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11/05/2010 | FRANCE | N°09DA01638

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 11 mai 2010, 09DA01638


Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et le mémoire complémentaire enregistré le 4 décembre 2009, présentés pour M. Dieudonné A, demeurant ..., par Me Ngueyep Noumo ; M. A demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906716 en date du 23 octobre 2009 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 octobre 2009 du préfet du Nord prononçant à son égard u

ne mesure de reconduite à la frontière, de la décision distincte du même jour ...

Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et le mémoire complémentaire enregistré le 4 décembre 2009, présentés pour M. Dieudonné A, demeurant ..., par Me Ngueyep Noumo ; M. A demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906716 en date du 23 octobre 2009 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 octobre 2009 du préfet du Nord prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière, de la décision distincte du même jour plaçant l'intéressé en rétention administrative et de la désignation du pays de destination de cette mesure ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté et lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient :

- qu'alors qu'il est entré sur le territoire français dans des conditions régulières, muni d'un passeport et d'un visa valides, sa situation n'entrait pas, contrairement à ce qu'a estimé à tort l'administration, dans le cadre du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le jugement attaqué devra être annulé, dès lors que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige est dépourvu de base légale ;

- que ledit arrêté, qui constitue la reproduction d'une formule stéréotypée, ne satisfait pas aux exigences de motivation posées par l'article 3 de la loi de 1979 ;

- qu'au fond, ledit arrêté a été pris en méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la situation de l'exposant répond à la double exigence posée par cette disposition ; que le premier juge a estimé à tort qu'il n'était pas établi qu'un défaut de traitement entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que l'exposant présente, en effet, une pathologie grave de la prostate, laquelle, si elle n'était pas ou si elle était mal traitée, pourrait évoluer vers une pathologie cancéreuse ; que les conséquences de l'absence ou de l'arrêt prématuré de soins et de contrôles médicaux réguliers seraient ainsi d'une exceptionnelle gravité pour son état de santé ; que les soins qui s'imposent à lui ne pourraient être pris en charge dans son pays d'origine, faute de moyens financiers, matériels et humains, quand bien même les médicaments y existeraient, ce qui n'est pas le cas ; que le préfet n'a pas explicité sa décision sur ce point ; que, dans un pays où la couverture sociale est inexistante, l'exposant ne pourra être soigné ; que, dans ces conditions, les dispositions susmentionnées ont été méconnues par le préfet, qui a, en outre, entaché son arrêté d'erreur manifeste d'appréciation sur ce point ;

- que, dans ces circonstances, ledit arrêté a également été pris en méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le champ duquel l'exposant entrait et ne pouvait, dès lors, faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

- que cet arrêté méconnaît, par ailleurs, tant le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, l'exposant vit de manière ininterrompue en France depuis 2005, où il est venu rejoindre ses deux enfants de nationalité française et son ex-épouse, avec laquelle il a conservé des liens ; que quatre soeurs et deux frères vivent de manière régulière sur le territoire français ; que, ses parents étant décédés, il n'a quasiment plus de liens familiaux au Cameroun ; qu'ainsi, en prononçant la mesure d'éloignement en litige, le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ladite mesure a été prise et a commis, en outre, une erreur manifeste d'appréciation ;

- que la décision du même jour décidant son placement en rétention administrative s'avère insuffisamment motivée, en ce qu'elle se borne à mentionner qu'il était impossible de procéder au rapatriement de l'exposant dès son interpellation sans justifier le bien-fondé de cette mesure, ni préciser en quoi une mesure d'assignation à résidence ne pouvait, en l'espèce, être envisagée ;

- que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la désignation du Cameroun comme pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, eu égard à la gravité de la pathologie dont souffre l'exposant et compte tenu des conséquences que pourrait comporter pour sa situation un défaut de traitement, un retour au Cameroun entraînerait à l'évidence des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour son état de santé ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu les pièces du dossier desquelles il ressort que le préfet du Nord a reçu communication de la requête susvisée et n'a pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la décision en date du 16 mars 2010, prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai désigne M. Guillaume Mulsant, président de la 1ère chambre, en tant que juge d'appel des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Guillaume Mulsant, président désigné, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que, par un arrêté en date du 20 octobre 2009, le préfet du Nord a prononcé la reconduite à la frontière de M. A, ressortissant camerounais, né en 1948, en se fondant sur les dispositions du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par une décision distincte du même jour, le préfet du Nord a décidé de placer M. A, dans l'attente de son départ à destination du Cameroun, en rétention administrative ; que M. A forme appel du jugement en date du 23 octobre 2009 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille, en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre ledit arrêté et ladite décision, ainsi que contre la désignation du pays de renvoi ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ; que s'il est constant que M. A est entré en France le 25 avril 2005 muni d'un passeport en cours de validité et revêtu d'un visa de court séjour, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de ce visa et qu'il ne peut se prévaloir de la délivrance d'aucun titre de séjour ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettait au préfet du Nord de décider, par l'arrêté attaqué, qu'il serait reconduit à la frontière ; que M. A ne saurait, dans ces conditions, utilement se référer au 1° du même article, dans le champ d'application duquel il n'entrait pas, pour soutenir que ledit arrêté serait entaché de défaut de base légale ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, du procès-verbal retraçant l'audition de M. A à la suite de son interpellation que celui-ci avait clairement déclaré être atteint d'un cancer de la prostate, faire l'objet d'un suivi médical et suivre un traitement, une opération étant envisagée ; que ces déclarations ont d'ailleurs été depuis confirmées par deux certificats médicaux versés au dossier par l'intéressé et qui confirment que celui-ci est pris en charge médicalement pour un problème de cancer de la prostate probable, lequel nécessite un suivi médical ; qu'il résulte cependant de l'examen des motifs de l'arrêté de reconduite à la frontière en litige que ceux-ci, malgré les déclarations précises susmentionnées de M. A, ne font aucunement état de ce que l'état de santé de l'intéressé ait été pris en considération par le préfet du Nord avant de prononcer la mesure de reconduite à la frontière en litige ; que la motivation ainsi retenue, alors même qu'elle relève que M. A entrait dans le cas prévu au 2° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que la mesure d'éloignement entreprise ne porterait pas au droit de l'intéressé, séparé et sans charge de famille, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive, ne permettent pas de s'assurer que le préfet du Nord s'est livré à un examen effectif de sa situation particulière au regard des dispositions et stipulations applicables à celle-ci ; que ledit arrêté s'avère, dès lors, insuffisamment motivé au regard des exigences notamment posées par les dispositions précitées de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et doit, pour ce motif, être annulé, de même, par voie de conséquence, que la décision du même jour plaçant l'intéressé en rétention administrative ; qu'en revanche, dès lors qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet du Nord ait pris une décision désignant le pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prise à l'égard de M. A, les seules mentions figurant dans les motifs de la décision de placement de l'intéressé en rétention administrative étant insusceptibles à elles seules de révéler l'existence d'une telle décision, les conclusions que celui-ci dirige contre la désignation du Cameroun comme pays de renvoi ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction assortie d'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas et qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ;

Considérant que la présente décision, qui annule l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet du Nord à l'égard de M. A, implique, en application des dispositions précitées et dès lors qu'il n'est pas allégué et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un changement de circonstances de droit ou de fait y fasse obstacle, qu'une autorisation provisoire de séjour couvrant la durée nécessaire à l'examen de sa situation lui soit délivrée par le préfet de la Seine-Saint-Denis, territorialement compétent au regard du domicile de l'intéressé, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de la présente décision et qu'il soit procédé à cet examen dans un délai d'un mois à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application desdites dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0906716 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille en date du 23 octobre 2009 ainsi que l'arrêté du préfet du Nord en date du 20 octobre 2009 décidant de reconduire M. A à la frontière et la décision du même jour plaçant l'intéressé en rétention administrative sont annulés.

Article 2 : Il est prescrit au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. A, dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de la présente décision, une autorisation provisoire de séjour couvrant le délai nécessaire à l'examen de la situation de l'intéressé et de procéder, dans le délai d'un mois à compter de cette date, à cet examen.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Dieudonné A, au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

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N°09DA01638 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 09DA01638
Date de la décision : 11/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume Mulsant
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : NGUEYEP NOUMO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-05-11;09da01638 ?
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