du 1er avril 2008 est annulé en tant qu'il a condamné la société COLAS NORD PICARDIE à une amende pour recours abusif.

Article 2 : Les arrêtés du préfet de la Somme en date des 3 mars 2005 et 10 juin 2005 sont abrogés.

Article 3 : L'Etat versera à la société COLAS NORD PICARDIE une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société COLAS NORD PICARDIE est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société COLAS NORD PICARDIE et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

Copie sera transmise au préfet de la Somme.

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N°08DA00899


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Mulsant
Rapporteur ?: M. Hubert Delesalle
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP BOIVIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Date de la décision : 06/05/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08DA00899
Numéro NOR : CETATEXT000022810610 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-05-06;08da00899 ?
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